Nazifier Israël est une forme contemporaine de négationnisme, par Simone Rodan-Benzaquen
Une banderole proclamant "Palestine : la victoire du peuple opprimé contre le sionisme nazi", brandie par des terroristes du Hamas alors que l’otage Naama Levy, le pantalon ensanglanté à sa capture, est sommée de sourire, en uniforme : cette image résume tout. Toute la barbarie. Toute sa stratégie. Nazifier Israël, blanchir les crimes du Hamas, inverser les rôles entre bourreaux et victimes : voilà l’essence de leur propagande.
Mais ce récit ne s’arrête pas là. Il n’y a pas que le Hamas. Il dépasse Gaza, il infiltre les campus universitaires, s’installe dans les cercles militants, et jusqu’aux discours politiques. Des figures comme les députés de La France insoumise, des pseudo-antiracistes, des organisations comme Amnesty International, prêtes à tordre les concepts juridiques pour accommoder leurs idéologies, et des pseudo-féministes lui donnent un écho dangereux. "Israël nazi", "Génocide en cours", "Hamas résistance" : ces slogans ne sont pas des maladresses sémantiques. Ce sont des armes idéologiques, qui légitiment la haine et justifient la violence.
Le terme "génocide" vidé de son sens
Aujourd’hui, à l’occasion du 80ᵉ anniversaire de la libération d’Auschwitz, alors que les dernières voix des survivants s’éteignent, ces relais se rendent coupables d’une inversion accusatoire. Une forme de négationnisme qui déforme l’Histoire. Raphaël Lemkin, qui a inventé le terme "génocide", le définissait comme la destruction délibérée et systématique d’un groupe entier. Assimiler les souffrances des civils de Gaza à un génocide organisé, c’est vider ce terme de son sens et ouvrir la porte à la confusion et à la violence.
Les conséquences sont déjà là : synagogues attaquées, étudiants juifs harcelés, manifestations où l’on appelle à l’Intifada. À Nanterre, une adolescente juive a été violée par des agresseurs qui justifiaient leur crime par leur haine d’Israël. Ces actes ne sont pas des débordements isolés. Ils sont les fruits d’un climat soigneusement entretenu par le Hamas et amplifié par ceux qui, consciemment ou non, en deviennent les collaborateurs.
Cette stratégie n’a rien de nouveau. Elle s’enracine dans la propagande soviétique et panarabe des années 1960, conçue pour nazifier Israël et présenter le sionisme comme une idéologie raciste et coloniale. Dans les années 1970, elle est institutionnalisée à l’ONU avec la résolution 3379, qui qualifie le sionisme de racisme. À Durban, en 2001, sous prétexte de combattre le racisme mondial, la haine antisémite a trouvé une tribune internationale. Israël y était décrit comme une entité raciste à abattre. Ce discours, qui devrait être marginal, s’est installé au cœur des institutions et des sociétés. Recep Tayyip Erdogan, en 2014, accusait déjà Israël de "surpasser les nazis en barbarie". Mahmoud Abbas, en 2022, osait parler de "cinquante holocaustes". Ces mots ne sont pas des outrances. Ce sont des armes idéologiques, calculées pour inverser la culpabilité historique et alimenter une haine persistante.
La culpabilité change de camp
Depuis le 7 octobre, nous assistons à une accélération brutale de cette logique. Ce jour-là, plus de 1 400 Israéliens ont été massacrés, des femmes violées, des enfants kidnappés. Pourtant, certains ont refusé de qualifier ces actes de pogroms. D’autres ont osé nier les atrocités, allant jusqu’à justifier ces crimes. Alors c’est Israël qu’on accuse de génocide, c’est le sionisme qu’on accuse de colonialisme, c’est Gaza qui devient Auschwitz. Cela ne relève pas de la maladresse ou de l’ignorance. C’est une forme contemporaine et assumée de négationnisme.
Pourquoi cette inversion ? Parce qu’elle sert un objectif idéologique : discréditer Israël, effacer son lien historique avec la Shoah, et en faire un Etat illégitime. La Shoah, qui a longtemps servi de pilier moral dans l’après-guerre, est désormais instrumentalisée. On la banalise, on la détourne, et on lui substitue un récit idéologique basé sur la décolonisation. Dans cette vision, Israël n’est plus le refuge d’un peuple persécuté, mais une anomalie coloniale à rectifier.
Si les juifs deviennent les nazis dans l’imaginaire collectif, alors le symbole de la Shoah est vidé de son sens. La culpabilité change de camp. Et ce qui a été construit depuis quatre-vingts ans s’effondre : la lutte contre l’antisémitisme, le droit d’Israël d’exister et de prospérer, et plus largement, la défense des valeurs démocratiques qui devaient nous protéger de la barbarie.
Céder à cette propagande, ce n’est pas seulement trahir la mémoire. C’est permettre à un antisémitisme contemporain, déguisé en engagement politique sous couvert de moralité, de proliférer. Et avec lui, ce sont les piliers de justice, de vérité et d’universalisme qui vacillent.
*Simone Rodan-Benzaquen est directrice Europe d’American Jewish Committee (AJC).