Nulle autre issue que la peinture…

Langeac. Nulle autre issue que la peintureæ. L'historienne d'art Anne Muller a repris le fil de ses conférences, pour éclairer son auditoire sur l'œuvre de Nicolas de Staël à laquelle l'espace d'art moderne et contemporain Le Doyenné de Brioude consacre, du 4 juillet au 10 octobre, une exposition intitulée Tradition et ruptures.

D'origine russe, Nicolas de Staël (1914 - 1955) mit fin à ses jours en se jetant dans le vide à l'âge de 41 ans. Il consacra sa vie à la création picturale, à la faveur d'un cheminement intérieur, d'une quête de sens inépuisable, d'une conquête progressive de la couleur et de la lumière.

« Ses influences sont les icônes russes, explique la conférencière, représentations d'une réalité spirituelle où le rouge est la projection de la lumière intérieure, mais aussi la mosaïque byzantine et ses juxtapositions de taches renforçant la luminosité des couleurs, les œuvres de Bonnard, Matisse et Braque, les peintures pariétales qui prouvent que l'art n'a pas d'âge… ».

À partir de 1952, alors que l'artiste est en pleine gloire, sa peinture, vouée à l'art abstrait change presque subitement de nature pour retourner à la figuration. Les critiques n'apprécient guère.

En guise de fil d'Ariane, Anne Muller montre à l'écran la toile Figures au bord de la mer, datant de 1952 précisément. Au bord d'une mer rouge, des silhouettes humaines se dessinent, semblent sortir d'un espace dur, d'une sorte de mur. Pour Nicolas de Staël, l'abstraction a fait son temps : la tâche de l'artiste n'est-elle pas de creuser ce mur en inventant un nouvel espace où les choses peuvent enfin exister ? Petit à petit, les pierres du mur abstrait deviennent des êtres et des objets « élevés à la dignité de la chose » selon l'expression du psychanalyste Jacques Lacan, c'est-à-dire existant en soi, en dehors de toute contingence, libérés de leur ombre, tel ce piano peint en 1955, où l'absence de musicien fait place au silence.

Une des dernières œuvres de l'artiste représente aussi des mouettes ayant pris leur envol. Le mur est tombé. Avant de se jeter dans le vide, le peintre laisse ce mot : « Je n'ai pas la force de parachever mes tableaux. » Mais les mouettes sont déjà loin, explorant à jamais un espace pictural entièrement nouveau.

« Aucune reproduction ne peut rendre la réalité d'une toile de Nicolas de Staël, insiste Anne Muller. C'est une peinture qui demande à être regardée vraiment ! ».