Migrants: à Calais, Macron et son "et de droite, et de gauche" mis à l'épreuve
POLITIQUE - "Indigne" pour la gauche et les associations de défense des réfugiés, "laxiste" voire contreproductive pour Laurent Wauquiez et Marine Le Pen, la réponse politique qu'Emmanuel Macron entend donner au drame humanitaire des migrants subit depuis des semaines le tir croisé des oppositions. Alors que le ministère de l'Intérieur planche sur un projet de loi "asile et immigration" d'ores et déjà voué aux gémonies, le doute s'est installé jusque dans les rangs de l'aile gauche de la majorité LREM, une première depuis le début du quinquennat.
C'est en partie pour répondre à cette crise de conscience et déminer les pièges tendus par ses adversaires qu'Emmanuel Macron se rend ce mardi 16 janvier à Calais, la ville qui symbolise depuis une vingtaine d'années la crise migratoire en Europe.
Le casse-tête du credo "humanité et fermeté"
Sur le terrain, l'équation relève néanmoins du casse-tête, l'Elysée écartant à l'avance toute "solution miracle". Le chef de l'État, qui doit rencontrer tour à tour les migrants qui cherchent à passer au Royaume-Uni, les associations qui s'en occupent et les défendent, les élus locaux dépassés par la situation, les forces de l'ordre à bout de souffle et la population qui "oscille entre lassitude et exaspération", aura toutes les peines du monde à réconcilier "humanité et fermeté", credo adopté par les macronistes pour résumer la ligne officielle du pouvoir.
Deux des principales associations, qui disent assurer près de 80% des actions auprès des migrants de Calais, ont annoncé lundi 15 janvier qu'elle déclinaient l'invitation à rencontrer Emmanuel Macron à Calais ce mardi, "désapprouvant les politiques migratoires" en cours. "Alors même que le gouvernement n'a pas écouté à Paris les grandes organisations humanitaires, ni sur leurs critiques, ni sur leurs propositions, pourquoi le président tiendrait-il compte des mêmes critiques et propositions des associations locales?", écrivent L'Auberge des migrants et Utopia 56.
Récusant les "faux bons sentiments" de la gauche qui l'accuse d'avoir enterré la bienveillance de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron espère au contraire démontrer que sa réponse est équilibrée: après un soutien marqué aux forces de l'ordre et à la population, où il devrait vanter le démantèlement "systématique" (et brutal selon les associations) des campements sauvages, le chef de l'État visitera à Croisilles, également dans le Pas-de-Calais, l'un des trois centres ouverts depuis l'été pour accueillir les migrants et examiner administrativement leur situation "le plus rapidement possible".
Un geste censé conforter le droit d'asile immédiatement pointé du doigt à droite comme un potentiel appel d'air à l'immigration clandestine. "Avec Emmanuel Macron, les immigrés clandestins resteront sur notre sol. Ils seront même de plus en plus nombreux", a taclé dès ce week-end le président des Républicains, Laurent Wauquiez. La criminalité est "la conséquence de l'immigration", qui "va s'accélérer avec le projet de loi du gouvernement" sur l'asile et l'immigration, a renchéri la présidente du FN Marine Le Pen, visiblement sur la même ligne.
La majorité cherche un autre équilibre
Preuve que "l'équilibre" vanté par le chef de l'État et le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb n'est pas aussi solide qu'affiché, l'aile gauche de la majorité LREM s'interroge encore sur le sens de la politique conduite, alors que des associations dénoncent régulièrement les comportements violents des forces de l'ordre à l'égard des réfugiés, aux antipodes de la ligne "humaniste" revendiquée. Après des remous en fin d'année dernière qui ont repris début janvier, l'Elysée, la Place Beauvau et la direction de La République en Marche ont pris conscience du caractère explosif de ce dossier.
Coïncidence ou pas, c'est le moment qu'a choisi l'aile sociale de LREM pour se structurer dans un "organe de réflexion". Une manière pour ces élus marqués à gauche de tenter de peser sur les débats internes de la majorité.
Pour calmer les esprits et trouver une ligne médiane entre ceux qui s'inquiètent du sort des migrants et ceux qui prônent une ligne dure sur les reconductions aux frontières, un séminaire gouvernemental a été organisé ces lundi et mardi. Un atelier législatif "asile-immigration" s'est notamment déroulé en fin de matinée le 15 janvier dans un climat apaisé, à en croire les participants. Gérard Collomb a quant à lui promis de discuter le temps qu'il faut avec le groupe majoritaire et le Modem pour s'assurer que chacun est sur la même ligne.
La suite devrait donc dépendre de la souplesse de l'exécutif qui semble pour l'heure camper sur la première rédaction du texte de loi. "C'est un projet de loi totalement équilibré", a juré Gérard Collomb en admettant qu'il y ait "des possibilités d'amendement". Mais, prévient-il, "il n'est pas question de changer d'orientation".
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