Cette sénatrice veut supprimer des aménagements de peine pour les auteurs de violences conjugales
![Cette sénatrice voudrait supprimer certains aménagements de peine pour les auteurs de violences conjugales (Image d'illustration: des prospectus à l'association L'Escale à Gennevilliers).](https://o.aolcdn.com/images/dims3/GLOB/crop/3604x1804+240+463/resize/630x315!/format/jpg/quality/85/http%3A%2F%2Fo.aolcdn.com%2Fhss%2Fstorage%2Fmidas%2Fda56386d124b6a768692fda75ecdab68%2F206149975%2F000_Par6674957.jpg)
VIOLENCES CONJUGALES - Françoise Laborde n'a pas déposé sa proposition de loi. Elle l'a "commise", s'amuse-t-elle elle-même. Ce jeudi 22 février, la sénatrice de Haute-Garonne et plusieurs de ses collègues présentent au Sénat un texte pour le durcissement du régime d'aménagement des peines pour les auteurs de violences conjugales. S'il ne devrait pas être voté en l'état, la parlementaire entend bien ouvrir le débat.
Le texte propose d'exclure les auteurs de violences conjugales de certaines possibilités d'aménagement ou d'exécution des peines prévues par la loi, "afin de les maintenir à une distance effective des victimes". Concrètement, un homme condamné à 18 mois de prison pour non-assistance à personne en danger ne pourrait voir sa peine changée en un placement sous surveillance avec bracelet électronique, par exemple. "Les aménagements de peines qui sont décidés dans certains cas entraînent un sentiment de grande incompréhension chez les victimes et leurs familles", ainsi qu'un "sentiment d'impunité pour l'auteur de ces violences", plaide la sénatrice.
Mais la Commission des lois du Sénat a remis en cause la constitutionnalité du texte. Si "l'objectif de la proposition de loi" est "compris", "d'importantes difficultés juridiques et pratiques" sont mises en lumière: les infractions retenues concernent des "violences d'inégale gravité", le texte ignore l'intérêt des suivis probatoires (qui "permettent d'obliger les condamnés à suivre des traitements") et, surtout, il porterait "atteinte au principe d'égalité". "Il serait incohérent et contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi d'exclure les seuls auteurs de violences conjugales du bénéfice des crédits de réduction de peine", comme le sont actuellement les condamnés pour terrorisme, explique le rapport de la Commission.
Un "vrai sujet"
"La Commission des lois pense que je suis folle", s'amuse Françoise Laborde, interrogée par Le HuffPost. Si elle reconnaît un texte "assez simple, voire simpliste", la vice-présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat estime que son initiative "permet de parler d'un sujet difficile". "Pratiquant régulièrement les associations qui aident et accueillent les victimes de violences conjugales, je me suis dit qu'il était important de regarder ce qui se passe, raconte-t-elle. Il faut arrêter, il faut dire les choses".
C'est évident que c'est un vrai sujet"Carmelina de Pablo au HuffPost
"Quand un enfant voit sa mère maltraitée, violentée, qu'elle va au bout du système et que ce père violent ne va pas en prison, quel exemple cela donne-t-il de la justice, de la famille?", s'interroge la sénatrice, membre du Parti radical de gauche (PRG).
Du côté des associations, on ne peut que valider le constat. Un conjoint qui se rapproche de celle qu'il a violentée alors qu'il n'en avait pas l'autorisation, c'est "un des cas de féminicide", affirme Corinne Aimé, présidente de La Maison de Simone, à Pessac, qui héberge et accompagne des femmes et enfants victimes de violences conjugales. "C'est évident que c'est un vrai sujet", abonde Carmelina de Pablo, conseillère municipale de Montrouge et présidente des "Élues contre les violences faites aux femmes" (ECVF). "Il faut que (les agresseurs) sachent que la loi est appliquée, c'est primordial".
L'angoisse des victimes et l'absence d'information
Au-delà de la question des aménagements de peine pour les auteurs de violences conjugales, un autre problème est évoqué par les défenseurs des victimes: ces dernières ne sont aujourd'hui tout simplement pas mises au courant par la justice de la date et des conditions de sortie de leur agresseur. "Il faut instaurer un droit à l'information des victimes lorsque l'agresseur peut se rapprocher", plaide auprès du HuffPost Isabelle Steyer, avocate spécialisée dans les violences faites aux femmes. Elle constate chaque jour l'angoisse que génèrent les possibilités de libérations anticipées chez les femmes et les enfants victimes.
Pour elle, il est aussi essentiel que les énoncés de mesures d'éloignement soient "plus claires". Et l'avocate de citer le cas de cette coiffeuse de Seine-Saint-Denis, frappée par son compagnon devant ses deux enfants, avant que la justice n'interdise finalement l'homme de la voir. "Un jour, lorsqu'elle va chercher son enfant à l'école, l'homme est là et utilise la situation pour menacer cette femme de mort, raconte Isabelle Steyer. Il joue en fait sur la rapidité de la situation et l'ambiguïté de l'énoncé" de la mesure d'éloignement pour se rapprocher de la femme qu'il a frappée, alors que cela lui est interdit.
Si le régime des aménagements de peine pour les auteurs de violences conjugales ne devrait pas être remis en cause ce jeudi, après l'avis défavorable de la Commission des lois, François Laborde estime qu'elle aura réalisé un double objectif: lancer un débat sur cette "violence qu'on ne peut pas banaliser" et remettre en cause le système de l'exécution des peines. La sénatrice en est convaincue: "Il faut que l'idée fasse son chemin".
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