Pentecôte : une hypocrisie collective !
Liberté chérie. Un mois de mai tronçonné par les ponts, une hausse parallèle des taxes pour le financement de la dépendance. À quand la suppression de jours fériés ?
Emmanuel Macron nous parle déjà d’une seconde journée de solidarité pour financer la vieillesse et la dépendance… alors que seulement un quart des salariés ont travaillé gratuitement pour nos seniors ce lundi de Pentecôte. Malins, au fil des années, nos compatriotes ont habilement contourné la loi, histoire de conserver ce week-end de trois jours au coeur du mois de mai. Ces petits aménagements donnent le sentiment, une fois encore, que le peuple le plus fainéant de la terre refuse de changer ses habitudes. Inutile de renâcler quand j’évoque cette maladie française : c’est statistiquement incontestable, avec 1 607 heures par an, le salarié français à temps plein est le plus fainéant de la planète.
L’idée de cette journée de solidarité était pourtant belle. Souvenez-vous : lors de l’été 2003 une canicule provoque la mort prématurée de 15 000 Français, souvent âgés. Fragilisé par la gestion calamiteuse de ce drame national, le président Jacques Chirac annonce une nouvelle mesure : les Français devront travailler un jour férié pour financer la solidarité en faveur des personnes âgées.
On choisit la Pentecôte. Historiquement, dans la religion chrétienne, le dimanche de la Pentecôte célèbre la venue du Saint-Esprit, sept semaines après Pâques. Mais en 1801, Napoléon signe le Concordat avec l’Église. Il décide que le lundi qui suit le dimanche de Pentecôte sera férié. Le choix de ce jour, par Chirac, est malin car le lundi de Pentecôte n’est pas, stricto sensu, une fête religieuse.
D’emblée le principe de cette journée de solidarité est affirmé dans la loi du 30 juin 2004 : « Une journée de solidarité est instituée en vue d’assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées. Elle prend la forme d’une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés et de la contribution [des employeurs pour financer] l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. »
Pour ce lundi de Pentecôte 2018, une étude du groupe Randstad démontre qu’en France 7 salariés sur 10 sont restés chez eux. Que s’est-il donc passé depuis la loi voulue par Chirac ? Une série d’assouplissements ont vicié le texte d’origine. Le gouvernement Fillon a même rétabli le lundi de Pentecôte férié en 2008, stipulant que chaque salarié devait toujours offrir une journée de travail, mais que ce jour n’était pas forcément celui suivant la Pentecôte. Certains employeurs ont donc opté pour la suppression d’un jour de congé ou de RTT, d’autres ont fait cadeau de cette journée à leurs salariés. Pour sa part, la SNCF a décidé de fractionner ce jour. Les cheminots devront donc travailler plus longtemps : 1 minute et 52 secondes par jour. Une durée arrondie à 2 minutes.
Techniquement, la loi contraint les employeurs français à verser 0,3 % de leur masse salariale à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Depuis 2013, les retraités assujettis à l’impôt sur le revenu doivent également contribuer à hauteur de 0,3 % de leurs pensions au financement de la dépendance. Une manne qui abondera la loi d’adaptation de la société au vieillissement promulguée en décembre 2015. Bien sûr, en dix ans, cette journée de solidarité a rapporté près de 23,5 milliards d’euros. L’année dernière, l’État a redistribué 1,42 milliard d’euros au bénéfice des personnes âgées et 946,6 millions d’euros au bénéfice des personnes handicapées. Ces recettes ont contribué à recruter du personnel pour les maisons de retraite, à financer des heures d’aide à domicile, des travaux de modernisation des installations.
Mais c’est trop peu. Pour que cette journée de solidarité soit efficace, il faudrait que les Français renoncent vraiment au fameux week-end de Pentecôte et consentent enfi n à travailler davantage au mois de mai. Nous en sommes loin car ces petits accommodements avec la loi de 2004 n’ont pas changé nos vieilles habitudes : lundi dernier nos rues étaient désertes et nos plages bondées. Le lundi de Pentecôte est toujours une journée morte pour l’économie française !
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Emmanuel Macron nous parle d\u00e9j\u00e0 d\u2019une seconde journ\u00e9e de solidarit\u00e9 pour financer la vieillesse et la d\u00e9pendance\u2026 alors que seulement un quart des salari\u00e9s ont travaill\u00e9 gratuitement pour nos seniors ce lundi de Pentec\u00f4te. Malins, au fil des ann\u00e9es, nos compatriotes ont habilement contourn\u00e9 la loi, histoire de conserver ce week-end de trois jours au coeur du mois de mai. Ces petits am\u00e9nagements donnent le sentiment, une fois encore, que le peuple le plus fain\u00e9ant de la terre refuse de changer ses habitudes. Inutile de ren\u00e2cler quand j\u2019\u00e9voque cette maladie fran\u00e7aise : c\u2019est statistiquement incontestable, avec 1 607 heures par an, le salari\u00e9 fran\u00e7ais \u00e0 temps plein est le plus fain\u00e9ant de la plan\u00e8te.<\/P>\n\n
L\u2019id\u00e9e de cette journ\u00e9e de solidarit\u00e9 \u00e9tait pourtant belle. Souvenez-vous : lors de l\u2019\u00e9t\u00e9 2003 une canicule provoque la mort pr\u00e9matur\u00e9e de 15 000 Fran\u00e7ais, souvent \u00e2g\u00e9s. Fragilis\u00e9 par la gestion calamiteuse de ce drame national, le pr\u00e9sident Jacques Chirac annonce une nouvelle mesure : les Fran\u00e7ais devront travailler un jour f\u00e9ri\u00e9 pour financer la solidarit\u00e9 en faveur des personnes \u00e2g\u00e9es.<\/P>\n\n
On choisit la Pentec\u00f4te. Historiquement, dans la religion chr\u00e9tienne, le dimanche de la Pentec\u00f4te c\u00e9l\u00e8bre la venue du Saint-Esprit, sept semaines apr\u00e8s P\u00e2ques. Mais en 1801, Napol\u00e9on signe le Concordat avec l\u2019\u00c9glise. Il d\u00e9cide que le lundi qui suit le dimanche de Pentec\u00f4te sera f\u00e9ri\u00e9. Le choix de ce jour, par Chirac, est malin car le lundi de Pentec\u00f4te n\u2019est pas, stricto sensu<\/I>, une f\u00eate religieuse.<\/P>\n\n
D\u2019embl\u00e9e le principe de cette journ\u00e9e de solidarit\u00e9 est affirm\u00e9 dans la loi du 30 juin 2004 : \u00ab Une journ\u00e9e de solidarit\u00e9 est institu\u00e9e en vue d\u2019assurer le financement des actions en faveur de l\u2019autonomie des personnes \u00e2g\u00e9es ou handicap\u00e9es. Elle prend la forme d\u2019une journ\u00e9e suppl\u00e9mentaire de travail non r\u00e9mun\u00e9r\u00e9 pour les salari\u00e9s et de la contribution <\/I>[des employeurs pour financer] l\u2019autonomie des personnes \u00e2g\u00e9es et des personnes handicap\u00e9es. \u00bb<\/I><\/P>\n\n
<\/I>Pour ce lundi de Pentec\u00f4te 2018, une \u00e9tude du groupe Randstad d\u00e9montre qu\u2019en France 7 salari\u00e9s sur 10 sont rest\u00e9s chez eux. Que s\u2019est-il donc pass\u00e9 depuis la loi voulue par Chirac ? Une s\u00e9rie d\u2019assouplissements ont vici\u00e9 le texte d\u2019origine. Le gouvernement Fillon a m\u00eame r\u00e9tabli le lundi de Pentec\u00f4te f\u00e9ri\u00e9 en 2008, stipulant que chaque salari\u00e9 devait toujours offrir une journ\u00e9e de travail, mais que ce jour n\u2019\u00e9tait pas forc\u00e9ment celui suivant la Pentec\u00f4te. Certains employeurs ont donc opt\u00e9 pour la suppression d\u2019un jour de cong\u00e9 ou de RTT, d\u2019autres ont fait cadeau de cette journ\u00e9e \u00e0 leurs salari\u00e9s. Pour sa part, la SNCF a d\u00e9cid\u00e9 de fractionner ce jour. Les cheminots devront donc travailler plus longtemps : 1 minute et 52 secondes par jour. Une dur\u00e9e arrondie \u00e0 2 minutes.<\/P>\n\n
Techniquement, la loi contraint les employeurs fran\u00e7ais \u00e0 verser 0,3 % de leur masse salariale \u00e0 la Caisse nationale de solidarit\u00e9 pour l\u2019autonomie (CNSA). Depuis 2013, les retrait\u00e9s assujettis \u00e0 l\u2019imp\u00f4t sur le revenu doivent \u00e9galement contribuer \u00e0 hauteur de 0,3 % de leurs pensions au financement de la d\u00e9pendance. Une manne qui abondera la loi d\u2019adaptation de la soci\u00e9t\u00e9 au vieillissement promulgu\u00e9e en d\u00e9cembre 2015. Bien s\u00fbr, en dix ans, cette journ\u00e9e de solidarit\u00e9 a rapport\u00e9 pr\u00e8s de 23,5 milliards d\u2019euros. L\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re, l\u2019\u00c9tat a redistribu\u00e9 1,42 milliard d\u2019euros au b\u00e9n\u00e9fice des personnes \u00e2g\u00e9es et 946,6 millions d\u2019euros au b\u00e9n\u00e9fice des personnes handicap\u00e9es. Ces recettes ont contribu\u00e9 \u00e0 recruter du personnel pour les maisons de retraite, \u00e0 financer des heures d\u2019aide \u00e0 domicile, des travaux de modernisation des installations.<\/P>\n\n
Mais c\u2019est trop peu. Pour que cette journ\u00e9e de solidarit\u00e9 soit efficace, il faudrait que les Fran\u00e7ais renoncent vraiment au fameux week-end de Pentec\u00f4te et consentent enfi n \u00e0 travailler davantage au mois de mai. Nous en sommes loin car ces petits accommodements avec la loi de 2004 n\u2019ont pas chang\u00e9 nos vieilles habitudes : lundi dernier nos rues \u00e9taient d\u00e9sertes et nos plages bond\u00e9es. Le lundi de Pentec\u00f4te est toujours une journ\u00e9e morte pour l\u2019\u00e9conomie fran\u00e7aise !<\/P>","chapo":"Un mois de mai tron\u00e7onn\u00e9 par les ponts, une hausse parall\u00e8le des taxes pour le financement de la d\u00e9pendance. \u00c0 quand la suppression de jours f\u00e9ri\u00e9s ?","date":"2018-05-23","document_unique_id":"3514784","issue_number":"4252","category":"TRIBUNE","subtitle":"","author":"Eric Brunet","new":"1","import":"13632"}
mr Brunet en bon libéral ne pense qu'à l'argent dans la vie, à sortir des chiffres et des chiffres, il a oublié que le monde n'a pas que cela comme valeurs, et il nous fatigue de sa morale suffisante
Rien de neuf, l'hypocrisie est à tous les niveaux !