De la coutellerie Perceval à l'entrepreneuriat, Marie Taillardat a créé son entreprise juste avant le confinement, à Vinzelles
Quand elle parle de son passage professionnel dans une crèche, Marie Taillardat part dans un éclat de rire cristallin. « Quand on me connaît, ce n’est pas du tout mon monde?! », s’excuse-t-elle presque. Trop féminin pour ce garçon manqué à la coupe garçonne justement, qui préfère parler sport et voitures.
La jeune Clermontoise se joue des couteaux (archive octobre 2015)
C’est d’ailleurs ces dernières qui sont sa vraie passion, et plus particulièrement les tout-terrain Defender, « depuis toute petite », comme un écho aux dizaines de modèles réduits colorés soigneusement alignés dans les vitrines de sa pièce à vivre, à Vinzelles. « Quand on en a un, soit on voyage, soit on fait du franchissement », explique-t-elle. Marie, elle, a choisi le voyage avec le sien.
« Travailler avec des hommes »Professionnellement aussi, vous l’aurez déjà compris, c’est aussi l’exploration qu’elle a choisi de suivre en 2012. « Je voulais changer de métier et travailler avec des hommes », ajoute-t-elle. Et la journée portes ouvertes entreprises du bassin thiernois lui en donnera l’idée et l’occasion, avec la rencontre de Roland Lannier, alors chef d’atelier de la coutellerie Perceval. « On a pas mal papoté et j’ai laissé un CV à l’arrache ».Deux jours plus tard, elle était rappelée et rencontrait Yves Charles, aux fourneaux de Perceval. L’idée de l’apprentissage se fait jour mais Marie la repousse, intimidée au début : « J’avais peur de me retrouver, à 22 ans, avec des gamins de 15-16 ans… J’ai fait finalement partie des plus jeunes?! » En 2013, elle rentre donc au CFAI pour deux ans puis intègre Perceval en CDI à sa sortie, en 2015. Propulée responsable gamme des couteaux de cuisine forgés, elle va toucher à tout durant quelques années : la cuisine donc, la table, les sommeliers et pliants.
La création d'entreprise, et l'arrivée du Covid-19Mais pour cette boule d’énergie qu’est Marie, la bougeotte n’est jamais bien loin. Déclinant le poste de chef d’équipe, elle se laisse tenter par un nouveau challenge : « Le seul poste que j’avais pas fait, c’est patron?! » Le 14 février dernier, elle quitte donc l’atelier de l’avenue des États-Unis pour rentrer chez elle, à Vinzelles, où elle a passé une partie des vacances de Noël à aménager son futur atelier dans l’étage inoccupé d’une grange. « J’avais envie d’être bien, d’avoir de la place et pas mal de machines », décrit-elle dans son espace de travail aujourd’hui achevé, entre sono allumée et posters… de Defender.
La case de l’atelier cochée, Marie prévoit de commencer par travailler pour la sous-traitance, mais le Covid-19 et le confinement passent par là et rebattent les cartes.
Il fallait que je sauve mon entreprise avant même qu’elle ait commencé
Elle se lance alors dans la conception et décoche sa première lame. Mais pas n’importe comment puisque ce sont deux figures tutélaires que la jeune femme a convoquées dans le creuset de ses idées.
Rester sur le haut de gammePour la qualité d’abord, celle exigée chez Perceval : « J’ai voulu rester sur ce haut de gamme que j’ai appris pendant 7 ans ». Le style ensuite, plus du tout de couteaux de cuisine, « je voulais faire autre chose ». Un modèle, enfin, baptisé le “1925.”, une date de naissance pour sa venue au monde en coutellerie (voir par ailleurs). Et parce qu’il est des coups d’essai qui valent des coups de maître, la lame plaît, « après quatre mois un peu compliqués ». « Depuis la rentrée, c’est parti sur les chapeaux de roue », souffle Marie qui a déjà expédié son « 1925. » en Suisse, Allemagne, Belgique, Espagne ou Italie.
Le mien il est marqué ?? #salegosse et le votre ? Pour toute commande passé entre le 5/11 et le 5/12 la gravure est offerte ??. Noël en avance ??
Publiée par Marie Taillardat Coutellerie sur Jeudi 5 novembre 2020Ce jour-là, sa commande part pour la première fois pour les États-Unis. Nul doute que pour cette passionnée d’évasion, le voyage ne fait que commencer.
Un "1925." en hommage à son grand-pèrePour son premier couteau, Marie lui a donné pour nom la date de naissance de son grand-père, 1925, suivie d’un point. Pourquoi un point?? « Parce que j’en mets partout et c’est un signe pour mes copains », rit-elle. Ce premier couteau, « il me ressemble un peu : grand avec un manche un peu large pour voir la beauté des bois, leur veinage, mais assez fin en épaisseur ». Un vrai couteau de tradition française « soft et efficace » selon sa conceptrice.
Voir cette publication sur Instagram Pour ses manches, Marie utilise d’abord du bois, « que des loupes » et certaines essences « qu’on ne voit jamais », rapportées par les copains de par le monde. Un peu de carbone aussi et des matières fossilisées, « rien de vivant ». Les lames, elles, s’habillent de damas Suminagashi ou d’acier inox.
François Jaulhac francois.jaulhac@centrefrance.com
