Pourquoi tout le monde ou presque, en Corrèze, veut sa mangeoire à oiseaux ?
Depuis plusieurs années, les Corréziens se passionnent pour les petites créatures à plumes avec lesquelles ils partagent leur balcon ou leur jardin. À Brive, les grandes surfaces de jardinerie constatent un engouement toujours croissant. Voilà quatre tentatives d'explication de ce phénomène.
Parce que c'est à la mode« Depuis plusieurs années déjà, on a un rayon fixe à l’année pour les oiseaux du ciel, alors qu’avant, ce n’était que saisonnier, explique Sébastien Boireau, responsable de l’animalerie au magasin Villaverde, à Brive et dix-huit années d'expérience derrière lui. Et tous les ans, la demande augmente. On sent l’engouement, ça plaît de plus en plus aux gens et on développe notre rayon. »
Au magasin Villaverde de Brive. Photo F. LherpinièreDans le hit-parade des ventes, les boules de graisse - « On en a vendu deux cents seaux le mois dernier » - et les graines de tournesol tiennent le haut de l’affiche, avec les vers de farine. Voilà pour les repas. Mais l’offre est aussi très large côté logements : des nichoirs, des mangeoires, à suspendre ou sur pied, en bois brut ou très stylisées…
Pour le directeur du magasin Jardiland, à Brive, les achats se répartissent « à 70 % sur l’alimentation et à 30 % sur les mangeoires et nichoirs. Cet engouement se vérifie tout au long de l’année, confirme Emmanuel Pereira, avec une accentuation sur la période automnale et hivernale. »
Parce que le froid nous rend compassionnelsAu magasin Gamm Vert, à Brive, on se tient prêt. « Dès qu’il va y avoir une gelée, ça va partir. C’est le froid qui fait que les gens achètent », analyse Bernadette Chatufaud, la responsable du magasin, elle aussi témoin de cette nouvelle mode. « On voit bien qu’il y a de plus en plus de gens qui nourrissent les oiseaux. » Et, plus il fait froid, plus les Corréziens pensent à eux : « La sensibilité de nos clients auprès de la population d’oiseaux de la nature varie selon les conditions climatiques hivernales », rappelle le directeur de Jardiland.
Conseils pour les menusUn rouge-gorge à la mangeoire. Photo thierry LindauerPour cause de grippe aviaire, la LPO conseille cette année de ne pas nourrir à partir du 15 novembre mais d’attendre les premiers gels d’hiver. Enfin, petit rappel : lait, pain sec et aliments salés sont à bannir.
Parce que c'est bon pour la biodiversitéIls sont déjà 220, en Corrèze, soit 550 hectares inscrits, à avoir ouvert un petit coin de paradis pour la biodiversité en créant un refuge LPO. Et, tout comme l’achat de douceurs hivernales pour les mésanges, les refuges rencontrent un succès croissant : en 2019, la LPO a constaté une hausse des créations de 85 %, et d’encore 30 % en 2020.
L’inscription, qui se fait auprès de la LPO en ligne, au téléphone ou par courrier coûte 35 euros. Il suffit de s’engager à respecter une charte. Un balcon, une cour ou un jardinet peuvent très bien faire l’affaire. Le principe : respecter quelques fondamentaux qui assurent une bonne préservation de la biodiversité, quel que soit l’espace dont on dispose : faire du compost, éviter le taille-haie pendant la période de nidification, désherber manuellement uniquement, recycler l’eau de pluie, poser des nichoirs, nourrir les oiseaux, bannir les produits chimiques et installer un hôtel à insectes, planter des espèces locales…
Ce maillage n’est pas sans enjeu, face aux menaces qui pèsent sur la biodiversité. « La mésange charbonnière et la mésange bleue, espèces généralistes, présentent des populations stables, alors que le moineau domestique présente une population en déclin, explique Carine Carbon-Bremond, chargée des relations presse à la LPO. Il en est de même pour le chardonneret élégant », dont la population a diminué de 35 % en un peu moins de vingt ans.
Parce que cela rend les gens heureuxUne explication toute simple, que connaissent les habitués des sacs de graines de tournesol et que confirme Marine, croisée dans les allées de Villaverde, un grand seau de boules de graisse dans les bras :
Ma belle-fille et son père sont fans ! Elle a 9 ans et elle adore ça, on les regarde souvent ensemble. On est en train de construire une maison et mon copain, qui est maçon, a même fait des trous dans certaines pierres pour qu'ils puissent venir y nicher.
... Mais pas parce que l'on est reconfiné !Le reconfinement n’a pas vraiment renforcé l’engouement pour ce type de produits, alors que les confinés avaient été nombreux, au printemps, à observer et à écouter les oiseaux de leur environnement. « On sent pour l’instant qu’on en vend un peu moins que d’habitude », reconnaît Sébastien Boireau.
Même si les jardineries sont ouvertes, les Corréziens rationalisent sans doute leurs déplacements et, tant que la douceur règne, le casse-croûte des mésanges ne figure pas tout en haut de la liste des priorités…
Ruée dans les magasins : comment les Corréziens ont aménagé leur jardin ?
Pomme Labrousse