« Je préfère être intègre plutôt qu’intégriste » : le prêtre André Pons (Cantal) prend sa retraite après cinquante ans de sacerdoce
« Je préfère être intègre plutôt qu’intégriste. » Des mots qui ont une certaine valeur dans la bouche d’un homme qui a dédié cinquante ans et quelques mois de sa vie à servir Dieu. André Pons, rattaché à l’église du Sacré-Cœur, et animant les offices dans la vallée de la Jordanne, a choisi l’année de son jubilé d’or pour prendre sa retraite, au début du mois. Durant tout ce temps, ce prêtre cantalien a donné à entendre « la bonne, la joyeuse nouvelle », sans prosélytisme, sans culpabiliser, sans juger. En toute humilité. Comme le prône l’Évangile qui lui est cher.
« Un bon chrétien, c’est être quelqu’un d’accueillant, à tout, à tous, et dans le respect de la liberté de chacun »
Pour André Pons, la ponctualité à tous les offices, être à jour de ses sacrements, réciter par coeur les psaumes, ne suffit pas à donner quitus au croyant. Chez lui, la foi va avec la droiture et s'entend comme un encouragement à s’élever, dans sa pensée, dans son esprit, dans sa vie, à améliorer la version initiale de soi-même. Un chemin semé d’erreurs et d’inévitables de doutes. « Le doute est inhérent à l’acte de foi, le doute nous fait avancer », estime le prêtre, lui aussi en proie aux questionnements. Et de rassurer : « Croire, ce n’est pas voir ! » À ce Cantalien, la religion a insufflé une folle envie de savoir. Une soif inextinguible d’apprendre étanchée tout au long de sa vie.
Des études très brillantesRien ne prédisposait cet enfant né au « Vernet », à Saint-Georges, dans une famille d’agriculteurs comptant quatre autres enfants, à embrasser la vie de prélat. « Cela n’a pas été un éblouissement d’emblée », avoue-t-il. La foi est venue lentement, au fil d’études de plus en plus brillantes, à l’institution La Présentation de Saint-Flour. Puis, après le bac, au Grand séminaire de Chamalières (Puy-de-Dôme). Après cinq années d’études théologiques et philosophiques, il est diplômé et ordonné prêtre le 28 juin 1970.
Son haut niveau en latin, en grec et en hébreu lui ouvre aisément les portes de l’Institut biblique pontifical de Rome où il va parfaire sa formation. L’hébreu est une telle passion qu’il continuera de s’y former plus tard, auprès de l’Inalco (Institut national des langues et civilisations oritentales). Ses devoirs, toujours notés entre 18 (majoritairement) et 16 sur vingt, suscitent les éloges et l’admiration de ses enseignants juifs, qui se régalent (et le lui font savoir) en lisant ses travaux pratiques.
Suivre l'étoile de la Bible...Cet intérêt profond pour la culture hébraïque n’est pas sans lien avec le christianisme. Le père André Pons s’est plongé corps et âme dans l’histoire de sa religion. Une quête qui va l’entraîner loin, toujours à suivre l’étoile de la Bible, jusqu’en Israël, Palestine, Jordanie, Égypte, Syrie, en Afrique…L’Éthiopie, « deuxième terre sainte », exerce sur lui une fascination touchante. Encore aujourd'hui, il rêve d'arpenter cette terre chrétienne avec laquelle il se sent en communion. « Ouh, le site de Lalibela, je le connais par coeur, je le fais visiter le yeux fermés. Le églises creusées dans la roche, qu'il abrite, sont des bijoux », s'enflamme-t-il, au coeur de son appartement aurillacois, dont les murs et les placards portent des indices de ses voyages les plus marquants...
Outre Jérusalem, le Mont Sinaï, niché à 2.285 mètres d'altitude, l’aimante : il y a grimpé 43 fois (il est aussi monté huit fois au mont Sainte-Catherine, voisin, culminant à 2.642 mètres). « Les Bédouins se demandaient ce que je faisais. Et bien, je monte, je monte ! Un guide local m'a dit, un jour : "Quoi, 43 fois ! Je ne l'ai jamais fait autant" Je ne pourrais plus faire ça aujourd'hui... », s'amuse André Pons qui s'est lié d'amitié avec ce Bédouin.
En solo ou en accompagnateur spirituelLe prêtre mène ses voyages en solitaire ou emmène des groupes. « J’ai accompagné 1.995 personnes dans le monde la Bible », sourit-il.Il a aussi besoin de connaître les autres cultes et mouvements spirituels. Pour l’islam, il prend la direction de l’Iran, du Yémen, de la Turquie, de l’Ouzbékistan… Il s’intéresse à l’orthodoxie en Bulgarie, Russie, Arménie… Attiré par les civilisations précolombiennes, il se rend au Mexique. Pour le bouddhisme, il séjourne dans le Grand Tibet. Et de montrer des photos où il pose aux cotés de moines.
De Pékin, j'ai pu monter au Tibet, seul. Normalement, dans la capitale chinoise, j'aurais dû aller dormir dans un hôtel à touristes. Ça ne m'intéressait pas. Dans les autres hôtels, on ne voulait pas louer à un occidental à l'époque. Mais j'avais un petit livret-guide qui évoquait un lieu où dormir, et j' y ai trouvé une place. Je suis resté visiter Pékin, la Grande Muraille de Chine... Puis je suis allé à Lhassa où j'ai passé un mois
Le père André Pons a également crapahuté sur certains sommets du Népal dont les noms rappellent de grandes expéditions d'alpinisme. Il est aussi allé en Inde, à Ladakh... Ce goût de gravir des montagnes lui vient de son Cantal natal. « Quand j'étais jeune, j'ai fait tous les monts du Cantal jusqu'au Mont-Dore. »
Cet homme d'église, qui a l'amour de son prochain, a vu sa curiosité piquée par toutes ces civilisations, différentes de la sienne. Il s'est à chaque fois immergé au milieu des populations. Dans de très rares pays, ce grand baroudeur devant l'Éternel, s'est parfois retrouvé, seul, devant des situations équivoques. « Je me demande comment j'ai pu faire ça », s'étonne-t-il, avec le recul. De rares problèmes balayés par les amitiés nouées avec les gens du cru et les grands moments partagés, bien plus nombreux et enrichissants. Forgé et inspiré par toutes ces expériences internationales et de belles rencontres amicales, ce prêtre aventurier sera resté fidèle à sa foi et ses valeurs.Autant dire que cet homme du bien a provoqué quelques larmes, au début du mois en annonçant qu’il prenait définitivement congé de ses paroissiens, prenant de court le clergé cantalien. Inutile de chercher à le retenir en lui jouant un petit air de violon qui appuie sur la corde sensible… La décision a été intimement soupesée avant de faire valoir l’âge de raison. À presque 75 ans, André Pons aspire à un peu de repos.
Chemcha RabhiPhotos : Jérémie Fulleringer