Le 26 juillet 1942, Daniel Cordier, compagnon de la Libération, était parachuté près de Montluçon (Allier)
Danniel Cordier, l’un des 1.038 compagnons de la Libération distingué par le général de Gaulle pour son engagement au sein de la France libre pendant l’occupation allemande, vient de s’éteindre à l’âge de 100 ans ce vendredi 20 novembre 2020. Toute la presse nationale s’est faite l’écho de la disparition de l’ancien secrétaire de Jean Moulin.
Ce que l’histoire ne dit pas, ou très peu, c’est que Daniel Cordier, à qui un hommage national doit être rendu prochainement, a été parachuté dans la nuit du 25 au 26 juillet 1942 tout près de Montluçon (Allier). Au lieu-dit « Coursage », très précisément, à quelques centaines de mètres du bourg de Prémilhat.
Un ouvrage de 900 pagesCet épisode est retracé dans ses mémoires, Alias Caracalla, parues aux éditions Gallimard en 2009. Un imposant pavé de 900 pages où il évoque, entre les pages 310 et 319, son bref passage par Montluçon entre son parachutage dans la nuit du 25 au 26 juillet, à 2 heures du matin, puis son départ par le train de 8 heures pour Lyon le 27 juillet.
Daniel Cordier, ancien secrétaire de Jean Moulin, est mort
L’historien local, Jean-Paul Perrin, a lu avec attention ces quelques pages qui ont, pour la ville de Montluçon, un retentissement tout particulier. Lors de son parachutage, Daniel Cordier est réceptionné par plusieurs résistants de la région. Il y a là Raymond Tronche (1913-1990), responsable départemental du centre des opérations de parachutages et d’atterrissages, et futur secrétaire adjoint de la mairie de Montluçon.
Mais aussi Pierre Kaan (1903-1945), professeur de philosophie au lycée de garçons, révoqué par le régime de Vichy et mort en déportation. On note également la présence de René Ribière (1910-1995), futur président du Comité départemental de libération, maire de Montluçon de mai 1945 à juin 1946 et propriétaire après guerre du journal Centre Républicain, devenu Centre Matin.
Hébergé chez un cheminotLe docteur Jean Billaud (1904-1943) fait lui aussi partie de ce groupe. C’est lui qui soigna sur place un autre parachuté, Jean Ayral, qui s’était mal réceptionné. Tout comme un autre résistant, un certain Favardin.
À Montluçon, Daniel Cordier est hébergé chez un employé de la SNCF, Georges Vimal, dont la maison se situait au 65, avenue de Néris, l’actuelle avenue Kennedy. C’est là qu’il passe la journée du dimanche 26 juillet 1942. Son hôte lui parle alors des cérémonies clandestines qui ont eu lieu au cimetière Saint-Paul, en mémoire de Marx Dormoy, assassiné un an plus tôt à Montélimar.
Une certaine ClaudineLe lundi 27 juillet, au matin, muni de faux papiers au nom de Charles Daguerre, journaliste, né le 10 août 1920 à Péronne, Daniel Cordier prend le train pour Lyon en compagnie de Briant, l’un des deux résistants parachutés avec lui. C’est une certaine « Claudine », agent de liaison dans la Résistance, qui conduit les deux hommes à la gare :
« Nous la suivons à pied vers la gare, nos valises à la main. Elle nous a recommandé de ne rien garder de compromettant sur nous et nous nous sommes séparés à regret de nos armes, cachées au fond des valises. »
Les deux parachutés déjeunent en sa compagnie à la terrasse d’un café, face à la gare. Au passage, le garçon de café leur parle d’un fermier des environs qui a été réveillé par le bruit d’un avion, rasant le toit de sa maison et dont seraient sortis trois parachutistes, la nuit précédente. « J’espère qu’ils sont bien planqués », lance Daniel Cordier.
« Un accueil bon enfant et plein de considération »Peu à peu, la terrasse se remplit et, à son grand soulagement, Daniel Cordier, qui craignait qu’on ne les suspecte, constate que la conversation porte essentiellement sur le succès de la manifestation de la veille.
Parti de Montluçon à 8 heures du matin, le train arrive à Lyon dans l’après-midi. En s’installant dans le logement mis à disposition par une dame, « visiblement terrorisée », Daniel Cordier écrit : « Elle nous prépare un repas frugal qu’elle partage avec nous. Elle parle peu et garde quelque chose de pincé. Quel contraste avec l’accueil bon enfant et plein de considération du couple de Montluçon » !
Son destin a basculéTrois jours plus tard, le jeudi 30 juillet 1942, Daniel Cordier, qui vient de s’installer dans un nouveau logement, entre pour la première fois en contact avec « Rex », c’est-à-dire Jean-Moulin.
Pendant onze mois, il sera son secrétaire. Après deux années de formation en Angleterre dans les Forces Françaises Libres, Daniel Cordier était censé devenir le radio de Georges Bidault, chef du bureau d’information et de presse (BIP), agence de presse clandestine. Son destin a basculé
Hommage. Le musée de la Résistance de Montluçon a relayé le message du bureau national de l'ANACR : "Une grande voix de la Résistance s’est éteinte ce 20 novembre, mais son écho, porté par ses nombreux livres, ses centaines d’entretiens écrits et audiovisuels, continuera longtemps d’être audible. Daniel Cordier, ce fut, jusqu’à ses derniers jours, l’homme de la fidélité à la mémoire de Jean Moulin, dont il devint, en historien rigoureux, le narrateur magistral de la vie et de l’action, en en restituant les valeurs qui l’habitèrent et le motivèrent, le rôle majeur qui fut le sien".
Fabrice Redon