Des cloches belges dans des églises du Puy-de-Dôme
Lors de la dernière séance de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Fd (*), Pierre M. Ganne a présenté une communication sur les cloches exogènes du Puy-de-Dôme et notamment celle de la chapelle de Corne à Bourg-Lastic.
Une conférence qui s’est révélée pleine de surprisesEn effet, Pierre M. Ganne, habitant Giat, a commencé ses recherches en s’intéressant à la cloche d’une chapelle de la commune de Bourg-Lastic. Très rapidement ses investigations vont l’amener à étendre son enquête campanaire. Et les résultats sont surprenants : plusieurs cloches du département viennent de Belgique et seraient issues du marché de l’occasion.« Au nord de Bourg-Lastic, la restauration récente de la chapelle du hameau de Corne a permis la dépose de son unique cloche, datée de 1690. Oubliée des inventaires campanaires, son inscription révèle que son commanditaire fut un abbé du Neufmoustier, une ancienne abbaye dont les vestiges sont aujourd’hui intégrés dans la ville d’Huy, à mi-chemin entre Namur et Liège, en Belgique. »
Origine insolite« Solidement établie à près de 600 km de distance, cette origine insolite ne peut manquer de surprendre et soulève la question des autres cloches étrangères au département du Puy-de-Dôme.
Car la cloche belge de Corne n’est pas un cas unique et isolé ! Une autre cloche, elle aussi inédite, est aujourd’hui conservée à Clermont-Ferrand, au lycée privé Godefroy-de-Bouillon, où elle a longtemps servi de cloche d’appel des élèves. Son inscription révèle qu’un certain Van den Gheyn l’a fondue en 1725. Le même nom se retrouve dans le clocher de l’église de Busséol, où une cloche armoriée de 1791 révèle, cette fois, l’origine de cette famille de fondeurs, installée à Louvain !À ce petit ensemble de trois cloches, provenant assurément des Pays Bas espagnols, comme on les appelait alors, peuvent être encore ajoutées deux autres cloches signées Corsin, aujourd’hui dans les églises de Gelles et de Saint-Nectaire, mais fondues à Lille ! En plus de la distance déjà surprenante avec leur lieu de fabrication, le doute n’est plus permis avec la dédicace de la cloche de Gelles, qui évoque un commanditaire de la région lilloise, lui aussi à près de 500 km ! »
Avant la Révolution« Toutes ces cloches sont antérieures aux périodes révolutionnaires, bien connues pour les avoir descendues, brisées, fondues. Leur masse peut être estimée entre 25 et 85 kg chacune, à l’exception de la cloche de Saint-Nectaire, qui doit avoisiner les 400 kg. Ces poids, relativement raisonnables, ont dû faciliter leur manutention et donc leur déplacement. Ils expliquent aussi pourquoi ces “petites” cloches ont fini par échapper à la fonte, la quantité de matériau récupérable était sans doute bien moins intéressante que des cloches de plusieurs centaines de kilos. »
Marché de l'occasion« Quoi qu’il en soit, ce petit corpus de cinq cloches, totalement déconnectées de leur lieu d’origine et dont le remploi est désormais attesté, a parcouru une distance considérable de plusieurs centaines de kilomètres pour se retrouver dans le département du Puy-de-Dôme.
Cette concentration inhabituelle autorise l’hypothèse d’une véritable filière d’importation, permettant d’écouler des cloches usagées, sans doute à un moindre coût. En l’état actuel des recherches, ce marché campanaire de l’occasion semble actif dans la seconde moitié du XIXe siècle » conclut Pierre M. Ganne.
En 1995, l’Académie a publié un ouvrage de référence sur les cloches du département, d’après l’inventaire établi par le chanoine Bernard Craplet, complété et mis en forme par Pierre-François Aleil. Contact : 19 rue Bardoux, à Clermont. Tél. : 04.73.92.22.51.
Des nouvelles de l'AcadémieL'assemblée générale des membres titulaires de l'Académie des sciences, belles lettres et arts de Clermont-Ferrand ainsi que la séance du mercredi 2 décembre 2020 à la mairie de Clermont-Ferrand, salle Michel de l'Hospital, sont annulées. Si les conditions sanitaires le permettent la prochaine séance de l'Académie aura lieu le mercredi 6 janvier 2021 à 16 h 30. Charles Lemarchand fera une communication sur la loutre à contre-courant.
Pascal Guinard