Deux frères, pour une quatrième génération de couteliers dans l'entreprise Chazeau-Honoré à La Monnerie-le-Montel (Puy-de-Dôme)
Ce sont deux frères, peut-être parmi les plus connus de la Montagne thiernoise. Un rire communicatif, décelable entre beaucoup, et une certaine idée de ce qui fait la vie du terroir. Entre eux, s’établit une relation de confiance, une relation fusionnelle, où l’un ne va pas sans l’autre. C’est aussi le poids de plus d’un siècle de coutellerie, qui repose sur quatre épaules. Nicolas et Franck Chazeau, 42 et 35 ans, ont repris à leur compte, il y a trois ans, la coutellerie familiale. Ils sont, ensemble, la quatrième génération de couteliers.
Mais alors, entre Chazeau et Honoré, qui est qui ? « Honoré, c’est le nom de famille de nos arrière-grands-parents, précise Nicolas. Ensuite, notre grand-mère, Aimée, a épousé Pierre Chazeau qui a repris la boutique. Les deux noms de famille ont alors été apposés sur l’entreprise. »C'est dans l'entreprise familiale, dans le village de Chailas, que les deux frères Chazeau perpétuent la tradition.Et l’aventure familiale s’est toujours déroulée dans le village de Chailas, près de l’actuelle zone de Racine, a deux pas de l’échangeur autoroutier. Dans les années soixante-dix, l’entreprise déménage, pour moderniser les choses, agrandir l’espace. Robert Chazeau, le père des deux frangins, n’est alors qu’un jeune homme. Que déjà, lui aussi, sait qu’il continuera la saga monnerinoise.Du modèle 45 Honoré, aux inclusions spéciales dans ces manches à la mode, Chazeau-Honoré a toujours souhaité travailler ses propres modèles. Et n’a jamais négligé la carte de l’exportation, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Guyane, sur des modèles spécifiques à ces contrées, malgré quelques difficultés liées à la concurrence asiatique, au moment notamment de la passation de pouvoir pour Robert. « Puis c’est revenu, ils sont revenus chercher la qualité », lance Nicolas.
« La gestion au quotidien a quelque peu changé… »Lui, a attaqué en 1994, après un CAP de deux ans en alternance. Franck commencera lui en 2001 après le même cursus. Aucun ne s’est réellement posé la question de ce qu’il ferait de sa vie. Traîner dans l’atelier était leurs vacances, leur récréation, leur évasion. Comme beaucoup d’enfants d’artisans. Aujourd’hui, c’est Robert qui « traîne » ses bottes derrière la banque ou devant les courroies. Et pour l’attraper, il faut y être au bon moment, lui, plus mutique que ses deux enfants.Mais ces absences désormais plus que justifiées ne font pas oublier le manque du patriarche, pour Nicolas et Franck. « La gestion au quotidien a quelque peu changé… Depuis son départ, on a fait sous-traiter des choses, et ce n’est pas évident de savoir faire ce qu’il faisait, commentent les deux frères. Mais bon, il a son avis sur tout, et plus tu vas y cacher, plus il va regarder ! (rires). Mais c’est normal. Après, il nous a toujours laissé faire ce qu’on a voulu faire. »
Une reconnaissance, qui, s’ils la partagent pour le père, ne fait pas oublier qu’ils la partagent aussi l’un pour l’autre, et mesurent la chance qu’ils ont de travailler ensemble au quotidien. Un soutien de poids, en cas de n’importe quel coup dur. Mais pas que. « Moi je suis reconnaissant oui, c’est Nicolas qui m’en a le plus appris », estime Franck. Chacun de leur côté, ils font « leurs trucs », ils s’entendent « bien ». Et quand l’un part en vacances, l’autre l’appelle tous les jours. Fusionnel on vous a dit. Si aujourd’hui Nicolas s’occupe plus de l’export, Franck se concentre davantage sur ce qui est marché intérieur. Une répartition naturelle, « mais on pourrait inverser les rôles, ça ne changerait rien ».
Quid de la cinquième génération ?Derrière la fierté de continuer à faire de Chazeau-Honoré une entreprise réputée, il y a la pression qu’ils veulent bien s’enlever, dans les bons moments. « On ne se la met pas… Mais il y a des moments comme maintenant, avec le Covid, c’est compliqué. On fait beaucoup de visites de groupes, et sans ça, il faut bien sortir un chiffre, ça ne tombe pas du ciel… »
Et quand on évoque la cinquième génération, ça reste le point d’interrogation. Si Marie-Christine, la maman, est toujours salariée à 61 ans, restera-t-elle la seule femme de la boutique ? Car les frangins ont à eux deux, trois filles. « Et à la différence de nous à leur âge, elles ne sont jamais à l’atelier », sourit Nicolas. Mais qui sait, peut-être un gendre fera-t-il l’affaire comme on dit. Comme c’est déjà arrivé. Il faudra peut-être mettre un troisième nom, après Chazeau-Honoré.
Alexandre Chazeau
Leur couteau préféré. Quand on est coutelier, on a forcément un petit penchant pour l’une de ses créations. Nicolas, l’aîné, porte son choix sur la dague de chasse pliante que le binôme a créé. « C’est un modèle que j’aime bien, et il fonctionne très bien ! » Son frère, chasseur également, jette son dévolu sur le THIERS®, simplement. « Avec son tire-bouchon, c’est déjà un couteau de survie (rires). Et puis c’est celui qu’on adapte le plus avec les inclusions. »