Vendée Globe. Un fauteuil pour deux
Après l’avarie subie par Alex Thomson sur Hugo Boss, Thomas Ruyant et Charlie Dalin se retrouvent tous les deux en tête du Vendée Globe. C’est un vrai tournant de cette édition.
Avec déjà plus de 200 milles de retard en à peine quelques heures, la victoire d’Alex Thomson sur ce Vendée Globe devient à chaque minute de plus en plus incertaine même si la route est encore longue. Thomas Ruyant et Charlie Dalin semblent avoir fait le break ce dimanche et devraient profiter d’une situation météo favorable en avant de la flotte.
Qu’ils soient dans le groupe de tête (le trio Ruyant-Dalin-Thomson), parmi les poursuivants directs (de Jean Le Cam 4ème le plus à « l’intérieur du virage », à Samantha Davies, 10ème), dans le triumvirat au large de Salvador de Bahia (Dutreux-Seguin-Pedote), au sein du pack brésilien (du 14ème Maxime Sorel au 18ème Alan Roura), parmi les « malheureux » encore au cœur du Pot au Noir (Costa-Boissières-Hare-Cousin) ou en passe d’y entrer (de Tripon 24ème à Destremau 30ème)… Sans parler du Japonais Kojiro Shiraishi qui a réussi à réparer sa grand-voile et à s’extirper des dévents de l’archipel cap-verdien ou même de Beyou encore dans des alizés canariens (qui malencontreusement vont s’étioler en début de semaine !), se projeter à plus de 24 heures à des airs de « Madame Soleil », la célèbre astrologue des années 90…
Pour être clair, il y a désormais six groupes et quelques « isolés » qui s’étalent sur plus de 3 000 milles, soit l’équivalent d’une traversée de l’Atlantique (Route du Rhum ou The Transat)… Ce qui signifie que certains skippers ont déjà fait une croix sur leur score espéré pour se concentrer et se consacrer à un tour du monde qui s’annonce encore plus différent entre les leaders et leurs poursuivants que lors des précédentes éditions : quand les premiers vont toucher les dépressions australes et filer à plus de vingt nœuds de moyenne, les derniers seront encore à batailler dans la Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT ou Pot au Noir), entre grains diluviens et calmes prolongés…
Il faut donc s’attendre à des écarts colossaux, de plus de 5 000 milles d’ici une semaine et de près de 10 000 milles dans une vingtaine de jours : quand le leader sera au cœur du Pacifique, la « lanterne rouge » passera le cap de Bonne-Espérance… Mais d’ici là, combien de solitaires seront encore opérationnels ? Déjà un démâtage (CORUM L’épargne) au large du Cap-Vert, un problème structurel pour Alex Thomson (HUGO BOSS) dans la descente de l’Atlantique Sud, et bien des avaries (plus ou moins graves) sur nombre de monocoques IMOCA. Le « quota » de 50% d’abandons n’est certes pas atteint (et ne le sera probablement pas au vu de la préparation de nombre de bateaux et de skippers), mais tout de même : il y aura forcément des « éclopés » sur le bord de la route…
Dans le couloir de l’abord
Alors quid de ce grand tour de Sainte-Hélène, l’anticyclone qui se joue de la course en repoussant les dépressions bien en dessous des Quarantièmes Rugissants ? Il virevolte entre Argentine et Afrique du Sud, sans réellement se stabiliser, ce qui rend l’anticipation des routes assez délicate. À ce jour, il n’y a pas d’autre choix pour le trio de tête (et pour leurs sept poursuivants) que de plonger vers ce « ventre mou » qui est de moins en moins marqué (1 022 hPa) et se déplace donc « à la vitesse d’un cheval au galop »…
Et ce n’est pas la petite dépression (1 017 hPa) qui se désagrège au fil des heures, qui va simplifier les choses : le vague front nuageux qui court du cap Frio (pointe Sud-Est du Brésil) jusqu’au cap de Bonne Espérance ou presque, ne va laisser qu’un maigre couloir pour aborder les Quarantièmes ! Et encore faudra-t-il enchaîner les empannages pour rester dans la bonne veine de vent : celui qui a embarqué un spinnaker (Thomas Ruyant ? Jean Le Cam ? Yannick Bestaven ?) aura l’avantage de mieux glisser que sous gennaker de tête… Les quelques degrés d’angle (une bonne dizaine tout de même) et les quelques nœuds de mieux, devraient créer des différentiels plus que positifs, car le premier qui sort de la nasse va littéralement « s’envoler » !
Le classement subliminal des anciens…
Enfin quid des « dérives droites » chères à Jean Le Cam ? Rappelons toutefois que le Vendée Globe est une course où il n’y a qu’un seul classement : le premier arrivé après avoir fait le tour du monde en solitaire et sans escale, a gagné. Point. Il n’y a donc pas de résultat autre du genre, bateau de plus de dix ans, casquette en carton ou âge du capitaine.
Pour autant, Yes We Cam! et OMIA-Water Family font plus qu’impressionner et les conditions « pourries » de cet abord du Grand Sud, ne peuvent que les mettre en valeur : ça va plus vite au portant dans les petits airs sans foils qui traînent dans l’eau et sous spinnaker… Mais de là à monter sur le podium aux Sables d’Olonne, il y a plus qu’une marche ! Attendons encore un peu avant de nous prononcer.
Au final, il va encore falloir attendre quelques jours (vendredi ou samedi) pour que le premier rentre vraiment dans les mers du Sud, probablement largement en-dessous du 40° Sud, voire même en bordure de la Zone d’Exclusion des Glaces, autour du 45° Sud… Qui sera alors le leader ? Réponse le week-end prochain, lorsque la bretelle pour accéder à l’autoroute du Sud aura été franchie !