La romancière aux livres remarqués se partage entre Aubusson et Paris

« Il faut faciliter l'accès à la Creuse ! »

Louisiane Dor, auteure de deux livres remarqués (« Les méduses ont-elles sommeil ? », Prix Renaudot du livre de poche 2017 et « Ceci est mon cœur », nommé pour le Goncourt de la nouvelle 2018), est l'une des fondatrices du tout nouveau magazine « Influence », dont le premier numéro est paru en novembre.

Où avez-vous grandi en Creuse ? J'ai passé mon enfance et une partie de mon adolescence à Aubusson. Je vivais à l'étage de la boutique de tapisseries de mon père, « Espace Tapisseries Aubusson » face au pont de la Terrade.

Qu'est ce qui vous a fait partir ? Je suis partie à 16 ans car les possibilités pour les jeunes sont assez restreintes en Creuse… Paris m'a ouvert ses portes mais, finalement, j'exerce aujourd'hui un métier que je peux pratiquer n'importe où, l'écriture. J'ai également un réel problème avec les chasseurs et tous autres détracteurs d'animaux, et en Creuse, il y en a vraiment trop.

Quel est, selon vous, le principal atout de la Creuse ? Sa verdure et son côté familial. J'aime les habitants amoureux de leur région, qui prennent des initiatives pour pousser les côtés culturels et terroir.

Sa principale faiblesse ? On tente d'attirer des visiteurs en créant des structures, formidables, bien sûr, telles que la piscine et la Cité Internationale de la tapisserie, à Aubusson. Mais, parallèlement, on restreint les accès directs en train et en car…

Le département doit-il miser sur sa nature préservée ou miser sur un développement économique ? Préserver la nature, évidemment ! Mais l'un empêche-t-il vraiment l'autre ?

Quelle est la meilleure chose qui soit arrivée à la Creuse ces dernières années ? Les nouvelles structures et les nouveaux restaurants et hôtels redonnent un souffle à Aubusson. Je félicite particulièrement les propriétaires des Maisons du Pont ainsi que l'association Am'Carta qui sont audacieux et courageux.

Comment faire pour accueillir de nouvelles populations, d'ailleurs, le faut-il ? Bien sûr qu'il le faut ! Ne serait-ce qu'économiquement, c'est indispensable ! Les deux premières choses à faire, à mon sens, seraient de faciliter l'accès à la Creuse, grâce au TGV et aux cars. Il faudrait également repeindre les façades en couleurs, ce qui rendrait le département beaucoup plus accueillant et attrayant. C'est bien beau de créer une superbe structure colorée au milieu d'une ville, mais si elle est entourée de bâtiments grisâtres, ça ne sert à rien. La rue de Crémieux par exemple, à Paris, attire le monde entier grâce à ses façades colorées !

Le Creusois est-il accueillant ? Cela dépend lequel ! Je dirais que les habitants de petites villes peuvent avoir un esprit plus convivial, plus fidèle. Et j'invite les habitants de province à ne pas jouer aux « racistes » avec les habitants des grandes villes qui souhaiteraient venir s'installer chez eux, car ils peuvent amener de nouvelles choses !

Y a-t-il une « mentalité creusoise », un caractère d'ici ? Il y a beaucoup d'artistes en Creuse. Aubusson est un nid.

Y a-t-il une expression, un mot, un juron… d'ici que vous aimez bien utiliser ? « Putain de chasseur de merde. ».

Quel est le coin de Creuse, le paysage, qui vous touche le plus ? J'adore le pont des Chèvres et le Pont de Senoueix. J'aime également monter à la Tour de l'Horloge. Dommage, une fois de plus, que les maisons ne soient pas colorées…

On vous donne une baguette magique et vous avez le droit d'effacer le truc le plus moche que vous ayez-vu en Creuse, ce sera quoi ? Toujours ces façades grises !

Y a-t-il un personnage, une personnalité creusoise qui vous inspire ? Mon papa Jean-Marie Dor, qui tient l'une des dernières Maisons de restauration de tapisseries anciennes. Je ne dis pas ça uniquement parce que c'est mon père ! Il a ouvert son entreprise il y a trente ans et est tellement passionné qu'il ne compte pas s'arrêter. Sa Maison, c'est la haute couture de la restauration de tapisseries anciennes. Deux de ses restauratrices l'ont suivi depuis le début et lui sont restés fidèles. Elles s'appellent Sylvie et Marylin et ce sont de grandes dames elles aussi.

Quelle est la plus belle chose que vous ayez lue, vue ou entendue sur la Creuse ? La vallée des peintres qui a inspiré les plus grands, comme Monet.

Quel cliché que l'on colle à la Creuse vous agace le plus ? « Bouseux ! ».

Qu'est-ce qui manque à la Creuse ? La culture est en train de s'y développer à grands pas. Quand nous aurons enfin des trains réguliers, de grands artistes viendront sûrement plus fréquemment, donner des concerts, par exemple.

Quelle idée (géniale) pourriez-vous glisser aux décideurs pour enrayer le déclin de notre territoire ? Repeignez vos façades et facilitez l'accès à la Creuse !

Où allez-vous faire vos courses ? Et pour acheter quoi de creusois ? Dans les petites épiceries bio et locales, comme Ethiquette, à Aubusson. Nous allons également chez Intermarché, qui connaît un nouveau souffle grâce à Sarah Berger, sa nouvelle gérante. Bien que je sois totalement opposée à la ferme de Saint-Martial-le-Vieux. Quand je viens à Aubusson, je ne mange QUE des fondus creusois, du pâté de pomme de terre et du Creusois (achetés à la Noisettine) ! Qui a dit que les végétariens mangeaient des feuilles ?

Le confinement en Creuse, c'était comment ? J'ai eu la chance de vivre mon confinement à la campagne, en région parisienne. Les Creusois, particulièrement ceux qui ont un jardin, sont très chanceux, et cela a fait réfléchir et rêver beaucoup de citadins !

Qui se la pète le plus vis-à-vis de la Creuse, le Limougeaud ou le Corrézien ? Ah ! Je dirais le Limougeaud ! Redescendez, l'expression « être limogé » vient de vous !

Imaginez pour nous la Creuse en 2050 ? La Creuse sera la région la plus culturelle et la plus gaie de France, il y aura des festivals dans tous les sens et ce sera "The New Place To Be" où les jeunes rêveront de passer leurs étés.

Si vous ne viviez pas en Creuse, ou seriez-vous ? Je vis en région parisienne mais j'ai un très grand jardin et heureusement ! Mais quand on voit le prix de l'immobilier ici, et ce que l'on a en Creuse pour le même prix… Entre une chambre de bonne dans le XX e arrondissement de Paris et un château à Mainsat, « la question est vite répondue » !

28 novembre 1992

Naissance à Aubusson.

2016

« Les méduses ont-elles sommeil » ? » aux Éditions Gallimard.

2018

« Ceci est mon cœur » aux Éditions Robert Laffont.

" J'aime les habitants amoureux de leur région ,,

" La Creuse sera la région la plus culturelle de France ,,

Du lundi au samedi

À lire demain. Les coups de cœur pour la Creuse d'Arnaud Chapal.