Où en est la parité dans le milieu du cinéma ?
Depuis 23 ans, le rapport annuel du Celluloid Ceiling fait le point sur les avancées de l'industrie cinématographique en matière de parité. A ce jour, il s'agit de l'étude la plus longue et la plus limpide sur le sujet. Et les chiffres (relayés par Deadline) sont clairs : il n'y a jamais eu autant de femmes cinéastes aux Etats-Unis qu'en 2020 ! Le résultat est d'autant plus valable que le pourcentage de femmes à la tête des plus gros films du box-office augmente pour la deuxième année consécutive. La tendance se confirme : le cinéma américain tend bel et bien vers la parité, lentement mais sûrement.
Mais, ne nous faisons pas d'illusions pour autant. Derrière ce record historique, l'écart à combler reste effroyable. Comme le résume la professeure ayant publié l'étude, Martha Lauzen : “La bonne nouvelle est que cela fait maintenant deux ans que le nombre de femmes réalisatrices croît, ce qui brise la courbe en dents de scie de ces dernières années. La mauvaise nouvelle est que 80% des films au top du box-office n'ont toujours pas de femmes à leur tête.” En 2020, 71% des films américains ont permis à une dizaine d'hommes au minimum d'occuper de hautes fonctions, tandis que 67% ne comptaient que quatre femmes maximum à des postes importants (voire 0).
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Une avancée toute relative
Comme l'indique l'étude du Celluloid Ceiling, en 2020, 16% des 100 premiers films du box-office américain ont été réalisés par des femmes, alors que le chiffre tombait à 12% en 2019 et seulement à 4% en 2018. Si l'on considère les 250 premiers films du box-office américain 2020, 18% d'entre eux ont été réalisés par des femmes, pour 13% en 2019 et 8% en 2018. Sur cet échantillon de 250 films, 23% des postes importants (productrices, cheffes opératrices, réalisatrices, scénaristes, monteuses) ont été occupés par des femmes (contre 21% en 2019). Nous plafonnions à 17% en 1998, ce qui représente une pénible croissance de six points en l'espace de 20 ans...
En France en 2019, on ne dénombre aucune femme parmi les 16 réalisateurs français ayant dépassé le million d'entrées et de même, en 2020, aucun des 4 films français ayant atteint le million n'a été réalisé par une femme. D'ailleurs, cela n'a pas été le cas depuis 2015. Cette année-là, Connasse, princesse des cœurs d'Eloïse Lang et Noémie Saglio, ainsi que Le Grand partage d'Alexandra Leclère et le documentaire Demain (corréalisé par Cyril Dion et l'actrice Mélanie Laurent) étaient parvenus à attirer plus d'un million de spectateurs. En 2014, elles étaient 3 réalisatrices à connaître un tel succès, en 2013 zéro et en 2012 une seule (Charlotte de Turckheim). En 2011, Maïwenn avait battu tous les records avec Polisse qui était le 4e film français de l'année à dépasser le million (environ 2 415 000 entrées).
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2020, une fournée exceptionnelle
En raison de la pandémie, le classement du box-office de 2020 comprend exceptionnellement tous les films ayant attiré plus de 500 000 spectateurs. Et cet échantillon de 10 films supplémentaires révèle le succès relatif de 2 réalisatrices françaises au cours de l'année passée : celui de Julie Manoukian et de sa comédie Les Vétos (distribuée par UGC et interprétée par Clovis Cornillac) en janvier 2020, et celui plus surprenant d'Antoinette dans les Cévennes. Sortie pendant l'entre-confinement, personne ne s'attendait à ce que cette petite comédie portée par Laure Calamy connaisse une telle vie en salle. Avec ses 748 000 spectateurs, la cinéaste Caroline Vignal a démontré la rentabilité de budgets plus modestes en temps de crise.
Jusqu'à présent, les réalisatrices françaises semblent donc se démarquer sur le marché par le biais de la comédie. Alors qu'aux Etats-Unis, les femmes comptent plutôt sur les grosses franchises (de type super-héros) pour monter en puissance. Après le succès rencontré par Patty Jenkins et ses deux Wonder Woman, nous découvrirons ainsi en 2021 Eternals de Chloé Zhao (sortie tout droit du cinéma indépendant et qui compte bien réinventer le blockbuster avec un minimum de moyens et une sobriété encore jamais vue dans le genre) et le spin-off Black Widow de Cate Shortland.
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