Philippe Dugenest, ancien directeur de Microplan, souhaite à la Creuse, un sursaut économique
Depuis dix ans, Philippe Dugenest a vu l’entreprise creusoise dont il est devenu le directeur, Microplan, à La Forêt-du-Temple, prospérer et s’asseoir dans le paysage comme une pépite industrielle internationale. Désormais tout fraîchement à la retraite, il se partage entre sa terre natale, la Creuse et les Sables d’Olonne. Et espère toujours que la Creuse osera s’offrir un jour la vie économique qu’elle mérite.
Qu’est-ce que cette dernière décennie a apporté à Microplan ? Déjà, il y a eu une pérennisation. Je dis “déjà” parce que maintenir est quelque chose de formidable. Je ne pense pas que la population de la Creuse, dans cette dernière décennie, ait beaucoup augmenté, mais je pense que la moyenne d’âge elle, par contre, oui et je n’ai pas vu beaucoup plus de développement économique.
À l’époque, vous parliez de l’économie comme d’une promesse d’avenir pour la Creuse. Il y a quelque chose qui m’a fait rire en relisant l’interview d’il y a dix ans. Je disais qu’il ne fallait pas que l’on transforme la Creuse en département de retraités et aujourd’hui, je me dis qu’en fin de compte, effectivement, on pourrait vraiment aussi développer notre territoire avec des gens qui auraient envie de vivre un peu plus au calme. C’est peut-être cette population que l’on pourrait arriver à drainer chez nous grâce à cette qualité de vie plus cool, plus simple, où l’on pourrait prendre du temps pour pouvoir apprécier la richesse de notre territoire.
Justement l’accueil, depuis dix ans, qu’en est-il ? Il faut avoir une structure pour accueillir et ça manque beaucoup aujourd’hui par rapport à la santé notamment. Il y a dix ans, j’avais parlé du service public mais ce qu’il faut qu’on arrive à maintenir aussi ce sont les services de santé. Aujourd’hui, vous avez besoin d’un rendez-vous chez un ophtalmo, et bien depuis un an, on a du mal à obtenir un rendez-vous, malheureusement on en a de moins en moins de praticiens en Creuse. L’offre de santé pêche d’une façon générale. Est-ce qu’il ne faudrait pas accueillir dans un premier temps qui personnes qui auraient envie de travailler dans ce secteur de la santé ?
Qu’est ce qui a pêché ces dix dernières années ? Déjà les petits médecins de campagne, beaucoup ont pris leur retraite et n’ont jamais été remplacés. Il y a eu aussi l’organisation des maisons de santé. Dans un même canton, plusieurs communes voulaient accueillir ces maisons et à force de batailler sans se montrer solidaires, et bien les maisons de santé ne se sont pas créées… On ne peut pas dire qu’ici tout est merveilleux, ce n’est pas vrai, il faut être réaliste. Par contre, il y a une très bonne qualité de vie mais il ne faut pas se regarder le nombril. Quelque part, je pense qu’on a des œillères, on n’a pas une ouverture globale sur le monde extérieur.
D’après vous, de quoi ça vient ? Du caractère creusois un peu austère ? D’être timide à oser peut-être ? Il y a un petit peu de tout. Vous avez des gens qui bougent trop peu, qui n’ont pas de vision sur ce qu’il se passe à l’extérieur et puis les gens sont aussi craintifs d’accueillir, c’est un peu dommage…
En 2010, vous disiez même que les Creusois étaient peu entreprenants. J’en suis persuadé. Je pense que le Creusois est de moins en moins entreprenant, je pense que le Français est de moins en moins entreprenant aussi. Les gens sont un peu trop prudents, ce manque d’entreprendre, c’est un mal très français.
La Creuse en 2050 vous la verriez comment ? Ah j’aimerais la voir ! Elle finira par attirer un petit peu plus, le fait d’avoir préserver sa nature, ça permettra de nous maintenir toujours s’il n’y a pas d’autre ressource. On le voit depuis dix mois, c’est beaucoup plus agréable de pouvoir se promener en pleine nature, de pouvoir vivre avec un jardin, de pouvoir respirer sainement.
Propos recueillis par Julie Ho Hoa