Meurtre de Bourganeuf : des zones d'ombre subsistent au deuxième jour du procès
« Il y a pas mal de choses incohérentes, incomplètes », pointe le ministère public, au terme d’une nouvelle matinée d’audiences, ce mardi au tribunal de Guéret. Car si tous les témoignages s’accordent à dresser le portrait d’un homme « gentil, serviable, honnête, discret, courageux » quant à l’accusé - face à celui moins flatteur de la victime (lire ci-dessous) - une zone d’ombre persiste encore au deuxième jour du procès : où le coup mortel à la carotide gauche a-t-il été porté ? Dans la pièce principale de l’appartement ? Dans le hall d’entrée ? Anthony Marchand n’a jamais changé sa version des faits, ne se « souvenant » déjà pas d’autant de coups portés à Nicolas Nivet. Cynthia, son ex-compagne, à la barre ce mardi matin, a les mêmes souvenirs confus quant au déroulement tragique de la soirée.
« C’était mon Nicolas, je l’ai eu 37 ans »
Une enfance heureuse à Aubusson puis une vie qui commence à mal tourner à l’adolescence. Il n’a pas que des défauts, Nicolas Nivet, d’ailleurs, « ce n’est pas son procès », insiste la présidente quand ses parents puis son ex-compagne témoignent à la barre. Mais il a des zones d’ombre et un caractère un peu difficile. « Il n’aimait pas être commandé », « il ne lâchait pas l’affaire ». Et puis, il y avait l’alcool, la drogue et ce « regard de tueur », « un regard noir » quand il avait bu. Un homme qui pouvait rabaisser les autres. Mais c’était aussi « un bon père qui s’occupait bien de ses enfants », des trois garçons qu’il avait eus avec sa compagne comme des deux enfants de celle-ci. C’était aussi et d’abord un fils : « C’était mon Nicolas, je l’ai eu 37 ans et en une nuit, j’ai plus rien », lâche sa mère.
Seuls le début et la fin de celle-ci semblent cohérents avec le rapport présenté par un expert en morpho-analyse de sang qui détaille « six zones possibles de commissions de violences : deux dans la pièce principale et quatre dans le hall ». « Il se passe quelque chose d’actif près de la porte ». Est-ce dans ce hall qu’a été porté le coup mortel ? Et les dix coups portés après, dont certains dans le dos ? C’est bien ce qui questionne la cour depuis le premier jour des audiences.
Un trou noir, « un vrai carnage »Un trou noir dans l’enchaînement qui a conduit à un « vrai carnage » : ces mots sont ceux de l’infirmière arrivée la première sur les lieux, rapportant une « dame hystérique, couverte de sang de la tête aux pieds, la victime à qui un individu faisait le point de compression. Il était calme. Je ne pensais pas que c’était lui le meurtrier. Il m’a dit qu’il avait vu rouge ».
À ce « black-out », la psychiatre qui a rencontré Anthony Marchand à la prison de Guéret un mois et demi après les faits avance deux options : « Il se rappelle de coups de couteau mais pas d’un acharnement de violence. […] Soit il préfère ne pas se souvenir, il réécrit l’histoire, soit c’est réellement quelque chose de défensif ». « Quand on a peur de mourir, qu’est-ce qu’il se passe au niveau du cerveau ?, l’interroge Maître Viennois, avocat de la défense. Est-ce qu’il peut y avoir d’éventuelles disjonctions du système émotionnel ? ». « Il n’y a pas de règle, répond la psychiatre. Chacun a sa propre réaction en fonction de sa vie, de son passé. »
« Je ne suis pas un monstre »Ce trou noir interroge la cour depuis la veille : « Une telle plaie (celle de la carotide gauche, N.D.L.R.), c’est comme un tuyau d’arrosage et ces traces, on ne les retrouve pas dans le salon mais dans l’entrée », dit la présidente. « J’ai toujours dit que je m’en souvenais pas », répète Anthony Marchand. « Ça ne vous fait pas peur ces trous noirs ? » « Je ne suis pas un monstre, répond-il. Même si les faits pour lesquels je suis là prouvent le contraire, je ne suis pas un homme violent à la base. Je voulais juste que ça s’arrête. » « Vous aviez peur pour qui ce soir-là ? » « Ben, pour tout le monde. Si je meurs, il se passe quoi après ? Même si ma vie n’a pas toujours été simple, j’y tiens. À mes enfants, à ma femme. Après, c’est même pas un choix. On n’a pas deux heures pour se poser et réfléchir ».
Séverine Perrier