L'Avermois Philippe Boucaumont raconte son quotidien sans électricité au Texas, comme 2 millions de foyers américains
Philippe Boucaumont, Bourbonnais installé au Texas depuis 2004, fait partie des 2,3 millions de foyers américains sans électricité depuis le début de la semaine. La vague de froid qui touche le sud des Etats-Unis depuis le début de la semaine prive en effet de 2 millions d'Américains d'électricité et 12 millions sont sans eau courante.
Houston, la quatrième ville des Etats Unis, près de laquelle vit et travaille Philippe Boucaumont -il est responsable d'opérations dans une société de restauration qui fournit des hôpitaux de l'ouest des Etats-Unis-, a été prise de court. Son réseau électrique n’est pas prévu pour les hivers rudes. Et le Texas est par ailleurs le seul Etat américain à posséder son propre réseau électrique, complètement indépendant de ceux de l’est et de l’ouest des Etats-Unis.
Philippe boucaumont
"Vendredi dernier, j'étais dans le Colorado pour mon travail pour la société Aranark, quand j'ai compris que cela allait être sérieux, alors je suis tout de suite rentré au Texas", raconte le Bourbonnais qui a gardé de cuisants souvenirs des inondations qui avaient frappé le sud des Etats-Unis, il y a trois ans, en août 2017.
2 à 3 cm de glace sur toutes les routes
C'est la glace, d'abord, raconte-t-il, qui a recouvert les routes de cet état dont la latitude voisine celle de l'Algérie ou du Maroc. Du jamais vu : "Nous sommes situés en bordure du golf du Mexique, ce qui nous apporte une forte humidité. Cumulée à la vague de froid polaire venue du nord, cela a donné une couche de glace de 2 à 3 cm, absolument partout. A Houston, on compte beaucoup de ponts suspendus à 30 mètres de hauteur. Avec le vent, c'est devenu très dangereux. A Dallas, un accident a fait six morts. Résultat, tout a fermé, plus moyen d'aller au bureau. Puis un manteau blanc de 15 cm d'épaisseur a tout recouvert, à partir de la nuit de lundi à mardi, et a tenu, avec les températures glaciales de -15°C".
Cactus prisonnier de la glace. Image saisissanteLes routes couvertes de neige
Or les bâtiments du Texas, tous climatisés et conçus pour endurer des températures de 40°c, ne sont absolument pas prévus pour supporter de tels frimas. "J'ai vidé toutes les conduites d'eau chez moi et j'ai limité la casse. J'ai de la chance que ma maison soit récente et bien isolée ". En revanche, plus d'électricité, donc plus de chauffage. Alors, le Bourbonnais a "bricolé" : "J'ai réussi à allumer avec une batterie ma cheminée qui fonctionne au gaz". Malgré cela, il a enregistré jusqu'à 12°c à l'intérieur de sa maison.
Autre problème qui s'ajoute : le manque de nourriture.
"Les fruits et les légumes viennent habituellement du nord du Texas où la situation des transports est encore pire. Et on commence à observer une pénurie, dans les grandes surfaces. Il y a de longues attentes, devant les magasins. Et nous allons connaître le même problème pour l'essence".
Ce jeudi midi, il faisait toujours -2°C, autour de Houston. "Les routes restent impraticables. L'école de mon fils est fermée pour une semaine".
Le traumatisme des inondations encore présentEn quelques années, le Bourbonnais dit avoir tout connu, ou presque, au Texas : " des cyclones, des inondations, des températures de 40°. Il ne nous manque plus que les temblements de terre", dit-il avec avec une certaine amertume. "Après les inondations catastrophiques de 2017, on pensait que les autorités politiques auraient prévu des aménagements. Mais rien du tout. Il ne s'est rien passé. Ici, on ne réfléchit pas sur le long terme, on cherche juste des solutions aux problèmes du moment. On se dit que de tels événements ne surviennent que tous les cent ans. Mais je suis sceptique. Et cette montée des eaux incontrôlable, c'est ce qui m'angoisse le plus".
Solidarité très forteSeul motif de satisfaction, la solidarité qu'il a pu observer : "Il y a quelques semaines, les gens se battaient pour les élections présidentielles. Mais quand il y a une catastrophe, il y une solidarité très forte. Les Américains vont d'un extrême à l'autre ! On est tous ensemble, on forme une seule Amérique. On s'en sort ensemble. Dans mon quartier, on a fait une collecte pour donner à manger à ceux qui sont à la rue. Certains ont perdu leurs maisons dans des incendies".
Le quartier de Philippe Boucaumont.
Par ailleurs, cet événement exceptionnel a permis aux plus jeunes de découvrir les plaisirs de la glisse : "Certains ont attaché des planches de surf à leurs pick up à l'aide d'une corde pour improviser des skis de fond. D'autres ont patiné sur les autoroutes. Les Américains sont de grands enfants ! "
Ariane Bouhours