Avec Caval, le Clermontois Achille Gazagnes casse les codes dans l'univers des sneakers
Et si une passion née au collège vous menait à la tête d’une entreprise florissante ? C’est exactement ce qui arrive à Achille Gazagnes. Ce Clermontois, passé sur les bancs de Teilhard-de-Chardin, à Chamalières, et de Blaise-Pascal, à Clermont-Ferrand, puis sur ceux d’HEC Paris, gère aujourd’hui, avec ses amis Benoît et Simon, la marque Caval.
Des baskets dépareilléesVous ne connaissez peut-être pas – du moins pas encore – ces baskets atypiques où le pied droit est différent du gauche, de par une couleur, un dessin, une forme. Pourtant, elles cartonnent sur le net. Et font leur apparition, doucement, dans les boutiques françaises.
En même temps, Caval est une toute jeune entreprise, à l’image de ses fondateurs. 26 ans pour Achille. Mais un discours et une maturité qui montrent que, derrière son sourire juvénile, il a les baskets bien sur terre.
Pour le comprendre, revenons à ses années collège. Achille a très envie de porter des chaussures dépareillées. Et pourquoi pas après tout??
On a deux pieds, je voulais donc deux couleurs?! Mais il fallait qu’elles se répondent. J’achetais donc le même modèle en différents coloris.
Les premières sneakers qu’il a mélangées?? Il s’en souvient encore : « des Puma Clyde ». Et avec ces baskets aux pieds, il se fait vite remarquer dans son bahut. « Il fallait que je trouve mon style. Et c’est devenu ma différence. »
Un vrai souci esthétiqueUne différence qu’il a cultivée au fil des années. « Même si au lycée et en classe prépa, je l’ai finalement plus fait par souci esthétique. Je trouvais cela plus joli d’avoir deux couleurs, des formes différentes. » Et il n’est pas le seul?! Lors de son week-end d’intégration à HEC, il ne peut que remarquer Simon, qui porte lui aussi des chaussures différentes. C’est sûr, ils sont faits pour s’entendre?!
Mais de là à se lancer dans une entreprise qui vendrait uniquement des chaussures dépareillées?? C’est ici qu’intervient le troisième homme de Caval, Benoît, un ami rencontré en prépa. « Il avait laissé tomber ses études de commerce pour rentrer dans une école de mode à Paris. Dans son cursus, il avait un projet à réaliser : inventer une marque. Il a choisi de faire des baskets qui n’étaient pas identiques. »
Le déclicEt le jour où il présente ses croquis à Achille, c’est le coup de foudre.
J’ai eu un déclic assez inexplicable. J’étais là, devant ses dessins. Et je trouvais cela fou. Il avait réussi à créer un dialogue entre les deux pieds, il les faisait parler. Alors que moi, j’étais en opposition entre les pieds droit et gauche.
La pratique que le Clermontois avait depuis toujours, Benoît l’avait complètement twistée. « Il s’était servi de la paire comme d’un ensemble unique, en se faisant répondre les motifs. Tout de suite, j’ai su que je voulais lancer cette marque avec lui. »
Achille Gazagnes est entouré de Simon de Swarte (à gauche) et de Benoît Habfast, ses acolytes dans cette aventure. Photo Caval
Campagne sur UluleLes trois amis se lancent : passage par l’incubateur d’HEC, Station F, pour tout le côté création d’entreprise, lancement d’une collection de huit paires avec des matières premières d’Italie et une fabrication portugaise, puis une campagne sur Ulule en janvier 2018 pour voir si l’idée séduit. « C’était le test. Si elle marchait, alors on continuait. » Cela a été le cas. « Nous avons vendu 800 paires. Ce qui nous a permis de lever pas mal de fonds pour financer la première production et le stock. » Et avoir aussi quelques arguments solides pour démarcher les banques.
Naissance de CavalCaval est donc née. Reste à faire grandir la marque. « Après Ulule, on tournait à dix ventes par mois. Il a donc fallu se battre. Simon a passé beaucoup de temps en ligne sur Instagram, afin de développer le marketing digital, le référencement sur Internet. De mon côté, j’ai démarché les commerces. Nous avons eu de la chance car, dès septembre 2018, nous sommes rentrés au Printemps. Il y a eu ensuite un effet domino, puisque cinq boutiques sur Paris ont pris le risque de partir avec une toute jeune boîte comme la nôtre. »
Caval granditLa présence dans les magasins, sur Internet, le bouche-à-oreille… Caval se développe.
Le e-commerce nous porte actuellement, puisque c’est 80 % de notre chiffre d’affaires. Nous investissons beaucoup sur la création de contenus, afin d’expliquer comment sont faites les baskets, les différents labels que nous respectons…
Made in EuropeEn effet, dès le départ, les jeunes hommes ont souhaité rester le plus local possible. « Nous avons fait des choix qui nous correspondent. Cela me paraissait insensé de partir en Chine pour trouver une usine?! » Si la production est toujours basée au Portugal, les matières premières viennent aujourd’hui de France, d’Italie, d’Espagne… « Nous sommes made in Europe et écoresponsables. »
Caval a tissé, en 2020, un partenariat avec Handicap International. « Nous lui reversons 1 % de notre chiffre d’affaires. Une paire solidaire a aussi été lancée en septembre. En un mois de vente, nous avons levé 40.000 euros pour Handicap. Et nous allons renouveler ce partenariat. » Visuel Caval
Et après ?Maintenant, pour Achille, c’est presque la partie la plus difficile. Celle où l’entreprise doit passer la vitesse supérieure. Avec des décisions importantes à prendre quand on a 26 ans. « Cela fait trois ans que nous existons. Certes, nous commençons à être connus, mais il y a beaucoup à faire. Nous avons une collection plutôt limitée. Nous allons donc sortir plus de modèles. »
En mai, les trois jeunes hommes vont également lancer une gamme de textile « avec ce côté asymétrique, un peu décalé. Et enfin, nous ouvrirons une boutique, en fin d’année, à Paris, afin d’ancrer physiquement la marque. Tout en continuant notre croissance sur le e-commerce. »
Un rêveAchille et ses compagnons pourraient se contenter de tous ces projets. Mais ce serait mal les connaître.
« Nous sommes des rêveurs. Nous aimerions vraiment nous implanter à l’étranger. Mon souhait, c’est que le plus de personnes portent du dépareillé. C’était ce que je faisais quand j’étais gosse. Cela me ferait marrer que cela devienne une norme. »
Pourquoi Caval?? « C’est en rapport avec l’expression être en cavale. Ce côté prise de liberté. Assumer sa singularité, qui on est, porter ce qu’on est. C’est ce sentiment qui nous habite. »
Marion Chavot