Swann Arlaud et une centaine de figurants sur le tournage du film "L'Établi", à Clermont-Ferrand
Les uns après les autres, les ouvriers et les ouvrières viennent chercher sur des tables ce qui ressemble fort à des bulletins de vote. Une scène clé du film, nous souffle-t-on. Pas un bruit parasite. Silence, ça tourne… Le réalisateur Mathias Gokalp garde un œil sur le combo, c’est son assistant qui donne les consignes. Dans les files d’attente qui composent l’image, au milieu des figurants, certains visages interpellent. Ne serait-ce pas la haute stature d’Olivier Gourmet, bien reconnaissable malgré la barbe épaisse qui couvre son visage ? Denis Podalydès est là, tout près, à quelques mètres d’un autre comédien de premier plan, Swann Arlaud, déjà deux César pour Petit Paysan et Grâce à Dieu.
Ce casting trois étoiles achève à Clermont-Ferrand le tournage du film L’Établi. Mélanie Thierry est elle aussi à l’affiche, mais l’actrice, vue récemment dans la série En thérapie, a bouclé toutes ses scènes, elle a quitté la région.
Synopsis. Le film est l’adaptation du roman éponyme de Robert Linhart, « un texte qui a beaucoup compté dans ma propre formation », confie Mathias Gokalp. « Il est presque devenu un classique de la littérature du XXe siècle, par la pertinence de son analyse, son humanité et sa langue ». L’établi désigne le mouvement d’intellectuels qui, à la fin des années soixante, se faisaient embaucher dans des usines avec l’objectif d’éveiller les consciences et préparer la révolution. Dans son livre, Robert Linhart raconte son année passée dans une usine Citroën.
Après trois semaines à Agen et trois semaines ici, le clap de fin est prévu ce vendredi 16 avril. Entre deux prises, le producteur Fabrice Goldstein (Karé Productions) s’attarde forcément sur le site qui sert de décor. Une usine Michelin à Cataroux. On n’y produit plus rien depuis longtemps mais tout est là, dans son jus. Un cadre idéal pour abriter une chaîne de montage de 2 CV des années soixante.
Mathias Gokalp a eu un coup de cœur immense en découvrant ce site. Et nous avons été très bien accueillis et très soutenus par Michelin, que ce soit au niveau de la sécurité, des problèmes logistiques…
À la sortie du film, prévue en 2022, ils seront nombreux à se reconnaître sur l’écran aux côtés des acteurs de renom. Des dizaines de figurants font ainsi partie de l'aventure.
Les castings, organisés à Clermont-Ferrand et à Thiers en février dernier, avaient connu un gros succès avec près de 3.000 personnes au total. Kevin, ingénieur clermontois au chômage, ne se dit pas surpris par cet engouement : « Durant cette période, je pense qu’ils n’ont pas trop de soucis à trouver des gens qui ont du temps ». Depuis trois semaines, il se change les idées et s’épanouit dans la peau et avec la moustache d’un ouvrier de 1969. Tout comme Alex, qui savoure l’expérience :
C’est sympa de voir l’arrière d’un film alors qu’on est plutôt habitué à voir le résultat final. On se rend compte qu’une scène de dix secondes, ça prend deux heures à tourner…
Et de louer « la convivialité » du tournage, la « dynamique sympa » qui s’est créée. Il y aura sans doute un petit pincement au cœur, demain, comme toute belle histoire qui se termine. Mais 2022 n’est pas si loin et Alex s’en amuse d’avance : « Ça va faire bizarre de se voir à l’écran ».
). Quel lien entretenez-vous avec cette ville et avec ce festival ?
Je suis venu présenter chacun de mes courts métrages de fiction au festival, avec toujours beaucoup de plaisir à rencontrer son public. C'est une manifestation exceptionnelle, qui donne à la forme courte la place qu'elle mérite dans l'expression cinématographique. Par ailleurs, j'adore la ville et l'Auvergne en général.
Pourquoi avoir choisi d'adapter L'établi ?
C'est un texte qui a beaucoup compté dans ma propre formation, qui est presque devenu un classique de la littérature du vingtième siècle, par la pertinence de son analyse, son humanité et sa langue. On peut s'interroger sur le fait de tourner un film sur la condition ouvrière des années 60 dans la France d'aujourd'hui, dont la désindustrialisation est très avancée. L'évidence du contraste n'échappe à personne.
Vous avez fait appel à de nombreux figurants. Quel sera leur rôle à l'écran ?
Nous tournons chaque jour avec trente à cent figurants. Le rôle de la foule est central dans la vision de la classe ouvrière que propose le film, c'est un personnage à part entière.
Texte : Thierry Senzier Photos : Thierry Nicolas
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