Agglo vs. Guéret : qui a gagné la bataille de l'impôt ?

Le budget de l’Agglo a été voté, jeudi soir à Sainte-Feyre. Et sera à l’équilibre grâce à une part intercommunale du foncier bâti qui passe de 0,42 % à 4,42 %.Et cela aussi a été voté. Malgré les efforts des 17 élus de Guéret des groupes de Marie-Françoise Fournier (majorité) et de Sylvie Bourdier (opposition de gauche).

Le match a bien eu lieu. Moins violent que les précédents épisodes mais toujours aussi tranché. Le sujet n’était plus : « Comment en est-on arrivé là ? ». À ces 3,6 M€ de manque de financement justifiant le coup de bambou fiscal.

Des fautes avouées sur les dix dernières années, sans fautifs

Éric Bodeau, le vice-président aux finances, va se charger de résumer ce qui s’est passé ces… dix dernières années : des compétences transférées, trop, « en épargnant le plus possible les comptes des communes ». Bref, sans leur faire payer le coût réel du transfert.Conseil communautaire agglo Grand Guéret, éric Bodeau et éric Correia

Des attributions de compensation trop généreuses, soit l’argent (notamment de la fiscalité économique) reversée par l’Agglo au budget des communes. Des budgets annexes (zone d’activités, Parc à loups, SPANC…) en déficit structurel que le budget général doit renflouer chaque année. Et, surtout, une baisse des dotations d’État de près de 6 M€ depuis 2013.

Dix ans de fautes. Sur ce constat, il n’y a pas eu débat. Il n’y en a pas eu non plus sur les fautifs. La vraie et seule question était : faut-il augmenter les impôts tout de suite, et autant ?

Pour Éric Bodeau, c’est la seule solution. Il faut conserver une part de l’excédent budgétaire de 2020, autour de 2,9 M€, pour assurer les marges d’avenir. En outre, depuis 2016 alors que les compétences ont crû, la fiscalité est restée inchangée. Au plus bas, à 6 € par habitant, six fois mois que la moyenne des intercommunalités comparables en France.

Pour lui, cette hausse de la fiscalité est une réponse à l’urgence précédant une révision de fond en comble de l’Agglo : ses compétences, les économies à faire, la révision des attributions de compensation… D’ailleurs, ça a déjà commencé, et un séminaire des élus, le 24 avril, va s’atteler à lancer cette grande réforme.

C’est l’ordre de tout ça que désapprouve Marie-Françoise Fournier.Réformons d’abord, argue-t-elle, et au bout décidons de faire jouer le levier fiscal s’il le faut. Pour la maire de Guéret, l’Agglo doit tout arrêter, ne pas investir durant cette année et mobiliser toutes les solutions d’économies, de révisions des compétences et des compensations reversées.

Prête à voter le budget si…Conseil communautaire agglo Grand Guéret, Marie-Françoise Fournier et Erwan Gargadennec

« Avoir du courage, c’est aussi renoncer à certains investissements jusqu’en décembre, c’est réfléchir pour mieux rebondir, c’est assumer notre responsabilité d’élus en admettant les erreurs et en protégeant les perspectives d’avenir. » Elle le sait, la moitié de cette hausse du foncier bâti, ce sont les Guérétois qui vont la payer. Une Ville « dont la population se paupérise » et déjà lourde d’une fiscalité locale conséquente. Elle en appelle pourtant aux autres communes « même si l’onde de choc sera moins forte » chez elles.

Elle a même repéré ce million et demi de virement à l’investissement : si les élus ne le budgètent pas, pas besoin d’augmenter les impôts qui doivent rapporter 1,3 M€ en année pleine. Si cela est fait, elle est prête à voter le budget.

« Ce n’est pas une solution, rétorque Éric Bodeau. Si on fait ça, on perd notre capacité d’autofinancement, on ne peut pas couvrir les annuités d’emprunt. C’est reculer pour mieux sauter l’an prochain. Ce que l’on fait depuis des années et qu’il faut arrêter ! C’est bouffer la cagnotte ! »Conseil communautaire agglo Grand Guéret, Guillaume Viennois

« Et bien, mangeons-la ! contre-attaque Guillaume Viennois. Cela nous obligera à trouver des solutions vite, en 2021, sans attendre des mois et des années où le risque sera de céder à la facilité de ne rien faire. J’ai relu les débats des cinq dernières années, les avertissements ont été lancés, la promesse de tout mettre à plat a été faite… Et aujourd’hui, rien d’autre que lever plus d’impôts, ce qui n’avait pas été dit en juillet dernier lorsque nous avions examiné la situation. Comment avoir confiance en ceux qui nous ont mis dans cette situation pour qu’ils nous en sortent ? »

Vote à bulletin secret ?

« Moi, je m’engage ! tonne Éric Bodeau. Oui, on augmente les impôts et ce n’est pas satisfaisant. Oui, il faut revoir les compétences, les charges transférées et les attributions de compensation et je m’engage à le faire. Et si ça n’aboutit pas, je quitterai mes fonctions ! »

Guillaume Viennois s’amuse : il a pris au mot Éric Correia montrant ce que représentait la part de l’Agglo sur sa feuille d’impôt : 14 €. « Sauf qu’avec une hausse de quatre points du foncier bâti que vous allez voter, Monsieur C., va passer de 14 à 148 €. Et tous les autres propriétaires auront la même variation. »

Marie-Françoise Fournier veut le vote à bulletin secret. « Vous nous prenez pour des pleutres qui n’assument pas leurs choix », s’indigne Thierry Dubosclard.

L’option est mise au vote : 17 voix pour. Il en aurait fallu 18 (un tiers des élus présents) pour que cela soit accepté. Le vote se fait à main levée. Les 17 élus Bourdier et Fournier votent contre les budgets et la hausse des taux. Pour les taux, trois élus s’abstiendront, dont le maire de Saint-Vaury. 33 voix pour.

Dans ce match, les « petites communes » ont voté contre Guéret, et pour l’impôt. Auraient-ils voté autrement à bulletin secret ? 

Éric Donzé