Les Creusois en première ligne de la Commune de Paris en 1871 (2)
Victimes de la vindicte des Versaillais
Des Creusois, dont nombre d'ouvriers du bâtiment, prirent activement part aux combats de la Commune, en 1871 à Paris (voir notre édition du 11 avril), qui s'acheva avec la « semaine sanglante », du 22 au 28 mai. Combien d'entre eux y laissèrent la vie, tués sur les barricades ou exécutés par les Versaillais, comme le furent Gédéon Lechapt, du Bost, commune de Saint-Maurice-la-Souterraine, qui avait sur son bras tatoué le nom de sa mère, arrêté sur dénonciation à Chatou, passé par les armes le 3 avril par le général de Gallifet surnommé le « massacreur de la Commune » et peut-être les frères Picot, de Châtelus-le-Marcheix, fusillés le 26 mai, dans la cour de la caserne Lobeau ?
Pierre Urien, dans son étude sur « Les communards creusois et la vindicte versaillaise (Mémoires de la SSNAH de la Creuse, 1993), estime que 1.600 à 3.200 de nos compatriotes moururent pendant la Commune. S'y ajoutent ceux décédés lors de leur internement dans les forteresses de l'Atlantique et sur les pontons, comme Jean Bourinat de Parsac, Jean Chevrier d'Ajain, Louis Delaigle de Guéret, François Dutheil de Vallière, Joseph Jarrot de Bourganeuf, Jacques Paty de Saint-Christophe, Auguste Sébastien de Janaillat, François Valentin de Crozant, tous maçons. D'autres disparurent, sans que l'on connaisse leur sort : fusillés ? Réfugiés à l'étranger comme Antoine Denisson, de Roches, accusé d'avoir participé à l'incendie d'un entrepôt à La Villette, seul Creusois condamné à mort, mais par contumace, ou Henri Joinaux, de Saint-Léger-le-Guérétois, également contumax qui, en 1876, publia un article dans un journal bruxellois ».
Au bagne en Nouvelle-CalédonieSelon le rapport du général Appert, les conseils de guerre condamnèrent 953 Creusois à des peines d'importance variable : deux ans de prison pour Léon Lablaude, 18 ans, de Méasnes, maçon, engagé chez les fédérés, parce que, dit-il « Je n'avais pas le sou. Il fallait bien que je mange. Je n'ai aucun parent à Paris » ; même peine pour Mathieu Dilieux, de Fourneaux, commune de Saint-Médard-la-Rochette, bien qu'il n'ait pas pris part aux combats de la « semaine sanglante ». D'autres connurent les bagnes des îles Nou et des Pins, en Nouvelle-Calédonie : Jean Lebreton, de Saint-Alpinien, condamné à la perpétuité pour avoir fusillé un inconnu sous les murs du Père-Lachaise, le 25 mai ; François Batto, de Châtelus-le-Marcheix, condamné à vingt ans pour sa participation à l'arrestation de l'abbé Deguerry, curé de la Madeleine et au pillage du presbytère, le 4 avril ; vingt ans de bagne également pour Gabriel Misme, de Bénévent, employé à la mairie du XVII e arrondissement, accusé d'arrestations et de pillages ; dix ans infligés à Henri Gaudier, de Vareilles, pour avoir organisé la résistance ainsi qu'à Martin Boulaud, du Châtelard, pour vol de trois canons, en avril 1871, au fort de Vincennes occupé par les Prussiens !
Pendant les trois à cinq mois que durera le voyage dans des navires en piteux état, les transportés, enfermés dans des cages, souffriront de la chaleur, du froid, du manque de nourriture et d'hygiène, des brimades des commandants puis arrivés sur leur lieu de détention de celles des gardiens et des droits communs, du cachot, du fouet, de l'enchaînement. Leur vie deviendra un enfer à partir de juillet 1874 lorsque leur seront imposés les « travaux de grande fatigue ». Ceux que le bagne n'aura pas tués reviendront à partir de 1879 dans des conditions aussi pénibles qu'à l'aller, dont sur un vaisseau de transport baptisé « La Creuse ». (À suivre dimanche prochain).