L'église Saint-Jean à Thiers et le château de Sermentizon au cœur de l'exposition « Carnets de bal » de Delphine Ciavaldini
Depuis trente-cinq ans, l’église Saint-Jean-du-Passet est endormie, dans la cité médiévale de Thiers. Seuls les gazouillis des oiseaux et l’écoulement de la Durolle, quelques dizaines de mètres plus bas dans la vallée des Usines, brisent le silence à travers les vitraux cassés. Mais bientôt, le bâtiment religieux va s’éveiller, dans un « bal » conçu sur mesure pour lui.
Deux lieux opposés, qui entrent en résonance autour du thème du balUne exposition, intitulée « Carnets de bal », s’y prépare depuis quelques jours, développée par Thiers Dore et Montagne, en partenariat avec le château d’Aulteribe de Sermentizon et le Creux de l’Enfer de Thiers (*) dans le cadre de la convention territoriale d’éducation artistique et culturelle « J’habite un pays merveilleux... ». C’est la plasticienne Delphine Ciavaldini qui est à la manœuvre, à travers une résidence de création de six semaines.
Dans l’église Saint-Jean, les escabeaux ont investi temporairement l’espace, et plus d’1,5 km de rubans rouges, bleus, verts ou violets jonchent déjà le sol, tout comme des milliers de paillettes dorées. Et à plusieurs kilomètres de là, dans la sellerie du château d’Aulteribe à Sermentizon, une installation du même genre se prépare aussi…
Delphine Ciavaldini a en effet été invitée par les deux structures – le Creux de l’Enfer et le château d’Aulteribe – à mettre ces deux lieux en résonance autour des arts textiles, alors que tout semble pourtant les opposer :
« Je devais faire un pont entre ces deux lieux. Entre cette église qui était celle des ouvriers, qui représente la révolution industrielle, le prolétariat, et de l’autre côté des siècles de noblesse ! J’ai vite choisi le thème du bal, car c’est la chose la plus transversale socialement, qui parcourt les âges. »
Façonner son œuvre dans l’église Saint-Jean, dont les premières traces remontent au XIe siècle, a été comme une évidence pour la quadragénaire, lorsque Pierre Contie, adjoint au maire de Thiers, chargé du patrimoine et du tourisme, lui a fait découvrir cet endroit « merveilleux » pour le projet.
Je veux faire quelque chose sans indexation sociale, la célébration doit prévaloir. Mon travail, c’est de créer une contemplation et de l’émotion, et que mon installation soit appréhendable par tous
L’objectif de ces deux expositions parallèles est en effet de s’ouvrir aux personnes les plus éloignées de la culture.
Le visiteur sera donc « l’invité du bal » et sera immergé dans une ambiance de fête pensée dès l’entrée. « Je vais créer comme un vestiaire, avec des fauteuils en velours rouge, des chapeaux, un carnet de bal… J’ai travaillé pour cela avec les Archives municipales de la Ville de Thiers pour récupérer une liste d’une centaine de noms d’époque. »
En parallèle
Au pôle Audembron. Afin d’annoncer ses expositions et de donner envie à tous de venir les voir, Delphine Ciavaldini a investi le hall d’entrée du Pôle de services Audembron à Thiers depuis le mois de février.Avec des publics cibles. Des temps de co-création seront aussi organisés avec des publics éloignés de la culture : l’Atrium à Thiers, la maison d’enfants « L’Arc-en-ciel » à Saint-Rémy-sur-Durolle, l’association « Habitat et humanisme » ou encore les Esat Guy-Chalard et du Chaudier à Thiers.
Une contemplation en musiquePuis le spectateur entrera dans la nef de l’église, où le sol sera investi aux dépens des plafonds.
Les couleurs des rubans correspondent à celles des vitraux. Je veux jouer sur la lumière, avec une ambiance naturelle et tamisée, pour créer un espace émotionnel de joie.
Et qui dit bal, dit musique. Là aussi, tout est pensé : « J’ai fait appel à un compositeur britannique, Ben Foskett, pour composer des pièces à partir des partitions de George Onslow, compositeur lié à l’histoire du château d’Aulteribe. Ces séquences classiques seront traitées comme une réminiscence, comme un souvenir », poursuit l’artiste.
Cette double exposition doit être accessible à partir du mois de mai (ou juin selon les dernières directives gouvernementales) jusqu’au 28 novembre, à travers des visites guidées dans les deux lieux. À l’église Saint-Jean, cette exploration en musique permettra aussi pour de nombreux habitants du territoire de découvrir ce monument pour la première fois.
Et sous un tout autre jour, avec beaucoup de couleurs, comme le souhaitait l’artiste : « La joie, le partage, c’est devenu essentiel, surtout en ce moment. Je mets en scène quelque chose qui tout de suite est interdit, avec la liberté de mouvement, la fête, le bal. La crise sanitaire a induit une réflexion dans mon travail, forcément ! », conclut-elle.
crédit photo : Zoé Forget
(*) Ce projet est financé par les signataires de la convention territoriale, soit plusieurs collectivités (Thiers Dore et Montagne, Département, État...) ainsi que le Centre des Monuments Nationaux, qui gère le château d’Aulteribe, pour une enveloppe d’environ 20.000 €.
Pratique. Les visites guidées devaient débuter à partir du 9 mai, au château d’Aulteribe, et fin mai à l’église Saint-Jean. Elles sont pour l’instant en suspens, dans l’attente de plus amples informations sur les mesures de déconfinement.
Fanny Guiné