À Guéret (Creuse), des médicaments à base de cannabis peuvent enfin être testés

« Il y a des douleurs pour lesquelles aucun traitement ne fonctionne. » Ce rappel de Marlène Amilhaud-Bordier, responsable du centre d’évaluation et de traitement de la douleur au centre hospitalier de Guéret, permet de mieux comprendre l’attente autour du cannabis thérapeutique, dont l’expérimentation est en cours en France depuis le 26 mars dernier.

Entre 13 et 15 patients à intégrer

Alors que l’accès à ces médicaments à base de cannabis est restreint à cinq indications (voir encadré ci-dessous), Marlène Amilhaud-Bordier précise : « Moi, je ne vais m’occuper que des douleurs neuropathiques réfractaires ».

Et dans un premier temps, la praticienne hospitalière est la seule à pouvoir prescrire des médicaments à base de cannabis, car elle est la seule à avoir suivi une formation obligatoire de l’Ansm (Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé). Dans la mesure où 215 structures hospitalières sont parties prenantes au niveau national - pour un maximum de 3.000 patients - « il y a entre 13 et 15 patients à inclure pour l’hôpital de Guéret », indique Marlène Amilhaud-Bordier. Et le compte devrait rapidement être atteint puisque la praticienne possédait, avant même le début de l’expérimentation, une « liste » d’une dizaine de patients susceptibles d’être intéressés. Elle a d’ailleurs inclus son premier patient le 9 avril dernier.

De l'huile à ingérer en traitement de fond

Les médicaments à base de cannabis se présentent sous la forme d’huiles à ingérer. « C’est le traitement de fond, renseigne Marlène Amilhaud-Bordier. Et, à partir de juin, on devrait pouvoir avoir accès à des fleurs séchées à vaporiser (et non à fumer) pour les accès paroxystiques (1). C’est plus rapide mais ça reste moins longtemps. »

L’expérimentation, qui doit permettre de valider un circuit de prescription et de dispensation, est très cadrée. Il y a plusieurs rendez-vous prévus avec le patient à 1, 3, 6, 12 et 18 mois. « On vérifie si le patient est soulagé, grâce à une échelle d’évaluation de la douleur. On considère que ça fonctionne quand on a 70 à 80 % d’amélioration dans la réponse à la douleur. À chaque rendez-vous, on vérifie aussi la qualité de vie : quand c’est douloureux mais qu’on est bien dans sa tête, on a moins mal. » Et d’ajouter : « Il y a aussi un registre national à remplir. C’est hyperchronophage ».

Intéressée par la relation douleur - addiction

Si Marlène Amilhaud-Bordier s’est portée volontaire pour intégrer l’expérimentation, ce n’est pas parce qu’elle portait un intérêt particulier au cannabis mais parce qu’elle était « intéressée par la relation douleur - addiction ». « Ça fait des années que je travaille avec le Csapa (2). On a des patients qui arrivent à devenir “addicts” à leur traitement antalgique. Mais il y a aussi des demandes de sevrage par des patients qui ont des doses importantes et qui ont toujours des douleurs. » La praticienne hospitalière a pu constater une certaine évolution dans son domaine ces dernières années.

« La douleur est de plus en plus évaluée. Mais c’est toujours compliqué de la prendre en charge, surtout quand elle est chronique. Il faut une prise en charge globale et psychologique. ».

 

(1) Exacerbation transitoire de la douleur. (2) Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie.  

Indications. L’expérimentation de cannabis thérapeutique concerne cinq indications : les douleurs neuropathiques ; certaines formes d’épilepsie sévères ; certains symptômes liés au cancer ou à ses traitements ; dans les situations palliatives ; dans la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou d’autres pathologies du système nerveux central.

Daniel Lauret