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Апрель
2021

Récit : La véritable histoire de Bonnie et Clyde, le couple de meurtriers le plus passionnant d'Amérique

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Lorsque le film légendaire d’Arthur Penn sort en 1967, l’Amérique conservatrice n’en croit pas ses yeux. « Ils sont jeunes ! Ils sont amoureux ! Et ils tuent des gens ! », annonce l’affiche du long-métrage. Depuis, les mentalités ont évolué, mais Bonnie and Clyde hantent toujours la pop culture : GainsbourgLana Del Rey, Marilyn Manson, Jay-Z et Beyoncé, pour ne parler que du monde de la musique, y ont tous fait référence. Côté cinéma, on ne compte plus : The Bonnie Parker Story en 1958, Bonnie et Clyde en 1967, Bonnie & Clyde : Dead and Alive en 2013… Ils sont partout. Comment un couple de meurtriers a-t-il pu autant marquer la culture, plus de 80 ans après leur mort ?

 

 

La Grande Dépression

Bonnie Parker est la cadette de trois enfants. Elle naît au Texas mais déménage à quatre ans vers Dallas, après le décès de son père. Malgré cet important bouleversement dans sa vie, Bonnie mène sa barque : ses notes sont excellentes, elle accumule les prix d’orthographe, d’écriture et d’art oratoire. Passionnée de littérature, elle écrit plusieurs poèmes, comme L’Histoire de Sal le Suicidaire, ou Le Bout de la piste. Rien de tout cela ne laisse présager la carrière qu’on lui connaît : elle se marie même, en 1926, avec un certain Roy Thornton. Mais déjà, sans le savoir, son cœur penche pour les hommes dangereux. Son mari est soit absent, soit en train de la battre. Il finit en prison en janvier 1929 pour braquage de banque à main armée, et elle retourne donc vivre avec sa mère et devient serveuse. « C’est lugubre, on s’ennuie à mourir, il n’y a rien à faire. Si seulement il pouvait arriver quelque chose », écrit-elle dans son journal.

 

Clyde Barrow est originaire, lui aussi, de la banlieue de Dallas. Cinquième enfant d’une fratrie de six bambins, il vit plus précisément avec ses parents paysans à West Dallas, dans un bidonville sobrement surnommé « l’antichambre du Diable », où la famille possède une roulotte. C’est peut-être cette enfance où la pauvreté est le mot d’ordre qui le poussera à devenir hors-la-loi. En 1926, le jeune Clyde n’a que 17 ans : il est pourtant déjà bien connu de la police locale, qui arrive enfin à l’attraper après un vol de voiture. Il sera également arrêté pour un vol de dindes, mais cela ne l’empêchera pas de persévérer : vol de voitures et braquages s’enchaînent, et par deux fois entre 1928 et 1929, Clyde Barrow se fait attraper par les forces de l’ordre.

 

La rencontre entre Bonnie Parker et Clyde Barrow est incertaine. Dans le film d’Arthur Penn, Bonnie se penche à sa fenêtre un matin et voit un jeune homme reluquer la voiture de sa mère. « N’avez-vous pas honte d’essayer de voler la voiture d’une vieille dame ? » lui lance Faye Dunaway. En réalité, personne ne sait réellement comment les deux complices se sont rencontrés. On situe la date vers janvier 1930, peut-être le 5, après que la jeune femme a rejoint sa mère. Ils se seraient vus pour la première fois chez Clarence Clay, une amie commune. Le coup de foudre aurait été immédiat. Les aventures de Bonnie Parker et Clyde Barrow ne débutèrent pourtant pas là. Après leur rencontre, Clyde repasse par la case prison. Il s’échappe grâce à l’aide de Bonnie – c’est là qu’elle devient réellement sa complice – pour se faire rattraper une semaine plus tard. Du haut de son mètre soixante-huit, il est surnommé le « bébé voyou » par la presse locale. C’est à la terrible Eastham Prison Farm que le jeune homme commet son premier meurtre : Ed Crowder, un codétenu d’un mètre quatre-vingt-dix, qui l’a agressé sexuellement à plusieurs reprises. En lui assénant un coup fatal au crâne, Clyde échappe aux viols à répétition qu’il subissait jusqu’alors – et arrive au passage à faire porter le chapeau à un autre prisonnier. Pour sortir, Clyde se sectionne deux doigts de pied. Conduit à l’infirmerie, il apprend que sa mère a réussi à lui obtenir une grâce. Il rejoint la jeune Bonnie – mais pas pour longtemps. Les deux malfrats volent une voiture, sont poursuivis par la police, et c’est finalement au tour de Bonnie de finir derrière les barreaux, pour quelques mois. C’est là, une fois séparée de son amant, qu’elle réalise tout son amour pour lui, à coup de vers mélodramatiques et excessifs. Désormais, elle ne vivra que pour Clyde.

 

Entrer dans la légende

Une fois libérée de prison, Bonnie Parker retrouve Clyde, et le « gang Barrow » commence à faire parler de lui. En son sein, quelques criminels dont le passage reste éphémère, mais également son frère Buck Barrow, et sa femme Blanche. Avec Bonnie et Clyde, ils parcourent les comtés et pillent tout ce qu’ils peuvent sur leur passage. Les mois passent et les victimes s’enchaînent. Depuis Ed Crowder – ce prisonnier d’Eastham tué par Clyde Barrow en octobre 1931 – le jeune homme a ajouté plusieurs noms à sa liste. Un propriétaire d’une boutique, un sous-shérif, un épicier, ou encore un vendeur le soir de Noël : le meurtrier accumule les cadavres. Pourtant, Clyde Barrow n’aime pas ça et affirme tuer seulement pour se défendre. Et petit à petit, lui et Bonnie Parker entrent dans la légende de leur vivant. L’intérêt de l’Amérique pour ces deux assassins débute en 1933 lorsque, dans l’urgence de quitter une de leur planque, ils laissent une série de clichés derrière eux. Heureux, armés, cigare à la main ou à la bouche, ils sont beaux, jeunes, et vont passionner une Amérique en mal de rêve. « Barrow et la fille au cigare : douze victimes en deux ans », titre The Milwaukee Journal. Leur quotidien est totalement idéalisé et déclenche les passions – en réalité, les deux amants maudits vivent au jour le jour, mangent comme ils le peuvent et se lavent dans des rivières qu'ils croisent. Avec l’embrasement de l’Amérique pour ces criminels passionnants, les forces de l’ordre n’ont pas d’autre choix : une véritable chasse à l’homme est lancée. Clyde est l’ennemi public numéro un : en tuant un sous-shérif, il sait que seule la condamnation à mort l’attend. Lors des réunions familiales, la mère de Bonnie la supplie de se rendre à la police : au fond, ce n’est pas elle qu’ils recherchent. Clyde, étonnamment, n’est pas offusqué par cette idée. Au contraire, il tente de la convaincre d’arrêter. Pour Bonnie, c’est impossible : elle ne peut pas être séparée de Clyde Barrow.

 

Fin de partie

Bonnie Parker et Clyde Barrow passent le plus clair de leur temps sur la route. As du volant, le jeune homme vole les modèles les plus puissants. En juin 1933, il commet pourtant l’irréparable : à pleine vitesse, il ne voit pas un panneau de déviation. La voiture fait un tonneau et s’enflamme. Clyde s’en échappe rapidement, mais Bonnie reste prisonnière des flammes un bon moment – trop longtemps, puisque cela lui coûtera sa jambe droite. Son membre calciné souffre d’un manque de soin. Elle y applique de la levure et de la graisse, mais jamais elle ne pourra remarcher correctement. Les beaux jours de Bonnie Parker et Clyde Barrow touchent à leur fin. Elle est un poids mort à traîner – peu importe, Clyde ne peut se résoudre à abandonner sa complice. En 1933, les encerclements par les forces de l’ordre se multiplient, et tous n’en sortent pas sains et saufs. Buck, le frère de Clyde, est tué par balle et son épouse, Blanche, grièvement blessée à l’œil, finit en prison. C’est d’ailleurs durant cette période qu’elle écrit My life with Bonnie and Clyde. Comme s’il était évident qu’ils deviendraient un mythe, elle relate son quotidien avec le terrible duo.

 

En janvier 1934, il est primordial pour Clyde de reformer un gang Barrow qui tienne la route. Lui et sa compagne s’introduisent dans la prison de Eastham – la même où il fut emprisonné quatre ans plus tôt – pour libérer cinq détenus. Deuxième erreur pour le bandit : il s’attire les foudres de Lee Simmons, le directeur de la prison. « Je les aurai », déclare-t-il. Décidé à prendre les choses en main, il ne cherche même pas du soutien du côté de la police locale, qui peine à attraper Bonnie et Clyde depuis des mois. Il engage donc Frank Hammer, célèbre et redoutable Texas Ranger. Lorsqu’il se penche sur le cas de Bonnie Parker et Clyde Barrow, il a déjà 53 cadavres de bandits dans son sillage. Il décide que les deux criminels ne méritent ni procès, ni condamnation, simplement la mort. Il choisit donc de monter, avec de l’aide, une embuscade. Ils ont pour seule consigne de tuer quiconque passerait sur leur chemin. Il faut encore trouver les deux proies. Pour cela, Frank Hammer se rend en Louisiane et interroge la famille d’un des évadés de la prison d’Eastham, le pardon à la clé. Lorsque Clyde et l’un de ses associés, Henry Methvin, tuent deux officiers de la police, Edward Wheeler et Holloway Murphy le 1er avril 1934, la traque s’intensifie. Un fermier vient raconter que Bonnie est elle aussi coupable : la version, douteuse, est pourtant transmise par tous les médias. Elle remplace Henry Methvin dans le rôle du tueur complice.

 

Le 6 mai de cette même année, Bonnie et Clyde rendent une dernière visite à leur famille. Les parents de Clyde lui expliquent qu’ils n’ont pas encore acheté de pierre tombale pour Buck – le tour de Clyde viendra, ils le savent, alors autant faire d’une pierre deux coups. Bonnie fait lire à sa mère son poème Le Bout du chemin. « Ils ne font pas les malins, ils ne jouent pas aux plus forts. Ils savent que la loi les aura. (…) Ils tomberont ensemble et reposeront côté à côte. Certains les pleureront, mais la loi criera “Hourra”. Il s’en est fini pour Bonnie et Clyde ». Deux semaines plus tard, ils tombent dans le piège de Frank Hammer. Un homme, avec sa voiture sur le côté, leur demande de s’arrêter, pour l’aider. Ils le font, et les balles pleuvent – à tel point que les corps sont méconnaissables lorsqu’on les tire de la voiture.

 

 

La route 154, décor sanglant du meurtre de Bonnie et Clyde, devient immédiatement un lieu de pèlerinage. Les corps sont encore là lorsque les premiers badauds débarquent : on arrache des bouts de vêtements, on essaie de sectionner des membres pour les récupérer. Des dizaines de milliers d’admirateurs se rendent à leur enterrement. Une immense couronne de fleurs est offerte par les journalistes de Dallas à ceux qui ont fait couler tant d’encre - et qui continuent aujourd'hui encore de nourrir la culture populaire.




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