Devant les assises de la Corrèze à Tulle, quatre figures usselloises pour un braquage ordinaire
C’est le scénario d’un vol à main armée somme toute bien ordinaire que la cour d’assises de la Corrèze a retracé, lundi, lors de la première journée d’un procès qui va se poursuivre toute cette semaine au palais de justice de Tulle. Un braquage avec ses figures, dont certaines pourraient sortir d’un livre si elles n’étaient pas si caricaturales. Un braquage avec ses erreurs, grossières, même si beaucoup de choses avaient été planifiées. Un braquage avec ses victimes, aussi, qui ont gardé comme une blessure cette irruption, un soir d’été, d’hommes armés les exhortant de leur remettre de l’argent et des biens.
Mis en joue, ligotés et sommés de remettre le contenu du coffre-fortDans le box des accusés, trois mis en cause ont fait face à la cour, ainsi qu’une femme sur les bancs de l'accusation renvoyée, elle aussi, devant la juridiction criminelle pour complicité de vol à main armée. Ce sont eux qui, jusqu’à vendredi, devront répondre du vol à main armée suivi de séquestration dont ont été victimes un Corrézien et une amie qu’il accueillait ce soir du 2 août 2018.
Il est 22 h 18 quand les gendarmes sont alertés qu’un braquage vient d’être commis à Darnets dans la propriété cossue d’un particulier située dans un lieu-dit à l’abri des regards. Tel que le propriétaire et victime le relatera aux enquêteurs, il était aux alentours de 21 h 30, quand, alors qu’il était sur sa terrasse en conversation téléphonique avec un ami au Paraguay, il aperçoit deux individus encagoulés et armés s’approcher rapidement de la maison.
Deux dossiers de viol, une tentative d'assassinat et un vol avec arme devant la cour d'assises de la Corrèze
Alors que l’un des deux, déjà sur lui, le menace avec son arme, l’autre rentre dans la maison où il ligote la deuxième occupante de la demeure dans la cuisine. Tout se passe alors très vite : le maître des lieux est sommé de montrer à l’un des deux assaillants où se trouve le coffre-fort, invectivé pour l’ouvrir ; le braqueur prend les 5.000 € en coupures de 100 € et 200 €, quelques francs suisses et un cadre en argent ; le propriétaire est à son tour ligoté et les assaillants prennent la fuite.
Un trio d’Ussellois met à exécution le vol à main arméeLa procédure a permis d’établir que le premier homme serait Franck K. Finalement celui qui rend peut-être le plus crédible ce scénario de braquage. 47 ans, 23 années passées sous les verrous et un visage en lame de couteau, il est suspecté d’avoir fourni les armes et effectué les préparatifs.
L’assaillant suspecté de l’amie du propriétaire, Vincent D., 28 ans, est apparu à l’audience bien loin de l’archétype criminel. Ancien gendarme adjoint volontaire qui a quitté l’arme au bout de quelques mois, le jeune homme aux allures proprettes de commercial a fait part à la cour de son retour difficile en Corrèze.
Parmi le trio, enfin, Bruno D., 52 ans, a dissoné avec l’aisance des deux autres. Stature massive, le bûcheron-élagueur n’a pas la même aisance rhétorique. C’est lui, indique la procédure qui, ayant conservé un litige avec la victime, pour qui il a travaillé, aurait imaginé ce vol à main armée. Il connaît Franck K. pour avoir partagé une incarcération avec lui. Sitôt ce dernier sorti de prison, il le recontacte et le plan est mis à exécution.
Muet lors de la procédure, l'un des accusés se raconte comme un livre à l'audienceAvec Sylvie B., 57 ans, relation amoureuse de Bruno D. accusée de complicité, ce sont autant de personnalités qui sont apparues à l’audience. Parfois en dissension, comme ce long échange avec la cour dans lequel, moins taiseux que dans la procédure, Franck K. et ses 19 mentions au casier judiciaire, a accepté de se raconter. Et de dire l’homme dont la moitié de la vie s'est écrite derrière les barreaux et ses blessures impossibles à cicatriser : « Le cursus carcéral m’a ensauvagé bien plus que ce que j’aurais pu imaginer. »
L'homme au regard perçant manie les mots avec facilité, dit son goût pour les livres affûté en prison. "Qu'auriez-vous fait de votre vie s'il vous avait été possible de lui donner une autre inflexion depuis le début", interroge la présidente. "J'aurais fait des études de littérature classique. Pour écrire", répond immédiatement l'homme à la silhouette nerveuse derrière la vitre.
Question de l’avocate générale, un peu agacée par le portrait séduisant que le braqueur présumé propose à la cour : « Vous n’avez pas l’impression de cultiver une image ? » Réponse de l’accusé, qui bondit dans le box et dont le ton se durcit : « Je vous laisse à votre appréciation. C’est ma vie qui se joue là ! »
Julien Bachellerie