Les 100 ans de l'office HLM de Montluçon (Allier) : quand la première cité voyait le jour aux Guineberts, en 1933
Le 8 mars 1929 est une date clé dans l’histoire de l’office public d’habitations à bon marché de Montluçon. Ce jour-là, le conseil d’administration décide la construction de deux groupes d’habitations dans la « banlieue » sud-ouest de la cité, le long de la route d’Évaux-les-Bains.
L’information est relayée quelques jours plus tard en conseil municipal par le maire, Marx Dormoy, dans sa séance du 19 mars. Les élus votent à l’unanimité une subvention communale de 594.000 francs. Ils comptent faire appel à la Caisse d’Épargne pour obtenir cette somme qui pourrait être remboursée dans un délai de dix ans.
« Les architectes auteurs du projet se sont efforcés de donner aux logements le plus de confort possible. L’office et la municipalité ont voulu que les travailleurs qui habiteront ces demeures vivent dans des conditions d’hygiène et de salubrité absolues ». Pour Marx Dormoy, il est grand temps de lutter contre les taudis qui inondent certains quartiers de la ville.
Si beaucoup d’enfants sont décimés par la maladie, notamment par la tuberculose, c’est parce que bien souvent les victimes de fléau ont vécu dans des conditions d’hygiène déplorables. La suppression de taudis sauvera des milliers d’existences.
Les deux groupes d’habitations vont être construits sur un terrain acquis par l’office pour un prix de 131.532 francs. Le premier, qu’on appelle encore aujourd’hui la cité des Guineberts, sera doté de 156 logements de trois à quatre pièces auquel il faut ajouter la maison individuelle du concierge. Le coût du projet, dressé par trois architectes parisiens, Mrs Nardonnet, Caduff et Torne, se monte à près de sept millions de francs.
Sur place, « une superficie imposante a été réservée pour organiser un terrain de jeux », souligne Marx Dormoy. « La dépense en serait supportée par la ville au même titre que toutes les dépenses d’aménagement, d’embellissement et d’extension de la ville », ajoute le maire. Il en sera de même pour les travaux de voirie « car les voies prévues pour desservir la cité seront forcément classées dans la voirie urbaine et feront partie du réseau général de la ville ».
Loger les militairesLe deuxième groupe d’habitations, dont la conception a été confiée à l’architecte montluçonnais Pierre Diot, surprend davantage. Il s’agit de construire, le long de la route d’Argenty, pour un coût de 439.288 francs, treize logements destinés à des fonctionnaires militaires : neuf de trois pièces et quatre de quatre pièces.
« Ce groupe d’habitations sera construit au Cluzeau, à proximité des casernes du 121e régiment d’infanterie, sur un terrain mis à la disposition de l’administration de la guerre et sur lequel sont déjà édifiés des logements pour sous-officiers », explique Marx Dormoy.
Si l’autorité militaire a fait appel à la Société régionale d’habitations à bon marché, c’est parce qu’elle manque de place pour loger ses soldats. Dans un courrier adressé au maire de Montluçon, le 28 août 1930, le président de la SRHB explique.
« Le retour à Montluçon du 3e bataillon du 121e régiment d’infanterie a pour effet de comprimer le casernement de ce régiment et l’autorité militaire nous a priés de faire tous nos efforts pour la mettre en mesure de faire sortir le plus tôt possible de la caserne seize ménages de sous-officiers ».
Le témoignage de Jacqueline, la doyenne de la citéJacqueline Cheminot, 85 ans, est la doyenne de la cité des Guineberts. La pétillante octogénaire s’y est installée avec sa belle-mère en...1955.
« C’était une époque où l’on manquait de logements. Moi, je vivais chez ma belle-mère dans une maison qui prenait l’eau ». Aux Guineberts, Jacqueline trouve un confort appréciable même s’il a fallu faire quelques petits aménagements. « On a dû casser une cloison pour avoir une salle d’eau et pas simplement des toilettes ».
Cette mère de famille, qui a eu six enfants, a déménagé pour un appartement plus grand sans penser une seule seconde à quitter la cité.
On était vraiment bien, on avait des jardins où on faisait nos salades, nos carottes. On ne payait pas l’eau à l’époque
Au début, certains ont été réticents à s’installer aux Guineberts en raison de la configuration des lieux. « Ça faisait un peu caserne », se rappelle Jacqueline qui appréciait beaucoup l’entraide entre locataires. « Il y avait toujours quelqu’un pour rendre service. Moi, quand j’étais plus jeune, j’avais mes petites mémés dont je m’occupais. Une dame, je lui ai fait ses courses pendant quatorze ans ».
Fabrice Redon