Pourquoi Stéphane Bern et Lucky Luke s'engagent contre un projet de contournement d'Aurillac (Cantal) ?
![Pourquoi Stéphane Bern et Lucky Luke s'engagent contre un projet de contournement d'Aurillac (Cantal) ?](http://www.lamontagne.fr/photoSRC/VVZTJ19dUTgIDAVOBQwd/plaine-ytrac-vue-belbex_5434963.jpeg)
Depuis Belbex, face aux prairies verdoyantes de la plaine d’Ytrac, riverains et agriculteurs s’élèvent contre le projet de contournement ouest d’Aurillac avec une association, Appy, qui a obtenu des soutiens... variés. Les travaux sont prévus pour 2024, avec l’espoir de dévier 13.000 voitures par jour.
C’est l’histoire d’une réunion qui a mal tourné. Le 2 avril dernier, les agriculteurs installés dans la plaine d’Ytrac, entre la RD120 et la RN122, étaient invités par Bruno Faure, président du Conseil départemental, pour évoquer le projet de contournement ouest. La réunion tourne court pour plusieurs d’entre eux : ils n’en veulent pas.
L’idée de cette déviation, environ 6 kilomètres de route neuve entre le rond-point des Quatre-Chemins à Naucelles et le giratoire de la Poudrière, sur la RN122, c’est de soulager Aurillac du trafic entre le nord du département et l’ouest. Selon les estimations, ce sont environ 13.000 véhicules par jour qui pourront être déviés :
« il s’agit d’enlever ces 13.000 voitures du boulevard du Vialenc, les Aurillacois verront la différence, explique Bruno Faure. Il s’agit également d’une question de sécurité. »
Rien n’est décidé, mais cela pourrait être une deux fois deux voies, « ce sont les préconisations pour un tel trafic. »
Six kilomètres de routeSauf que les agriculteurs ne veulent pas en entendre parler. Certains ont déjà été touchés par le développement des zones d’Esban, de La Sablière, la déviation de la RN122. Là, trente hectares de terres agricoles sont menacés selon eux.
« On était déjà aux alentours de 100 hectares de terres agricoles en moins, s’agace Claude Bonnet, installé sur place. C’est destructeur pour l’environnement. »
Ils critiquent également l’utilité du projet, décrit comme « obsolète » : « Détruire 30 hectares pour permettre à l’utilisateur pressé d’aller manger au MacDo, cela ne me paraît pas très opportun… », souffle Claude de Saint-Vincent, propriétaire du château de Lamartinie et directeur général du groupe d’édition Média participations (Dargaud, Michelin, Rustica…). Engagé en tant que « riverain », il a monté avec Claude Bonnet et les exploitations concernées, une dizaine, une association, Appy, l’Association pour le patrimoine et les paysages d’Ytrac.
Des soutiens... très variésLa jeune association a reçu un soutien de la part de Stéphane Bern, d’Achdé, dessinateur de Lucky Luke, de Serge Joncour, prix Femina… Claude de Saint-Vincent, en tant qu’éditeur du Guide vert, note que « l’Auvergne a été la seule région où nous avons été en rupture de stock. Les gens viennent pour le pays vert, pas pour le contournement ouest d’Aurillac… »
Sur son site, l’association fait pleuvoir les arguments. L’investissement est noté – 30 millions d’euros selon eux, le projet est inscrit dans le Pacte Cantal pour 20 millions d’euros hors taxe, financés à 50 % par le Département, et 50 % par la Région –, « on vient faire une création de route alors que l’entretien n’est pas fait », peste Paul Besson, exploitant, qui cite l’effondrement d’une départementale à Saint-Saturnin, une route fermée depuis plusieurs années, ou encore une chicane installée à Saint-Chamant depuis plusieurs mois, là encore suite à un effondrement.
Pour le président du Conseil départemental, « c’est un projet important de désenclavement. Il n’y a pas que la question des accès vers l’extérieur, il faut aussi penser à ceux qui traversent le département, explique Bruno Faure. Il faut être cohérent, si on valide l’idée du désenclavement, nécessairement il y aura une utilisation de terrain agricole. »Candidat dans le canton de Naucelles aux prochaines départementales, il regrette le timing – juste avant les élections, dans quinze jours – et rappelle le contournement de Saint-Flour, qui avait soulevé les mêmes questions. « C’est un dossier qui fait l’unanimité chez les élus, de tout bord. Il y a l’intérêt public, de fluidifier la circulation à Aurillac, et il y a les intérêts individuels… », continue-t-il.
Je comprends les inquiétudes, et il est évident que l’on va essayer d’impacter le moins possible. Nous travaillerons avec certains propriétaires, et nous ne sommes pas fermés à des évolutions possibles.
Pour les agriculteurs, il note la possibilité d’avoir des compensations, soit localement, soit « dans un périmètre élargi », soit financières, de « manière à rétablir les conditions d’exploitation. C’est validé de manière juridique. » Sur place, les agriculteurs s’inquiètent justement de ces compensations, dans un secteur où la pression foncière est importante. « Il y a une exploitation qui va être coupée en deux, note Claude Bonnet. Est-ce qu’un jeune va vouloir s’installer là ? Cela va impacter les générations qui arrivent. »
« On contourne une ville qui se dépeuple par son côté le moins fréquenté, termine Claude de Saint-Vincent. C’est un projet inutile, absurde, et irréversible. »
Un calendrier a été établi. Aujourd’hui, les études commencent, et le début des travaux est estimé à 2024.
Pierre Chambaud