L'avocat général ne veut pas voir Valérie Bacot retourner en prison
"On doit juger d’un assassinat d’une balle dans la tête. Un procès criminel, c’est l’application de la loi, enfin. Cette fameuse loi qui a tellement manqué dans ce parcours de vie. C’est l’affirmation des valeurs de la civilisation, qui nous permettent de vivre ensemble. C’est d’abord protéger la vie. Il est interdit de tuer. C’est quoi une société où l’on se fait justice soi-même ? C’est la guerre des uns contre les autres.
"Valérie Bacot, victime au départ, très clairement, ne pouvait pas prendre la vie de celui qui la terrorisait, la violait, la prostituait."
Valérie Bacot, victime au départ, très clairement, ne pouvait pas prendre la vie de celui qui la terrorisait, la violait, la prostituait. Ce procès, c’est le procès de Valérie Bacot. Pas le procès d’autres personnes, de la société, de la justice, de la mère de Valérie Bacot ou d’autres. Ce n’est pas une tribune d’opinion.
"Meurtre prémédité"Si l’assassinat a lieu ce 13 mars 2016, il est évident que les éléments fondateurs viennent de la personnalité de Valérie Bacot. Comment une victime de viol peut accepter de fonder un foyer avec son agresseur, rester avec lui 20 ans, et après le tuer pour s’en débarrasser, avec ce meurtre prémédité ?
"Elle va rechercher comme protecteur son agresseur"Valérie Bacot présente toutes les caractéristiques pour être la victime idéale d’un pervers sexuel. Un père chauffeur routier à l’international absent, une mère violente et alcoolique... C’est une jeune fille en recherche d’affection dédoublée. Elle va rechercher comme protecteur son agresseur. Qui le comble de cadeaux, la chouchoute, entretient la confusion des relations et va la violer à plusieurs reprises (alors que celle-ci, alors belle-fille de Daniel Polette, est pré-adolescente, N.D.L.R.).Valérie Bacot a toujours pensé être condamnée à retourner en prison après son procès. Mais celui-ci semble se diriger vers une issue plus heureuse.
Ensuite, comment peut-on imaginer 20 ans de calvaire sans imaginer que des tiers voient quelque chose ? Pourquoi il n’y a pas eu de signalement ? Parce qu’on lui a "coupé la langue", pour reprendre les termes employés par les experts. Valérie Bacot a intégré psychiquement la domination et l’emprise de Daniel Polette sur elle. Ses enfants aussi.
Daniel Polette est sûrement le pire des hommes.
Daniel Polette est sûrement le pire des hommes. Il l’a démontré, il savait infliger la terreur même quand il n’était pas là. C'est ce que tous nous ont dit ici, au tribunal. Cela va forger ce huis-clos familial fait de peur, de violences quotidiennes, pour enfermer la famille dans un carcan.
Le témoignage de Sandrine Dubouis
Sandrine Dubouis (une habitante de Baudemont qui a côtoyé Valérie Bacot durant des années sans se rendre compte des horreurs qu'elle vivait, N.D.L.R.) nous dit en pleurant « J’ai rien vu » et a créé un comité de soutien pour racheter sa faute. Mais rien n’était visible. Et Valérie Bacot ne pouvait pas parler. Ce qu'elle subit, personne ne s’en aperçoit. Même à l’école, même lors des sorties périscolaires, même Sandrine Dubouis qui est pourtant l’exemple de l’altruisme.
"Valérie Bacot ne peut pas porter plainte"Si les gendarmes ont dit aux enfants que c’est à leur maman de venir porter plainte, c’est insupportable à entendre pour Valérie Bacot. Elle ne peut pas porter plainte. Sa crainte qu’il rentre et qu’il tue, elle est là. L’appel aux tiers est impossible.
"Elle ne peut pas accepter l’éventualité d’un viol ou de la prostitution de sa fille."
Le crime n’est jamais une solution. Mais pour juger, il faut comprendre. L’élément déclencheur de ce meurtre commis par Valérie Bacot, c’est la volonté de protéger ses enfants. Elle-même s’est oubliée, enfermée dans une prison psychique. Mais quand Karline, 14 ans, vient lui dire que son père lui a demandé comment elle était sexuellement, elle ne peut pas accepter l’éventualité d’un viol ou de la prostitution de sa fille.
"Sauver par la mort"Elle va prendre la décision de protéger ses enfants. C’est une vision altruiste, au départ. Vu que l’appel aux tiers est impossible, elle ne pense qu’à l’élimination. Elle ne pense pas avoir d’autre solution : sauver par la mort. La préméditation débute dans la nuit où les mots de Karline font écho à ce qu’a vécu Valérie Bacot.
Elle ne ferait pas de mal à une mouche, dit un expert.
Pourquoi elle va attendre l’acte horrible du client brutal avant de tuer Daniel Polette (le meurtre a été commis après une passe particulièrement violente, à Champlecy dans le Charolais, N.D.L.R.) ? Mais enfin, est-ce que Valérie Bacot est une tueuse née ? Bien sûr que non, elle n’a pas la personnalité d’une tueuse. Elle ne ferait pas de mal à une mouche, dit un expert. Et n’oublions pas que Daniel Polette lui inspire une terreur folle. Elle va endurer le pire avec ce client. Daniel Polette va assister à tout ça, ne pas la protéger bien entendu.
Le terrifiant destin de Valérie Bacot
Il s’assoit à l’avant. Selon le rituel, il doit prendre son plaisir avec elle à l’arrière. Mais fidèle à lui-même dans la violence, il crie. Elle est à l'arrière à ce moment-là. Elle pense à Karline, elle prend l’arme, elle la place à quelques centimètres de la nuque. Elle tire en fermant les yeux. Il n’en faut pas plus. La balle va exploser le cerveau.
"Valérie Bacot est une bonne mère"Ses enfants s’en sont bien sortis. Valérie Bacot est sans doute une bonne mère. Elle leur a transmis de sa douceur. Ses enfants font corps autour de Valérie Bacot. C’est dans le malheur une lueur d’espoir.
Les confidences de Valérie Bacot
Mme Bacot n’est pas délirante quand elle tue. C’est utilitariste, pour protéger Karline. Il n’y a pas abolition du discernement. Son libre-arbitre est réduit à peau de chagrin. Mais elle sait parfaitement ce qu’elle fait. Ce meurtre, ce n’est pas le fait d’une folle.
"On ne peut pas accepter de prendre une vie, même la pire des vies."
Le meurtre n’est jamais une solution. L’assassinat par conjoint est l’un des crimes les plus graves, punissable de la prison à perpétuité. On ne peut pas accepter de prendre une vie, même la pire des vies. C’est ce message que la cour d’assises doit prendre. Mais (s'adressant aux jurés, N.D.L.R.) vous devez prendre en compte la personnalité de Valérie Bacot pour que la peine soit réduite. Parce qu’évidemment, ôter la vie, dans cette situation, est très particulier. Si on ne peut pas accepter l’assassinat, on doit prendre en compte la fragilité particulière de Valérie Bacot. La peine doit aider à réparer, préparer l’avenir.
"Les enfants de Valérie Bacot ont besoin d'elle"Faut-il que Valérie Bacot revienne en prison ? Il faut répondre non. Il y a eu une année d’emprisonnement, par la volonté de protéger les enfants et conserver les éléments de preuve. Je crois qu’aujourd’hui, les enfants de Valérie Bacot ont besoin d'elle. Un enfermement nouveau n’apportera pas de nouveaux éléments de protection. La dangerosité criminologique de Valérie Bacot est très faible.
Une peine requise de cinq ans de prison dont quatre avec sursisDes éléments positifs existent : son nouvel emploi, l’attachement des enfants. La peine doit accompagner cette renaissance. Nous devons fixer l’interdit sans réincarcérer. Avec une partie ferme, déjà effectuée. Pour dire qu'on ne prend pas impunément la vie d’un homme même dans ces conditions-là. Et une partie avec sursis. Je requiers donc une peine de cinq ans d'emprisonnement dont quatre ans assortis d’un sursis probatoire avec obligation de soins."
"Il y a souvent plus de choses naufragées au fond d'une âme qu'au fond de la mer."
Valérie Bacot fait un malaise. À l'issue des réquisitions de l'avocat général, l'accusée a perdu connaissance. L'audience a donc été suspendue quelques heures, le temps que Valérie Bacot reçoive des soins. Les plaidoiries des avocates ont ainsi été repoussées au début d'après-midi. Elles viendront clore un procès de cinq jours très éprouvant pour l'ancienne habitante de Baudemont, dans le Brionnais, avant le verdict attendu en fin de journée.