A Saint-Flour, la rue Marchande revit... et va respirer
Grands sourires pour Ernault Acker, Karine Neveux et Caroline Pons, en train de partager un café devant la galerie de cette dernière. Ils viennent juste d’apprendre que la rue Marchande, où ils exercent, serait piétonne pour la saison estivale. « Et on est super contents ! » s’écrie la fileuse de perles. « Hier encore, il y avait un groupe de personnes âgées qui visitait la rue, une voiture est passée, et vous croyez qu’elle aurait ralenti ? Non. »
CirculationUn constat partagé par tous les commerçants et artisans de la voie. Qui les a fédérés. Ensemble, ils ont écrit un courrier à la municipalité, qu’ils ont porté mardi en mairie. « L’été, la situation devient vraiment compliquée, témoigne Marie Redon, la patronne de la Folie des sens, qui doit traverser la rue pour servir sa terrasse. Pour mes clients, ce n’est jamais agréable de manger dans les pots d’échappement. Mais il y a aussi une question de sécurité : les voitures passent vite parfois.
L’autre soir, il y avait des enfants de clients qui jouaient, j’ai entendu un bruit de moteur résonner, je me suis mise à hurler en croyant qu’ils allaient se faire écraser. À cela s’ajoutent les incivilités : mes serveuses se font régulièrement engueuler, ou siffler par des automobilistes.
AcceptéEt les soucis ne se concentrent pas que sur son établissement : « tout le long de la rue, c’est problématique. Comment faire du lèche-vitrine quand on peut être plaqué contre le mur par une voiture à tout moment ? » Alors, ils ont fait une demande simple « et pas extravagante, je pense. On aimerait que durant la saison estivale, de fin juin à mi-septembre, la rue soit piétonne à partir de 11 h 30. Il faut qu’elle reste ouverte pour les livraisons le matin, mais qu’ensuite elle soit rendue aux Sanflorains et aux touristes. »Une demande acceptée dans la foulée par la municipalité. « Leur demande est tout à fait compréhensible, et très raisonnable, il n’y a pas de raisons de ne pas l’accepter, estime le maire, Philippe Delort. Nous allons donc prendre un arrêté pour la rendre piétonnière durant l’été, à partir de la fin de matinée. Comme l’an passé, la grande rue Marchande le sera aussi, avec une possibilité d’arrêt minute devant le Casino, comme l’ont demandé les gérants. Il ne nous reste plus qu’à trouver une solution pour matérialiser cette interdiction de manière esthétique. En plus, je note que la demande vient de tous les commerçants de la rue, qui s’entendent et se fédèrent, c’est très positif. »Mieux, ils travaillent à rendre la rue plus agréable. « On a décidé de tous fleurir nous-mêmes nos pas-de-porte, certains ont rajouté une table devant… l’idée, c’est de donner envie de flâner » reprend Marie Redon.
DynamiqueRésultat, sans atteindre encore son lustre d’il y a quelques décennies, la voie se transforme. Et il semble loin le temps où elle était quasiment vide. « On n’était plus que trois sur toute la rue, c’était compliqué, se rappelle le cordonnier, Jean-Jacques Gaspar. Depuis que le restaurant a ouvert, cela a créé une nouvelle dynamique, et d’autres jeunes sont arrivés. » C’était il y a trois ans. Et depuis, trois autres vitrines ont été rouvertes.
« Cela fait du bien, poursuit le cordonnier. Et surtout, plutôt que de faire chacun notre truc dans notre coin, on travaille ensemble. Là, on est en train de préparer des panneaux, par exemple, pour agrémenter la rue. C’est super, parce que ça nous pousse, nous les anciens, à nous bouger. Moi, je fais plus de créations maintenant. »
J’espère que ça va faire tache d’huile dans d’autres rues de la ville. Parce que je crois au commerce de proximité, on apporte quelque chose qu’il n’y a pas dans les grandes surfaces ou l’e-commerce. On a une carte à jouer !
Et le public suit. « J’ai vu la fréquentation augmenter. La semaine dernière, il y avait un monde fou. À un moment, même, je me suis dit que je n’arriverais pas à suivre ! » sourit Jean-Jacques Gaspar. Et ce n’est pas fini : à la rentrée, on parle de l’ouverture d’une pâtisserie au début de cette rue Marchande. Qui, à nouveau, porte bien son nom.
Yann Bayssat