Parité en politique dans le Cantal : les élues cantaliennes s'expriment
« La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir celui de monter à la tribune. » En 1791, Olympe de Gouge, Marie Gouze de son vrai nom, milite ardemment pour l’égal accès aux pouvoirs politiques entre les femmes et les hommes. 230 ans plus tard, la femme souffre-t-elle toujours d’un déficit de légitimité?? Dans la réalité, les élues locales doivent encore lutter aujourd’hui contre les stéréotypes révolutionnaires (voire médiévaux).
"Il a fallu prouver qu'une femme maire peut s'occuper des chemins"« Quand j’ai été élue, il a fallu prouver qu’une femme maire était capable de s’occuper des chemins. La petite voirie, c’est très important pour les communes rurales comme la nôtre, donc aussi pour le maire », confie cette ancienne maire d’un village du Cantal, qui reste anonyme pour des raisons professionnelles. Et ce fut difficile, pour les habitants de cette commune, de l’accepter en tant que maire. « Les membres de la liste sont venus me chercher parce qu’ils n’avaient personne pour la tête de liste. J’ai accepté, à contrecœur, parce que je savais le temps que je sacrifierai à la tâche. Je ne me suis d’ailleurs pas trompée et je ne me suis pas représentée, mais uniquement pour des raisons de temps, alors que ma légitimité était enfin acquise. »
Elle a arrêté et d’autres ont commencé. Comme Edwige Zanchi, maire de Mauriac. Qui, de son côté, se trouve totalement acceptée. « J’estime que la femme est supérieure à l’homme. C’est elle qui détient le pouvoir de la procréation. En ce sens, je considère notre société comme matriarcale. Et personne n’est, jusqu’à aujourd’hui, venu me contredire. »
Les hommes aiment le pouvoir, mais pas le partager
L’ancienne conseillère municipale à Aurillac, Michelle Lablanquie, assure elle aussi qu’être femme « n’a jamais été, au cours de son parcours politique, ni pointé du doigt ni un problème ». Médecin psychiatre et chef de secteur en psychiatrie au centre hospitalier d’Aurillac à la retraite, Michelle Lablanquie a démarré fort sa carrière professionnelle, sans être gênée par le fait qu’elle soit femme. « En médecine, comme c’est sur concours, il n’y a pas de ségrégation, les meilleurs réussissent, femmes et hommes confondus. » Elle reconnaît toutefois qu’être femme en politique requiert certaines qualités : « Une grande opiniâtreté, de la volonté, du caractère, et du travail ».
Lois contraignantes et avis divergentsDe son côté, Edwige Zanchi, également médecin à la retraite, aime l’efficacité, le travail bien mené. Alors, de son point de vue, la loi du 6 juin 2006 qui favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ne fait que souligner encore un peu plus la différence des sexes. « Ces lois contraignantes n’ont tout simplement pas lieu d’être. C’est aux femmes de prendre le pouvoir. »
Et toi, avec qui tu te maries??
Un argument que peut entendre Michelle Lablanquie. Du reste, elle était du même avis. « J’étais contre, car cela revenait, à mon sens à considérer que les femmes ne sont pas capables de se battre pour elles-mêmes. Mais force est de constater que sans loi, ces messieurs n’auraient jamais donné le pouvoir. » Elle se souvient très bien de l’accueil de la loi paritaire au Conseil départemental. « Cela les a agacés, ils plaisantaient de la sorte : “Et toi, avec qui tu te maries??” Les hommes aiment le pouvoir, mais pas le partager. »
Une lutte qui prend sa source dans la RévolutionCette lente progression vers l'égalité l'est-elle à cause du « poids de l’habitude » ? Celui qui a « privé tranquillement la moitié du genre humain du droit de concourir à la formation de lois », ainsi que l’analysait déjà Nicolas de Condorcet en 1791?? La Révolution, et par la suite l’ère napoléonienne, ont fait le lit des arguments naturalistes et familialistes de ceux, qui, encore au XXe siècle, estimaient que non, les femmes n’ont ni à voter ni à être éligible. « Plus que pour manier des bulletins de vote, les mains des femmes sont faites pour être baisées », rabâchait même le chef de file de l’opposition au droit de vote des femmes, le sénateur Alexandre Bérard, au cours de son mandat. Ils ont été nombreux à s’y opposer, mais la ténacité de femmes comme Pauline Léon ou Hubertine Auclert, figures de proue d’un mouvement féministe, ont donné l’impulsion à une lutte qui perdure encore aujourd’hui. Autant de femmes qui ont servi la cause féministe et plébiscité sa présence sur la scène politique. Françoise Giroud dans disait Le Monde le 11 mars 1983 : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente ».
Anna Modolo