Qu’est-ce qu’on regarde en streaming ce samedi soir, 26 juin ? “Kill Bill Volume 1” sur Netflix
Kill Bill est-il un film ou une compil ? Et Tarantino est-il un auteur ou un DJ ? Réponses dialectiques armées d’une seule certitude : ce Volume 1 est un spectacle galvanisant.
A – Chapitre 1
Kill Bill Volume 1 n’est pas un film de Quentin Tarantino. Il a tout volé à d’autres : cinéma de sabre japonais et chinois, films de mafia, westerns spaghettis. Molière recommandait de ne jamais copier et de toujours voler (il le fit abondamment). Woody Allen, en vieux scénariste dans Anything Else, conseille à son jeune disciple (Jason Biggs) de ne voler qu’aux meilleur·e·s auteur·rice·s. L’histoire de l’art (et celle du cinéma) est une histoire de vol, mais certain·e·s volent plus que d’autres, et les plus fort·e·s parviennent à faire oublier ceux·celles qu’ils·elles ont volé·e·s. Leur talent est l’unique garant de leur impunité. Tarantino fait de la série A en pillant sans vergogne les séries B… à Z ce qui peut agacer leurs fans. En fait, en pillant tout ce qu’il y a de plus spectaculaire dans le cinéma, l’image qu’on se fait du cinéma, avec son univers artificiel, ses clichés.
A – Chapitre 2
Kill Bill Volume 1 est un film de Quentin Tarantino. Comme dans les précédents (citons-les tous : Reservoir Dogs, Pulp Fiction et Jackie Brown) : violence, verbosité (plutôt moins, mais quand même), BD, humour, récit achronologique, jeu avec les archétypes, intertitres quasi godardiens, distorsion des clichés, jonglage avec les codes (plus télévisuels que cinématographiques) et les noms, les accents des personnages. En revoyant Pulp Fiction, on constate que Butch (Bruce Willis), après avoir longuement hésité entre plusieurs armes (un marteau, une batte de base-ball ou une tronçonneuse ?), portait finalement son choix sur un sabre japonais pour aller sauver Marsellus Wallace (Ving Rhames), qui se montrait magnanime (ce fameux code de l’honneur des méchants). On y cite également Kung Fu, la série culte avec David Carradine… Ce qui est surprenant, c’est que Kill Bill semble marquer une régression dans la courte œuvre de Tarantino, surtout par rapport à Jackie Brown, son film le plus mûr et le plus classique. Comme s’il tournait enfin son premier film après les 3 premiers, un premier film comme en tournaient les cinéastes dans les années 1920 : populaire, d’aventures, romanesque, sans (apparente) prétention.
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B – Chapitre 1
Kill Bill Volume 1 n’est pas un film. C’est une compil : de cinéma, de musique. Comme si le cinéphage Tarantino nous régurgitait les milliers de films qu’il a absorbés pendant des années. C’est du remix, du remâché, l’annihilation du concept d’auteur de film (où est le responsable ?), un faux proverbe chinois qui se mord la queue et ne signifie rien, du type : “Quand la pierre tombe sur l’œuf, l’œuf se brise. Quand l’œuf tombe sur la pierre, l’œuf se brise.” Quoi qu’il arrive, l’héroïne mènera sa vengeance jusqu’à son but, triomphera de toutes les épreuves avant d’affronter la dernière, dénouement qui donnera son sens à l’œuvre.
B – Chapitre 2
Kill Bill Volume 1 est un film. Un film du dimanche soir, comme l’indique le générique du début, comme un appel à l’indulgence du spectateur : tout ce que vous allez voir n’est pas grand-chose, vous l’avez déjà vu un dimanche soir sur TF1. Avec des acteurs fantastiques (Uma Thurman, magnifique), des costumes excentriques, des décors et des accessoires colorés, des combats qui semblent ne jamais devoir finir, du sadisme, des viols, du sang qui gicle. Le tout teinté d’humour. Kill Bill raconte une histoire de vengeance, dont tous les arts du spectacle populaires sont friands. Avec ce genre d’histoire, impossible pour le spectateur d’être dépaysé : on comprend tout de suite de quoi il retourne, d’où l’impression que le film ne fait que répéter de vieux schémas. Mais quels seraient les nouveaux ? Cependant, difficile de ne pas être charmé, car Tarantino travaille dans l’entertainment, repose sur l’effet de surprise, une lutte éperdue contre l’ennui, une magistrale chorégraphie des corps, la sensualité des peaux. Toutes les bonnes recettes spectaculaires y passent et réussissent leur effet : on se raconte les meilleures scènes entre copains·copines.
C – Chapitre 1
Kill Bill Volume 1 n’est pas. Pas de sens, vacuité, vanité, le film laisse le spectateur béant, béat, bé. Kill Bill raconte l’épuisement, l’exaspération d’un cinéaste, et peut-être du cinéma, le constat de son impuissance à se renouveler, une sorte de gâtisme, de marche en avant ou arrière insensée. Et ce constat, cet aveu constituent peut-être ce qu’il y a de plus déchirant et fait de Kill Bill un chef-d’œuvre, dans son genre, un chef-d’œuvre blanc comme la neige de pacotille où luttent à mort Uma Thurman et Lucy Liu.
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C – Chapitre 2
Kill Bill Volume 1 est. Le premier épisode de Kill Bill, le diptyque. Belle tautologie. Peut-être ne peut-on apprécier le Volume 1 qu’à l’aune du second. Une œuvre qui malgré sa claustration cinéphilique reste ouverte. Par conséquent : à suivre…
Kill Bill Volume 1 de Quentin Tarantino, est disponible sur Netflix.