Une « astucieuse » ouverture au Massif central de la candidature de Clermont à la capitale européenne de la culture
Pascal Ory, académicien, historien spécialiste des politiques culturelles nous aide à voir plus clair sur les vastes contours de la candidature à la capitale européenne de la culture Clermont-Ferrand Massif central 2028.
Dans le cadre de la candidature à la capitale européenne de la culture Clermont-Ferrand Massif central, un cycle de rencontres a été mis en place pour exposer des solutions inédites sur le développement d’un territoire par la culture. Pascal Ory, académicien, historien spécialiste des politiques culturelles, apporte un point de vue éditorial à ces « conférences capitales ». La première ayant abordé le thème Identité(s) et territoires, c’est l’occasion de cerner les larges contours de cette candidature.
Le Massif central, ça ne vous paraît pas trop vaste pour cette candidature ? « C’est ma déformation d’historien, je compare les candidatures entre elles. Il y a aujourd’hui une demi-douzaine de villes candidates à la capitale européenne de la culture et toutes ont des problèmes de définition de leur territoire. C’est normal car la tradition française fait qu’en dehors de la centralité parisienne, les régions ont des contours flous. C’est un avis qui n’engage que moi, mais je trouve que Massif central c’est la bonne dimension. C’est une notion récente, très française car elle est intellectuelle puisque ce sont des géographes qui ont créé le terme. »
« Massif central c’est même un point de vue de géologue, c’est la froideur absolue : qu’est-ce que les êtres humains ont à voir avec le quartz ou le gneiss?? Et pourtant, la notion s'est implantée »
« Mais notion a pris de l’épaisseur en un siècle. Elle permet de ne pas mettre le doigt dans un autre engrenage : c’est plus que l’Auvergne, le Vivarais ou le Bourbonnais sans parler de la nouvelle grande région… Cela évite les concurrences de sensibilités. Alors Massif central c’est finalement assez astucieux et permet de fédérer de manière large car ce n’est pas administratif. »
Même si c’est une notion moderne, Massif central n’inspire pas spontanément la modernité… « Je vois surtout quelque chose d’extrêmement tendance, qui émet un message fort au rapport à l’espace, à la nature et à la réalité. J’ai cru comprendre que ce message devenait obsessionnel aujourd’hui, en temps de pandémie et de réchauffement climatique. Pollution n’est pas le mot qui vient à l’esprit quand on pense Massif central. C’est clairement un atout. Et puis Massif central décentre le centre, ça émet l’hypothèse qu’il y a d’autres acceptions de centre qui ne serait plus Paris. »
Et la culture dans tout ça, sur un territoire qui reste majoritairement rural ?
« Il y a quand même en France, une préoccupation de politique culturelle de proximité qui est ancienne. C’est passé notamment par la musique dans les petites villes. Et depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, elle est née dans le grand mouvement de la décentralisation théâtrale. C’est parti de Jean Dasté à Saint-Étienne et ça a donné les Maisons de la culture. C’est toujours très vivant. D’autre part la pandémie n’a fait qu’accélérer la tendance : nous allons devenir de plus en plus “rurbains”. Les politiques culturelles doivent tenir compte de cela. On peut penser que la culture sera un argument pour faire venir de nouvelles populations, qui pourront à leur tour produire la culture. Cela posera alors la question des pratiques amateurs. »
Est-ce que le patrimoine est un atout pour une culture moderne ?
« "C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source" disait Jaurès. À l’heure actuelle n’y a plus de problème avec le patrimoine. La société moderne par essence est assoiffée de patrimoine que ce soit sa protection ou sa mise en valeur. Les artistes eux-mêmes, professionnels ou amateurs, sont sans arrêt en rapport dialectique avec leur héritage donc je ne vois pas le problème. Tradition ne l’oublions pas, c’est étymologiquement la transmission. Dans la transmission, il y a de la circulation et de l’enrichissement. Ce n’est jamais un copier-coller du passé. »
Conférences Capitales. À l’initiative de Patrice Chazottes, directeur de l’association Clermont-Ferrand Massif Central 2028, et avec la contribution de Nicole Da Costa, ancienne conseillère culture d’Édouard Philippe à Matignon, CFMC 2028 organise une série de conférences en partenariat avec Le Journal des Arts. Une fois par mois, jusqu’en janvier 2022, en « présentiel » dans un auditorium de la région et en ligne, ces rencontres seront l’occasion d’aborder la culture en tant qu’outil de développement territorial et d’en souligner les enjeux et les solutions. Animées par Jean-Christophe Castelain, rédacteur en chef du Journal des arts, ces conférences seront rythmées par des interventions courtes, avec à chaque fois l’exposé de cas pratiques et de solutions ainsi qu’une intervention faisant l’état des lieux d’une problématique précise. Pascal Ory, académicien, historien spécialiste des politiques culturelles, apportera un point de vue éditorial. Avec comme maître mot « l’efficacité », ces rencontres veulent faire émerger des diagnostics opérationnels, des expériences et des solutions pratiques au service de toutes les régions de France. Les dates, thèmes des conférences, intervenants ainsi que les modalités d’inscriptions (gratuit ouvert à tous) sont détaillés sur le site Internet clermontferrandmassifcentral2028.eu/ La prochaine conférence aura lieu mercredi 20 octobre, de 17 heures à 18?h?30, en ligne ou en présentiel au campus universitaire de Moulins (Allier) autour du thème de l’éducation artistique et culturelle.
Pierre-Olivier Febvret