Le Liban appelle l'Arabie saoudite au dialogue pour régler la crise diplomatique
"Nous voulons les meilleures relations avec l'Arabie saoudite", a assuré le chef de la diplomatie libanaise Abdallah Bou Habib à l'AFP. "Mais les problèmes entre pays frères ou amis ne peuvent se résoudre que par le dialogue et les contacts, et non pas en imposant" des points de vue.
L'Arabie saoudite, qui a rappelé son ambassadeur de Beyrouth, imitée par plusieurs pays du Golfe, et demandé le départ de l'ambassadeur libanais à Ryad, a jugé dimanche "inutile" de traiter avec le Liban tant qu'il est "dominé" par le Hezbollah.
Poids lourd de la politique libanaise, le puissant mouvement est armé et financé par l'Iran chiite, grand rival régional de l'Arabie saoudite sunnite.
Les relations entre le Liban et l'Arabie saoudite étaient déjà tendues ces dernières années, le royaume reprochant à Beyrouth de ne pas contenir le Hezbollah qu'il accuse de soutenir les rebelles Houthis au Yémen.
Ryad mène depuis 2015 une coalition militaire qui soutient le gouvernement yéménite face aux rebelles.
"Le Liban appelle l'Arabie saoudite au dialogue, pour régler tous les problèmes en suspens et non seulement le dernier incident, afin que la crise ne se répète plus", a déclaré M. Bou Habib.
Le ministre libanais de l'Information, George Kordahi, dont les propos critiquant l'intervention militaire de l'Arabie saoudite au Yémen, ont provoqué la tempête, a refusé de démissionner.
Dimanche, le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhan, a déclaré que "le problème va bien au-delà des simples commentaires d'un ministre", et a dénoncé "l'hégémonie du Hezbollah sur le Liban".
"Je ne suis pas d'accord avec les propos du ministre saoudien" à ce propos, a réagi M. Bou Habib, nommé au gouvernement par le président Michel Aoun, un allié du Hezbollah.
"Pas d'hégémonie"
"Le Hezbollah est une importante composante au Liban, mais il n'a pas d'hégémonie et n'accapare pas la scène politique", a affirmé le ministre.
"Qu'une partie nous demande d'écarter le Hezbollah de la scène politique (...) Comment pouvons-nous le faire alors que le Hezbollah est une composante libanaise, qu'on le veuille ou pas?", a-t-il poursuivi.
Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, s'était démarqué des propos du ministre, nommé au gouvernement par un parti chrétien allié au Hezbollah, qui l'embarrassent et mettent fin aux espoirs de voir les riches monarchies du Golfe aider financièrement le Liban, en plein marasme économique.
L'Arabie saoudite a arrêté les importations en provenance du Liban vendredi, portant un coup dur à l'économie déjà exsangue du pays.
Le royaume est le troisième marché d'exportation du Liban, représentant 6% des exportations du pays en 2020, et d'une valeur d'environ 217 millions de dollars, selon la Chambre de commerce libanaise.
Le chef du gouvernement, qui se trouve à Glasgow pour la COP26, doit y rencontrer lundi le président français Emmanuel Macron, fortement impliqué dans le dossier libanais, et plusieurs dirigeants européens et arabes, selon son bureau de presse.
M. Mikati avait implicitement appelé M. Kordahi à démissionner, lui demandant de "privilégier l'intérêt national".
Mais le ministre de l'Information, un ancien présentateur télé vedette dans le monde arabe, jouit du soutien du Hezbollah dont les responsables se sont mobilisés au cours des deux derniers jours pour saluer son "courage" et refuser qu'il démissionne.
M. Kordahi est même devenu un héros pour les rebelles Houthis au Yémen, notamment dans la capitale Sanaa sous leur contrôle où ses portraits ont été affichés. Des commerçants ont affirmé à l'AFP que les Houthis avaient rebaptisé la rue commerciale Ryad du nom du ministre libanais.
L'Arabie saoudite accuse le Hezbollah, qui combat aux côté du régime de Bachar al-Assad en Syrie et est influent en Irak, de soutenir et d'entraîner les rebelles yéménites qui lancent des drones armés sur le territoire saoudien.
Le chef de la diplomatie libanaise a expliqué que le rôle du Hezbollah à l'étranger constituait un problème régional dont le règlement "dépasse la capacité du Liban".
Il estime cependant "qu'un accord américano-iranien ou irano-saoudien peut aider à résoudre ce problème". "Mais nous ne pouvons pas le régler par nous-mêmes", a-t-il souligné.