En dédicace à Tulle (Corrèze), François Hollande : « Je ne pense pas qu’Eric Zemmour puisse être président de la République »
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L'ancien président de la République François Hollande est venu à Tulle (Corrèze) ce samedi 20 novembre pour dédicacer son dernier ouvrage Affronter à la librairie Trarieux. Un livre dans lequel il dresse le portrait des candidats à l’élection présidentielle et expose les défis majeurs qui attendent la France. Entretien.
Pourquoi sortir ce livre à six mois de l’élection présidentielle ?
Justement, à six mois de l’élection présidentielle, il m’a paru important de la part d’un ancien président de pouvoir livrer ses réflexions. Pas simplement sur la situation politique, mais aussi sur les grands défis qui nous attendent.
Une partie du livre aborde la confusion et le désordre politique. La plupart des gens sont perdus aujourd’hui. La gauche est éclatée, la droite n’a pas de candidats pour l’instant, l’extrême droite maintenant, en a deux. C’est d’autant plus grave d’avoir cette confusion politique alors qu’il y a des enjeux considérables qui nous attendent. Des enjeux climatiques, industriels - car il y aura des mutations importantes à réaliser - et l’enjeu sécuritaire aussi. Ou encore celui de la dette publique qui est très importante. Il y aura des choix tout à fait cruciaux qui devront être faits au lendemain de l’élection présidentielle.
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Croyez-vous à une victoire de la gauche en 2022 malgré les nombreuses candidatures ?
Ce n’est pas le nombre de candidatures qui me préoccupe. C’est le fait qu’il n'y en ait aucune qui se dégage. Or moi-même quand j’ai été élu en 2012 ou François Mitterrand en 1981, il y avait déjà certes une pluralité de candidatures, mais il y en avait une qui se dégageait et qui permettait aux électeurs de voter utile. Les électeurs veulent voter utile pour être sûr que leur destin soit assuré. Et là, quand ils voient qu’il n'y a aucune candidature qui se dégage, ça les inquiète. D’où l’importance d’en faire émerger une.
Je ne crois pas du tout à l’idée que des candidatures vont se retirer. Tous les candidats veulent se maintenir. Ce n'est pas cela que je remets en cause, c’est qu’il n'y en a aucune qui se dégage et sur une ligne crédible.
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Vous êtes inquiet pour la gauche ?
Je ne suis pas inquiet que pour la gauche. Ça voudrait dire que ce n’est pas si grave si ce n'était qu’un problème de gauche. C’est le problème de tout un pays. Avoir une extrême droite aussi haute alors que le populisme régresse partout, avoir une droite aussi faible alors qu’elle pourrait être facteur d’alternance. Et avoir un parti présidentiel aussi inexistant... Donc, c’est l’ensemble de la situation qui me préoccupe. D’ailleurs dans les sondages, chacun dit qu’il est heureux à titre personnel, mais malheureux à titre collectif, c’est quand même une interrogation. Pourquoi on n’a pas confiance en l’avenir alors que l’on ne se porte pas si mal ? Mais il y a aussi beaucoup d’inégalités quand on voit dans cette crise qu’il y a des gens qui sont devenus encore plus riches et d’autres encore plus pauvres.
Dans votre livre, vous placez Eric Zemmour à « l’extrême de la droite », quelle est la différence avec l’extrême droite ?
L’extrême droite avec Marine Le Pen essayait de se banaliser. En 2017, elle pensait qu’elle serait au deuxième tour de l’élection et il fallait qu’elle puisse vaincre tous les obstacles. Et au moment où cette extrême droite se banalise tout en ne perdant rien de ses positions, Eric Zemmour lui fait une concurrence en allant beaucoup plus loin qu’elle. Par exemple, Marine Le Pen remet en cause l’immigration, Eric Zemmour, lui, met en cause ceux qui sont Français et qui sont issus de l’immigration.
Dans son dernier ouvrage, Affronter, François Hollande expose les défis majeurs qui attendent la France.
La candidature d’Eric Zemmour vous inquiète-t-elle ?
Non je ne pense pas qu’Eric Zemmour puisse être président de la République. Mais elle pollue le débat. On ne parle que de ça, il y a des provocations multiples, il est encore actuellement poursuivi, d’ailleurs. Cela crée une situation de conflit alors que la politique est faite pour rassembler, réconcilier et non pour diviser. On peut avoir des idées différentes, mais à un moment, le président de la République doit être en capacité d’unir la nation.
Quel est le remède contre l’abstention selon vous ?
C’est l’espoir. Si les gens ne viennent pas voter c’est qu’ils n’ont plus d’espoir. Il y a des gens pour qui, même se déplacer pour prévenir un danger ne suffit pas. Il faut leur donner l’occasion de voter pour quelque chose. Et pour quelqu’un autant que possible.
Recueillis par Vincent Faure
Photos Agnès Gaudin