La hausse des charges plane sur la foire aux reproducteurs charolais de Boussac (Creuse)
Un blanc et épais brouillard semblait faire écho aux robes des bovins exposées sous le hall de l’agriculture de Boussac, dimanche 21 novembre. Comme pour signifier que la traditionnelle foire interdépartementale aux reproducteurs charolais était l’une des dernières de la saison, avant l’entrée dans la période hivernale.
Des éleveurs originaires de six départementsUn rendez-vous d’autant plus précieux pour les éleveurs que ceux-ci n’ont pas eu beaucoup d’occasions de se retrouver ces derniers temps, en raison de la situation sanitaire. « Ça fait du bien de sortir. Le marché repart. Les gens ont envie d’acheter », assure Christelle Pignot, jeune éleveuse de 22 ans, installée à La Celette.
Christelle Pignot, jeune éleveuse de 22 ans, installée à La Celette.
Des vendeurs et des acheteurs venus de la Creuse, mais aussi de départements alentour, comme l’Allier, le Cher, l’Indre, la Nièvre ou le Puy-de-Dôme. À l’image de Daniel Micaud, éleveur à Ygrande, (Allier) :
« Je viens ici depuis 1988. C’est un rendez-vous qui permet de donner une bonne image de la charolaise en Limousin »
Hausse des prix des intrantsLa charolaise que l’agriculteur décrit comme étant « très bonne dans l’assiette. Elle donne une viande persillée. Mais c’est aussi une vache très gentille ». Les quelque 150 bovins exposés à Boussac sont en effet d’un calme olympien, se laissant placidement caresser par les visiteurs.
Daniel Micaud, éleveur à Ygrande, (Allier).
Leurs propriétaires manifestent quant à eux une certaine inquiétude. Comme l’ensemble de ses collègues, Daniel Micaud note « une légère augmentation du prix de vente des animaux. Mais cela ne compense pas la hausse des prix des intrants. En juillet, le blé valait 180 euros la tonne à la récolte. On est aujourd’hui autour de 260 euros », assure le professionnel.
« Le fuel, les engrais, les produits alimentaires pour les animaux… Tout a augmenté »
Mais, dans ce contexte, la charolaise s’en sort-elle mieux que les autres races à viande, comme la limousine ? « La limousine se vend quelques centimes de plus au kilo. Mais la charolaise fait un peu plus de poids », indique simplement Jean-Luc Duchier, les éleveurs n’appréciant pas particulièrement comparer les races, leurs caractéristiques et surtout leurs prix de vente.
Le député Moreau défend la contractualisationLe Gaec Clame-Aubouard, de Bourbon-L’Archambault (Allier) a lui visiblement bien fait de miser sur la charolaise. Sur les dix animaux que l’exploitation a présentés cette année à Boussac, cinq ont été primés. Ce qui déclenchera sans doute des transactions. « On a toujours des retours en ferme lorsque l’on revient de Boussac », glisse pudiquement Thierry Clame, l’un des associés du Gaec.
Cependant, l’homme se préoccupe aussi de la hausse des coûts de production. « Ils ont fortement augmenté depuis le début de l’année. Notre rôle est important dans la société. Sans nous, les Français n’auraient rien dans l’assiette », prévient l’éleveur, en train de brosser soigneusement Opale, magnifique femelle ornée d’un ruban tricolore de championne.
Thierry Clame, devant sa championne, Opale.
Le prix des intrants est décidément sur toutes les lèvres, gagnant même le comptoir du bar où le député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, tente de tenir un discours rassurant, autour d’un café.
« On vient de voter la loi Egalim 2 qui va rendre la contractualisation obligatoire, en indexant les prix sur les coûts de production. Quand ces derniers flambent, comme aujourd’hui, si ces contrats sont signés, demain, le prix de vente augmentera en proportion »
L’élu plaide également pour « diminuer les taxes à l’import au niveau européen », pour faire baisser les prix des engrais.
Antoine se voit déjà éleveur comme son père.
Un marché ovin en meilleure formeCependant, la foire de Boussac, ça n’est pas que des vaches charolaises, mais également des moutons charollais (avec deux “l”, s’il vous plaît). Une filière qui, selon les acteurs rencontrés sur place, présente actuellement un meilleur visage que sa cousine bovine.
« Les cours du mouton ne se portent pas mal. Notamment à l’exportation », témoigne Christine Delmez, éleveuse à Pouligny-Notre-Dame, dans l’Indre. « Nous n’avons jamais eu des prix comme ça », confirme Jérôme Dubouis, vice-président de l’organisme de sélection mouton charollais et éleveur à Lavaufranche. Il complète :
« Le prix au kilo a augmenté de 50 centimes par rapport à 2020. Et de presque 1 euro par rapport à 2019 ».
Pour l’agriculteur, la raison de cette embellie serait à regarder du côté de la Nouvelle-Zélande, qui s’est recentré sur le marché chinois. Mais aussi du côté du Brexit, et de la baisse de la production française.
Christine Delmez, éleveuse de moutons charollais, à Pouligny-Notre-Dame (Indre).
« Les charges ont augmenté. Mais ça va bien. Ça fait quatre ou cinq ans que l’on peut dégager un revenu en production ovine », confie Jérôme Dubouis. Une situation plus favorable, qui contraste avec le sentiment d’anxiété qui semble majoritairement dominer le monde agricole.
Texte et photos : François Delotte