« Les clubs échangistes, eux, restent ouverts ! » : les patrons de discothèques s'estiment stigmatisés par cette seconde fermeture
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Les charges fixes des discothèques fermées à partir de vendredi seront compensées « à 100 % » assure le gouvernement. Le monde de la nuit n’en juge pas moins la décision « injuste » et sous-financée. Surtout, les patrons de discothèques estiment être mal récompensés d'avoir été les « bons élèves » de la lutte contre la pandémie et pour leur rôle « d’encadrement » de la fête.
Un petit tour de piste et puis s’en vont. Activité commerciale la plus impactée par les restrictions liées à la pandémie avec seize mois de fermeture, les discothèques ont rouvert début juillet. Le Premier ministre Jean Castex a annoncé lundi qu’elles seraient fermées durant quatre semaines, jusqu’à « début janvier ». Une étude de l’institut Pasteur, remise au gouvernement fin novembre pointe un risque élevé : « Les moins de 40 ans ayant fréquenté une discothèque ont 790% plus de risque » d’avoir contracté le Covid. En comparaison, le surrisque se limiterait à 20 ou 30 % dans les transports.
Où iront les jeunes qui ne pourront plus s"éclater " en discothèque ? Photo R BrunelLe Premier ministre a justifié cette décision en évoquant une plus forte circulation du virus chez les jeunes, même vaccinés.
Selon Jean Castex, le port du masque serait « extrêmement difficile à faire appliquer dans les établissements de nuit ».Ce que réfute Martial Philippon, patron de deux établissements, le One à Montluçon (Allier) et le X à Aubusson (Creuse) : « Depuis 15 jours qu’on nous l’impose, le port du masque est respecté à 90 % ».
Triple contrôle à l'entrée : le pass, la carte d'identité et le cahier de rappelLes responsables d’établissements de nuit sont d’autant plus amers qu’ils ont le sentiment d’avoir été de « bons élèves », insiste Martial Philippon.
Martial Philippon proprietaire du One discotheque de Montluçon (Allier) et du X à Aubusson (Creuse) photo Cecile CHAMPAGNAT
« On est les seuls à exiger à la fois le pass sanitaire et la carte d’identité et on a en outre un cahier de rappel à l’entrée. On a vu passer 70.000 personnes dans nos deux établissements depuis le 7 juillet et on n’a pas eu un seul cluster, pas eu un seul message de l’ARS », abonde Rodolphe Alliod, patron du Press Club à Yzeure (Allier) et du Klubb à Metz.
Plus de contrôles à l'entrée des discothèques que dans les autres lieux de loisirs. Photo R BrunelLe sentiment d’injustice de ces commerçants est redoublé par leur fierté de jouer un rôle auprès des jeunes.
« Les jeunes ont un grand besoin de se lâcher, heureusement qu’on est là pour les accompagner »,
.« On les incite à aller vers la vaccination. Moi, je leur dis : arrêter de vous faire tester tous les week-ends, vaccinez-vous ! », assure Martial Philippon.
« On sait très bien qu’on est partis pour trois mois minimum »Rodolphe Alliod s’agace des non-dits de la communication gouvernementale : « En clair, c’est nous la solution au Covid ! On est la seule activité à fermer. On sait très bien qu’on est partis pour trois mois minimum. Le pic de la vague sera en janvier ». Le chef de l’État Emmanuel Macron, qui était hier en visite dans le Cher, a été interpellé dans la matinée dans les rues de Vierzon par un patron de discothèque : « On ne demande pas l’aumône, on veut travailler », a lancé ce dernier.
— LCI (@LCI) December 7, 2021« Il ne faut pas croire qu'on vous stigmatise », a rétorqué Emmanuel Macron, qui a justifié une fermeture qui ne s’applique pas aux bars et aux restaurants « où l’on est assis , alors que la plupart du temps, on n’est pas autour d’une table ans une discothèque ».Sans boîtes de nuit, la fête ne sera pas finie, les responsables d’établissements en sont convaincus. « Ça n’aura aucun impact sur l’épidémie car les jeunes vont se retrouver à 50 dans des appartements. Il n’y aura aucun contrôle, aucune limite », lance Martial Philippon.
« Les gens vont faire cinq bars dans la nuit sans contrôle », anticipe de son côté Rodolphe Alliod , qui grince : «où est l’équité quand les bars de nuit, les clubs échangistes ou les bars à chicha restent ouverts ? ».
L’inégalité de traitement dépasse le cadre de la nuit, insiste-t-il.
« Si j’avais eu une bagarre dans un de mes établissements comme au meeting de Zemmour, c’était la fermeture administrative immédiate. Lui, il va pouvoir continuer ses meetings sans masques ! »
Marcel Benezet, le responsable de la branche cafés, brasseries et établissements de nuit du GNI (Groupement national des indépendants) de l’hôtellerie-restauration, a participé à la réunion organisée ce mardi à Bercy autour du secrétaire d’État au commerce et à l’artisanat Alain Griset : « Le gouvernement nous promet une prise en charge à 100 % des charges et du chômage partiel pour les discothèques. Il faut que ces aides tombent rapidement. Depuis le début de la pandémie, on a 400 établissements de nuit qui ont mis la clef sous la porte, les chefs d’entreprises sont à bout ».
« La prise en charge des coûts fixes, c’est moins que le fonds de solidarité »Interrogé ce mardi à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a assuré a confirmé que les « charges fixes des discothèques seraient prises en charge à 100 %, afin que ces établissements « ne perdent pas un euro avec cette fermeture ». Bruno Le Maire a élargi le champ à plusieurs corps de métier : « Il y a des annulations chez les restaurateurs, il y a des annulations pour les traiteurs (…) et puis il y a les boîtes de nuit, 1.200 établissements qui sont fermés. Nous apporterons une réponse concrète à chacun ».
1.200 établissements seront fermés. Le seteur a perdu 400 établissements depuis le début d ela pandémie. photos Pierrick DelobelleThierry Fontaine, en charge des établissements de nuit à l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) est très déçu : « On est loin du soutien sans faille annoncé. La prise en charge des coûts fixes, c’est moins que le fonds de solidarité. Bruno Le Maire a dit qu’on était sorti du “Quoiqu’il en coûte”, il assume qu’une décision discriminante comme celle qui nous frappe ne soit plus financée ».
« Décembre, c’est 20 % du chiffre annuel des discothèques. C’est une gourde pour traverser le désert et on nous la prend ! »
Par pertes et profits passeront les avances versées aux artistes programmés dans les discothèques ce week-end ou les frais engagés pour promouvoir la soirée du Nouvel An.
Voir cette publication sur InstagramPartout en France, certains grands établissements de nuit ont décidé d’ouvrir mercredi et jeudi et d’avancer des événements en communiquant autour de « la dernière soirée de l’année ». Une sorte de baroud d’honneur.
Près d’Orléans, Frank Lemaire, qui exploite la modeste discothèque le 7, à Chaingy, n’en est pas là. Il a dû jeter ses affiches pour la soirée de la Saint-Sylvestre et se prévoit un réveil d’hibernation difficile : « On avait réussi à faire revenir les gens depuis la réouverture. On est bons pour tout reprendre à zéro ». Julien Rapegno