Originaire de Mentières (Cantal), Stéphanie Chambaron, nommée directrice de recherches à l’INRAE de Dijon
![Originaire de Mentières (Cantal), Stéphanie Chambaron, nommée directrice de recherches à l’INRAE de Dijon](http://www.lamontagne.fr/photoSRC/VVZTJ19dUTgIDAVOBQwd/stephanie-chambaron_5847883.jpeg)
Après onze années comme chercheuse à l’INRAE de Dijon, la Cantalienne de cœur, Stéphanie Chambaron, vient d’être nommée directrice de recherches. Un exemple d’une carrière professionnelle réussie.
« Il faut arrêter de considérer la France de Jean-Pierre Pernaut comme moins bien ! ». Stéphanie Chambaron n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit de défendre son Cantal natal, et plus particulièrement « [son] joli petit hameau de Termengros, sur la commune de Mentières » qui l’a vue grandir. Où elle revient régulièrement voir sa famille et passer ses vacances et où elle envisage même de « retaper une petite grange ».La directrice de recherche au Centre des sciences du goût et de l’alimentation à l’INRAE de Dijon qu’elle est devenue le 16 novembre dernier, ne veut pas oublier ses racines.
J’aime dire que je suis avant tout une fille et petite-fille d’agriculteurs. Ce sont mes sources et mes origines auxquelles je suis extrêmement attachée. Surtout que des Chambaron à Termengros, il n’y en n’a plus. Mon père est fils unique et moi aussi.
Alors autant dire qu’elle y tient à son nom de jeune fille, même si elle est mariée à un Cantalien de Coren. Et qu’elle le défend son terroir, dès qu’elle en a l’occasion, « ce qui fait bien rire mes collègues », avoue-t-elle.
Le Cantal chevillé au corpsAprès des études en fac de psycho à Clermont puis Dijon, un doctorat en psychologie cognitive et un séjour de 3 ans dans une université belge à Bruxelles pour se spécialiser en cognition et conscience, Stéphanie, alors bac + 11, est recrutée en 2010 comme chercheuse à l’INRAE (Institut national de recherche en agriculture, alimentation et environnement) de Dijon et aujourd’hui comme directrice de recherche. « Comme quoi, les travaux en psychologie mènent à tout ! ». « Et que l’habit ne fait pas le moine, car une petite Chambaron à la tête du centre de recherche… ».
Ça tord aussi le cou à toutes les idées reçues et préconçues comme quoi on ne pourrait pas mener une carrière exemplaire et côtoyer les grosses têtes pensantes de notre société tout en venant du Cantal.
Moi, je le dis souvent, même aux gens dans les ministères avec qui je suis régulièrement en contact “je viens du fin fond de mes montagnes où il y a plus de vaches que d’habitants et on est tous là, ensemble, au même niveau. Je suis un produit 100 % made in Cantal, je sais qui je suis, mais je sais d’où je viens.
Car si Stéphanie Chambaron est consciente d’avoir « embrasser une jolie carrière professionnelle » et de la chance qu’elle a d’exercer un métier qu’elle aime particulièrement, elle n’en reste pas moins modeste et simple en toutes circonstances. « J’ai mon bonnet avec le logo 15 et la tête de la vache, on a l’autocollant 15 sur la voiture… On est Cantalous dans l’âme. D’ailleurs lorsqu’on est arrivés à Dijon, on s’est dit qu’on n’allait pas rester longtemps ici... Ils ont du bon vin mais il manquait nos montagnes ». Et ça fait 21 ans que ça dure !
Psycho et cognition au service de l’alimentationC’est avec cette même humilité que Stéphanie évoque ses travaux de recherches qui portent sur les comportements alimentaires des consommateurs, autour de deux axes principaux, l’obésité et la durabilité, qui font figure d’exemple, car novateurs et jamais étudiés ni démontrés. Ni à l’INRAE de Dijon, ni ailleurs. « On a été les premiers à publier là-dessus, en 2019, 2020 et 2021 », avoue-t-elle.« Moi, mes deux mots-clés sont la psycho et l’alimentation. Comment un individu traite l’information lorsqu’il choisit ses aliments ? Ainsi, lorsque j’ai posé mes valises à l’INRAE, j’ai développé, sans rien imposer, l’aspect cognition ». Et d’expliquer concrètement et avec pédagogie ce qu’elle a « découvert ».
« L’hypothèse scientifique montre que selon leur statut pondéral, les individus ne font pas les mêmes choix. Plus ils sont en surpoids, plus ils ont une vulnérabilité cognitive et sont ainsi davantage tentés par des aliments à haute densité énergétique, le gras salé et le gras sucré. Il faut donc arrêter de dire que les “gros” n’ont pas de volonté. Ce n’est pas de leur faute ».
Plus qu’une révélation, c’est une révolution pour le monde scientifique que Stéphanie Chambaron et ses équipes ont pointé du doigt. Aux pouvoirs publics, aux médecins et autres nutritionnistes de s’emparer désormais du sujet et d’adapter leurs stratégies de prise en charge des patients atteints d’obésité. « Mais, elle en convient, ça ne se fera pas en claquant des doigts. Il faut du temps ».Son autre cheval de bataille, ce sont les légumes secs ou légumineuses ou encore protéines végétales. « Des termes que bien souvent les consommateurs ne connaissent pas, estime-t-elle. Alors que si on leur dit lentilles, pois chiches, fèves, graines… ils savent ce que c’est ». Stéphanie a alors orienté ses travaux de recherches, via la mise en place d’un supermarché virtuel, « pour étudier les représentations mentales que se font les consommateurs de ces produits-là et les inciter à les consommer ». Et ses résultats sont sans appel : « Les légumes secs sont éparpillés dans les rayons des grandes surfaces, le consommateur n’arrive pas à les repérer et ça ne facilite pas ses choix pour en consommer. L’idée serait donc de les regrouper dans un même rayon et de donner des informations pratico-pratiques sur ces produits ».
Et ce sujet légumineuses est une nouvelle occasion, si besoin était !, pour Stéphanie Chambaron de parler du Cantal. « La lentille blonde de la Planèze… Ah celle-ci, dès que je peux la placer, je le fais », avoue-t-elle dans un grand éclat de rire.
La ruralité en ligne de mireAvec sa toute nouvelle casquette de directrice de recherches à l’INRAE, Stéphanie ne veut pour autant pas laisser tomber ses travaux en matière de cognition et de psycho. Mieux, elle souhaite y ajouter un volet rural. « Je souhaiterais adresser ces questions d’obésité et de durabilité à la ruralité, et pas qu’aux bobos parisiens trentenaires ! », avoue-t-elle. Avec l’objectif de sensibiliser les gens à « une alimentation raisonnable et raisonnée », relevant du « bon sens qu’on a dans nos campagnes »… Comme dans le Cantal par exemple.
Isabelle Barnérias