Assises de la Creuse : deux profils pour deux vérités du côté des meurtriers présumés
Le quatrième jour du procès pour le meurtre d’Alexis en août 2018 a vu, ce jeudi 20 janvier, les échanges se concentrer sur le caractère particulier des deux hommes présents à la barre.
Impulsivité : agir sous la poussée d’une force irrésistible, en l’absence de toute volonté réfléchie. Personne ne semble vraiment avoir réfléchi en ce soir d’été. D’un côté, le père impulsif « capable de cogner en étant un monstre d’indifférence » selon un avocat des parties civiles. De l’autre, le voisin à la pulsion meurtrière « déjà auteur d’un homicide, à jeun et de sang-froid ».
Place au « grand méchant loup »Mais, dans le box, aucune passe d’armes ou gestes d’humeur entre les deux accusés.
- « Monsieur Bernady, vous vous dites impulsif mais comment arrivez-vous à rester calme à côté de l’homme que vous désignez comme étant le meurtrier de votre fils ? » lance Maître Bénaïm.- « Vous êtes psychiatre vous ? Ou psychologue ? »
Pour Frédéric Bernady, le quatrième jour de ses assises est sans doute celui de trop. Poings serrés, il assène un premier coup verbal à l’audience, lui, le boxeur non licencié.
« Là, je commence à monter en pression à force d’écouter des sornettes et des conneries à deux balles. »
Le deuxième se veut, quant à lui, être celui du chaos. « En fait, le grand méchant loup, c’est moi, c’est ça ? » Pas de grand méchant loup non, ni de petit chaperon, même si Roland Michaud se plaît à consolider le contraste avec son compagnon de beuverie. L’expertise psychiatrique le qualifie même « d’empathique » avec le jeune Alexis. Il s’engouffre dans cette brèche. « Il était gentil malgré son agressivité de temps en temps. Je le considérais comme mon gamin. »
Un ou bien deux meurtriers ?Mais cette considération a des limites. Comme, selon lui, le fait de rentrer chez soi et fermer la porte en laissant dehors le corps sans vie de son « gamin » de 19 ans dans la nuit du 28 août 2018. « Il n’a pas de volets ni de rideaux. Il pouvait le voir depuis sa fenêtre. Il a dormi avec un mort », souligne un conseil des parties civiles. Un autre va même plus loin : « Il préfère passer pour un salaud plutôt que pour un meurtrier ».Reste à savoir s’il y a un ou deux meurtriers. En tout cas, il y a plusieurs versions. Une nouvelle a encore été dévoilée, hier, par le père, en exclusivité pour les personnes présentes sur les bancs du tribunal, car, ni les gendarmes, ni le juge d’instruction, n’en ont eu connaissance.
« Pendant la soirée, Alexis a commencé à refaire le pedigree de Michaud en reparlant de son passé et de la voisine qu’il avait tuée. Et c’est parti en engueulade. »
L’engueulade, ça le connaît. La bagarre, aussi. Mais avec des limites à en croire cette formule quelque peu maladroite : « Il n’a jamais été question que ça dégénère en meurtre. Là, je parle des bagarres en général bien sûr ».
Des bagarres avec son fils, il y en a eu. Mais il y aurait pu y en avoir plus. « Si ça avait dû dégénérer à chaque bêtise de mon fils… » Et si c’était la bêtise de trop ?Du côté des parties civiles, une comparaison mythologique a porté le coup final avant, aujourd’hui, le réquisitoire de l’avocat général et la parole de la défense. « Il me fait penser à Chronos qui mangeait ses enfants car il avait peur qu’ils le détrônent. Il les détruit et les cogne de manière… impulsive. »
Alix Vermande