Joseph Schwartz, 15 ans, a été arrêté lors de la rafle du Vel d'Hiv
Dans Paris, il y avait « des bruits, des rumeurs qui couraient ». Disant qu’« il allait y avoir une rafle ». Mais que « les femmes et les enfants ne seraient pas arrêtés » se souvient Joseph Schwartz, 95 ans. Ainsi le 15 juillet, le jeune garçon de 15 ans est-il allé se réfugier chez des amis non juifs à Choisy-le-Roi (Val de Marne) tandis que son père, arrivé de Pologne en France au début des années 20, se cachait dans son garage de marchand de métaux. Sa mère et son petit frère Paul, 11 ans, sont restés à la maison, rue de la Vistule, dans le XIIIe arrondissement. Ce sont eux qui ont été arrêtés en premier le matin du 16 juillet. Joseph, revenu chez lui dans l’après-midi a été pris dans la foulée. Son père s’est livré à la police. Pour ne pas abandonner sa famille. Français « depuis 1937 », les époux Schwartz avaient été « dénaturalisés en 1941 » en vertu de la loi du 22 juillet 1940. Joseph, considéré alors comme « apatride » a été conduit au commissariat du XIIIe puis le lendemain, le 17 juillet, dans un centre du Secours national, cet organisme d’entraide créé pour les familles de soldats en 1914 et réactivé par Pétain en 1939. Et qui fonctionnait, entre autres, grâce au produit de la confiscation des biens des juifs…
44 membres de sa famille assassinés« L’inattention d’un garde ou sa complicité ». Joseph dit aujourd’hui qu’il ne saura jamais ce à quoi il doit sa survie. Ce qui est plus sûr, c’est que dans « un sursaut animal », il a saisi l’opportunité d’une grille entrouverte pour prendre la tangente. Joseph a arraché son étoile jaune. « De bons amis de mes parents m’ont recueilli, m’ont aidé en louant pour moi un studio à leur nom. Puis je suis parti à Lyon où l’on m’a fait des vrais faux papiers. Plus tard, j’ai rejoint la Résistance ». Dans les rangs de la MOI, le réseau de la Main-d’Œuvre Immigrée.
Les lendemains qui chantent, cela restera un voeu pieux
« Quarante-quatre membres de sa famille » ont péri dans la tourmente de la Shoah. Dont ses parents, à Auschwitz-Birkenau. Son petit frère et sa mère ont été gazés dès leur arrivée, en août 1942 selon les témoignages recueillis. « Le 16 juillet, j’étais un gamin ; le 17, j’étais un adolescent » explique-t-il pour dépeindre ce moment où sa vie a basculé.
« L'antisémitisme est toujours rampant »Demain, pour le 80e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, Joseph Schwartz ira à la commémoration des Fils et Filles de déportés juifs de France, aux côtés de Serge Klarsfeld. Par respect pour la mémoire des siens, pour tous ceux qui ne sont pas revenus.
Celui qui a poussé un grand, et légitime, coup de gueule quand il a vu les antivax instrumentaliser l’étoile jaune, ne cache pas son pessimisme. « L’antisémitisme rampant est toujours là et on ne peut rien y faire… À mon âge, je n’ai plus aucune crainte mais je vois que rien ne change. On tue encore et toujours ». Face au triomphe de « l’égoïsme », « les lendemains qui chantent, cela restera un vœu pieux. »
Sophie Leclanché sophie.leclanche@centrefrance.com