Badume’s Band et sa diva éthiopienne font swinguer les Vieilles Charrues
Vêtue d'une robe blanche brodée traditionnelle, la chanteuse à la voix hypnotique, issue de la communauté de nomades troubadours azmari, a fait swinguer son public sur des gammes pentatoniques.
Percussions, batterie, clavier et basse l'accompagnaient sur scène avec, en remplacement de la guitare électrique, un accordéon et un orgue électronique Farfisa.
Issus de la scène jazz, funk et traditionnelle bretonne, les comparses de Badume's Band sont tombés amoureux du répertoire éthiopien des années 1960-1970 grâce au travail de redécouverte de ces sonorités au charme étrange réalisé par l'ethnomusicologue Francis Falceto, avec sa collection "Ethiopiques".
"Au début des années 2000, on tournait avec le chanteur de Centre-Bretagne Eric Menneteau qui s'est lancé à corps perdu dans l'apprentissage de la langue, de la musique et de la culture éthiopienne", raconte à l'AFP Antonin Volson, le batteur du groupe.
Après avoir tourné avec le clarinettiste Aklilu Zewdie, le saxophoniste Gétatchèw Mèkurya, les Bretons ont accompagné Mahmoud Ahmed, figure emblématique du "swinging Addis", ce mouvement musical qui enflamma les nuits de la capitale éthiopienne lors de la période de bouillonnement culturel des années 1960.
"C'est comme si des musiciens français demandaient à accompagner Cesaria Evora. Une grande amitié s'est nouée avec Mahmoud Ahmed et ils ont fait le tour du monde avec cette grande star pendant des années", s'amuse leur producteur Bertrand Dupont, cofondateur d'Innacor, un label de Centre-Bretagne qui se définit comme le "haut-parleur des musiques actuelles de Bretagne et du monde".
Puis vient en 2007 la rencontre avec Selamnesh Zéméné, jeune femme originaire des hauts plateaux de Gondar, ancienne capitale de l'Éthiopie antique, qui chantait chaque soir dans un célèbre cabaret d'Addis-Abeba.
"Depuis, on ne s'est plus perdus de vue", confie Antonin Volson.
-"énergie folle"-
"Au début, quand on s'est lancés dans l'aventure de la musique éthiopienne, on a repris frénétiquement ce répertoire qui mélangeait musique traditionnelle, influences des musiques afro-américaines et cubaines pour se l'approprier avec nos instruments, nos sonorités", poursuit le musicien.
Le point commun entre les tonalités bretonnes et éthiopiennes réside selon lui dans "la transe, la danse, la tradition orale et la pratique du chant contre-chant".
"Badume's n'est pas une fusion entre la musique bretonne et la musique éthiopienne, c'est plutôt une musique de l'excellence, très jazz, funk", commente Tangui Le Cras, membre du collectif La Fiselerie, basé à Rostrenen (Côtes d'Armor), qui coordonne la programmation de la scène Gwernig aux Vieilles Charrues.
Après avoir tourné sur de grosses scènes et effectué de nombreux allers-retours entre la Bretagne et l'Ethiopie, le groupe glisse "vers des sons rock" en se produisant dans de plus petites salles.
Leur 3ème album "roots et rock", Yaho Bele ("dis oui", ndlr), est sorti fin 2021.
"Je leur ai dit +il va falloir qu'on sorte un peu de l'éthio-jazz+ et on a décidé de prendre une voie un peu plus trans, rock, gothique, psyché", souligne Bertrand Dupont.
Le chant, en langue amharique, offre une large place à l'improvisation avec des textes poétiques issus d'un répertoire traditionnel que Selamnesh Zéméné se réapproprie, les paroles étant souvent à double ou triple sens.
Considérée comme l'une des grandes voix féminines en Ethiopie, l'artiste vit toujours à Addis-Abeba et revient en Europe régulièrement pour des tournées.
"C'est une chanteuse assez incroyable, d'une rare puissance. Elle a une énergie folle sur scène", assure Tangui Le Cras.
"Elle est assez réservée dans la vie mais, dès qu'elle monte sur scène, elle entre en communion avec son public et ne lâche rien, qu'il n'y ait qu'une personne ou 50.000 dans la salle", salue Bertrand Dupont.