Dix œuvres de land art à découvrir au fil du massif du Sancy, au cœur de l'Auvergne
Horizons Arts-Nature en Sancy est un festival de land art qui se déguste, qui s’approche. N’ayez pas la prétention de tout voir en une journée. Les œuvres des dix artistes (sur 210 candidats du monde entier) sont disséminées sur tout le massif, dans le Puy-de-Dôme, de Murat-le-Quaire ou du col de la Croix-Morand, au nord, jusqu’aux confins du Cantal, à Saint-Genès-Champespe, Égliseneuve-d’Entraigues ou Espinchal, au sud.
Prenons la carte disponible dans les offices de tourisme ou sur le site internet de la manifestation et laissons-nous guider de façon aléatoire. Une première découverte demande un peu de jambes pour une balade à la banne d’Ordanche d’une durée estimée à 3 heures (pour 6,5 km aller-retour) ou 1?h?30 en faisant une boucle de 3 km menant au sommet du Tenon, qui domine la vallée de la Haute-Dordogne.Murat-le-Quaire. Cette « Érosion [1421. 1416.] » de Julien Fajardo et Vincent Bredif domine la banne d’Ordanche. Comme une grotte venue du passé qui invite à appréhender les reliefs et se fond dans la nature. Le puy de Tenon est à 1.416 mètres d’altitude ; au sommet de l’installation, on atteint les 1.421 mètres, pour mieux dominer l’espace et s’offrir une vue à 360°. Photo Hervé Chellé
Le travail du sculpteur Vincent Brédif et de l’architecte Julien Fajardo, s’appelle « Érosion [1421. 1416.] ». Le premier chiffre est la hauteur à laquelle vous serez en grimpant au sommet de cette grotte imaginaire : 5 mètres de plus que l’altitude du puy. « La montagne s’est érodée et a révélé la grotte qui était là bien avant nous, il y a des dizaines de milliers d’années », imagine l’artiste.
Les deux hommes, pour l’installation, ont passé vingt jours « sous nos tentes, au pied de cette “Archisculpture” » de 9 mètres de haut, 15 mètres de long et 12 mètres de large. Pour habiter l’endroit, « ce lieu où il n’y a rien » et qui offre un panorama à 360° sur les puys de la Tache, de la Monne, de l’Angle… le puy Gros, 1.485 mètres, supérieur au Tenon?; le puy de Sancy, bien sûr.
N’hésitez pas à entrer dans cette caverne à ciel ouvert (sauf en cas de grand vent), à « habiter » la grotte de l’intérieur, à « profiter d’un parcours et d’une itinérance plus hauts que la montagne », comme l’invite à le faire Julien Fajardo.
Cher à Jean-Louis Murat"Fossile", au col de la Croix-Morand. Photo Renaud BaldassinLa matinée sera déjà bien passée. La deuxième œuvre la plus près est « Fossile », de Mathieu Nouhen, une spirale en bois brûlé que l’on est incité à parcourir. Le point de départ est l’un des plus beaux endroits du massif, celui si cher au chanteur auvergnat Jean-Louis Murat : le col de la Croix-Morand, 1.401 mètres, également appelé « col de Dyane ».
L’hiver, ici, est des plus rigoureux, quand souffle l’écir, avec ses rafales de neige si redoutables, qui effrayait jadis les voyageurs, donnant parfois raison au dicton « Le col de la Croix-Morand veut son homme tous les ans ». Morand en aurait fait les frais… et donné son nom au col.
La balade de 5 km est facile, mais sans ombre… et sans chiens (même tenus en laisse), pour ne pas gêner les vaches qui, à cette saison, sont à l’estive. Laissons les paître en paix… Dans le ciel, les vautours et les milans veillent et, si vous êtes chanceux, vous pourrez même apercevoir des mouflons gambadant entre les bruyères.
Abandonnons un instant cette faune pour un peu de philosophie avec « Une Question de lecture », de Carel Kuitenbrouwer. Dans cette quête spirituelle, ne manquez pas, en chemin, de vous arrêter à l’église de Chambon-sur-Lac, petit bijou de l’art roman.
Marc Chagall et ses « Fables de La Fontaine »On apprend aussi, sur la place, que Marc Chagall a posé ses pinceaux et son chevalet ici, à l’hôtel de la Poste, dans les années 20, où il dessina le village, son clocher, et illustra les Fables de La Fontaine que son épouse Bella lui lisait.
Mais revenons à notre question, qui se pose après une boucle d’1?h?30 au balcon de Rouère, au-dessus du bourg. La montée (et donc, la descente) est un peu périlleuse, mais la vue offerte sur le lac console de toute glissade hypothétique. À l’arrivée, on se laisse surprendre par ces panneaux : « Croyons ce que nous voyons?; voyons ce que nous croyons ». Telle est la question?!… Une question de Lecture, à Chambon-sur-Lac (photo Richard Brunel) Retrouvons la raison, comme le préconise Guillaume Cochinaireau au pic Charlut, sur les hauteurs de Saint-Genès-Champespe et « Soyez prudents par temps d’orage?! ». L’artiste a installé un paratonnerre en fils de cuivre, telles des aigrettes de pissenlit. Là aussi, la montée est un peu escarpée et il faut prendre garde à ne pas glisser, mais la vue vaut le détour, sur le puy de Sancy, d’un côté, et les monts du Cantal, de l’autre."Soyez prudents par temps d'orage!" Photo Hervé Chellé Autre panorama imprenable, celui qu’offre cette « Symphonie pastorale », à la Roche Nité, au-dessus du Valbeleix. Une ode à la vie rurale signée « d’un architecte, d’un architecte charpentier et d’un architecte maraîcher » (sic)?; une œuvre interactive avec des cloches (de vache?!) que l’on fait sonner dans le silence de ce lieu magique qui a déjà accueilli des œuvres d’Horizons par le passé (comme « Boîte de nuit », en 2019).Le Valbeleix. Cette « Symphonie pastorale » signée Luc Doin, Quentin Bourguignon et Marin Delebecque est une ode au monde rural. Avec une vue à 360 degrés (photo Hervé Chellé)
Que dire d’un peu de fraîcheur dans les sous-bois pour aller découvrir les mystérieuses « eukaroytas »?? Elisa Sanchez utilise le procédé photographique du cyanotype pour sublimer la nature en bleu sur des tissus suspendus entre les arbres. Nous sommes à Espinchal, à la limite du Cantal, non loin de Montgreleix.À l'ombre bleue des Eukaryotas. Photo Hervé Chellé
C’est le moment de se diriger vers la « Renversante immersion », à la cascade Bois de Chaux d’Égliseneuve-d’Entraigues. Pénétrez dans cet antre de fraîcheur conçu par Édouard Sautai et vivez « une expérience immersive et sensorielle unique », bercé par le bruit de l’eau et du vent.Egliseneuve-d’entraigues et .... Cette « Renversante immersion » d’Édouard Sautai a des vertus ludiques et rafraîchissantes, au pied de la cascade du Bois de Chaux (photo Hervé Chellé) Remontons vers le nord pour atteindre le lac Pavin et admirer le superbe travail de Pier Fabre. Une des plus belles réussites depuis la création d’Horizons Arts-Nature en Sancy. Sa « Pluie de Montchal » s’abat sur le puy du même nom, en une multitude de rubans faits de morceaux de toiles de voiles de bateaux.
Cette pluie est balayée par le vent, toujours différente. « Il faut descendre et s’installer au milieu », conseille l’artiste. « C’est vraiment surprenant. » Effectivement. Lui-même avoue y avoir tenté l’expérience une nuit, à la lueur de la pleine lune…"Pluie de Montchal (photo Francis Campagnoni)
Autre expérience, celle que l’on vit à Saint-Victor-la-Rivière avec la « Canopé » de Catherine Baas. Une boucle de 30 minutes conduit dans une clairière où l’on est surpris par trois installations rouges dont la couleur tranche avec celles de la forêt. Amusez-vous à vous installer sur ces objets, surmontés d’un miroir, afin de « communiquer avec les végétaux », comme l’incite à le faire l’artiste.« Cette installation de miroirs suspendus mêle notre reflet à celui de la forêt ». Après cette « pause entre les arbres », « Float », série de sculptures flottant sur l’eau du lac de Gayme, sur la commune de Picherande, offre aussi une osmose avec la nature.Picherande. Des sculptures flottant sur l’eau du lac de Gayme, œuvres d’un collectif d’artistes polonais mené par Piotr Wesolowski. Les libellules volent au-dessus des nénuphars (photo Hervé Chellé)
L’œuvre se regarde et s’écoute. Dans cette tourbière typique du territoire, avec vue sur le puy de Pailleret, les libellules « déprimées » (c’est leur nom) virevoltent au milieu des nénuphars et des roseaux dans un écosystème unique. Car tel est bien l’objet de ce festival, né en 2007 dans les volcans d’Auvergne : « Créer une résonance entre les sites et les œuvres »?; un « terrain de création contemporaine » arpenté chaque année par quelque 220.000 visiteurs.
Véronique Lacoste-Mettey veronique.mettey@centrefrance.com