Post-covid, pouvoir d'achat, Internet : comment s'adapte le guide gastronomique Gault & Millau ?
Le 30 janvier, l’Auvergne-Rhône-Alpes donnera le top départ 2023 du lancement des éditions régionales du Gault & Millau. Après la période de Covid-19, face à la crise du pouvoir d’achat et à la concurrence d’Internet, comment le guide gastronomique s'adapte ?
« La détection, la découverte, la description de ce qui se passe dans un restaurant, c’est notre ADN. Je pense que notre ton est unique. » Marc Esquerré, directeur des enquêtes pour Gault & Millau, ne se lasse pas d’évoquer ce qui fait la singularité du guide gastronomique, né il y a tout juste cinquante ans.
L’identité du guide« Nous voulons être proches des chefs, en racontant leur histoire, mais aussi proches des clients. Nous avons envie de les emmener se promener dans les auberges, les bistrots ou dans les grandes maisons. Qu’ils découvrent ce pays merveilleux, avec sa richesse gastronomique incroyable. » Une richesse que le Gault & Millau met en avant à travers des récompenses.
De tout temps, nous avons promu des jeunes chefs qui sont devenus des stars. Nous avons par exemple un trophée « Les grands de demain ». Et dans ces derniers, il y a les stars d’aujourd’hui. Il y a des Thierry Marx, des Jean-François Piège, des Yannick Alléno… (Photo HRV Prod pour Gault&Millau)
L’effet covid sur la restaurationPour Marc Esquerré, l’offre a évolué naturellement, depuis une quinzaine d’années, vers des circuits plus courts, un rapprochement avec les producteurs. « Ce n’est pas lié directement au Covid. Mais en revanche, cette période a mis en lumière le fait que oui, on ne pouvait pas aller chercher sans arrêt des produits qui sont à 10.000 kilomètres. » Côté établissements, pas de grand bouleversement. « Nous avons 5.000 restaurants dans nos bases. Et nous observons une relative stabilité. Les maisons n’ont pas disparu et il y a toujours beaucoup de créations. On se rend compte, en se rendant dans les territoires, qu’il y a une belle vitalité. »
Pouvoir d’achat« Il est évident que le rapport qualité-prix rentre aujourd’hui en compte. Mais nous l’avons toujours fait. Nous avons bien conscience que pour la majorité des repas, les budgets sont de 20 euros ou moins.
Quand vous investissez pour votre famille, pour une cérémonie, il faut que ce moment soit réussi. Et ce n’est pas seulement un décor, des couverts en argent et de jolies assiettes bien dressées. Cela commence dès l’accueil, continue avec le service, le vin, la pâtisserie. La question que nous nous posons en testant un restaurant, c’est : « est-ce que nous y reviendrons à titre personnel ? »
C’est très important de savoir si nous mettrions ce prix-là pour ce que nous avons mangé, pour l’environnement. L’évolution des guides gastronomiques, c’est aussi tenir compte du moment qu’on passe. »
Concurrence des sites internetComment se démarquer, s’imposer, quand on a, en face de soi, des avis de clients postés en continu sur des sites spécialisés ? « Sur les réseaux, les gens ne sont pas connaisseurs. Vous avez des avis très contradictoires, très tranchés. Ce ne sont pas des paroles d’experts. Nous, on dit : si vous voulez un vrai avis, par des gens dont c’est le métier, allez voir Gault & Millau. »
L’avenir du guide papierLe directeur des enquêtes est catégorique : les deux supports, papier et internet, peuvent cohabiter. « Évidemment, nous ne sommes plus sur des tirages d’il y a dix ou vingt ans. Mais il y a une famille Gault & Millau. Les gens sont attachés à leur guide et continuent à l’acheter tous les ans. Même des jeunes nous disent qu’il est bien, pratique, que c’est un bel objet qu’on peut offrir. »
Proximité« Chacun des onze guides régionaux, qui vont sortir au fil des mois, va apporter leur pierre, le ciment qui va faire le guide France en fin d’année. Et les promenades gourmandes permettent de montrer aussi qu’il y a de jolis paysages, des villages magnifiques. C’est un vrai axe pour mettre en avant les artisans, les producteurs, les restaurateurs. »
Propos recueillis par Marion Chavot