La démographie confisquée
Les raisons de notre déclin démographique font consensus, non les moyens pour l’enrayer. Le progressisme ambiant impose l’accueil inconditionnel des étrangers, réfute toute incompatibilité culturelle et tout lien immigration/délinquance. Malheur à ceux qui prônent une autre politique.
Les progressistes entretiennent une relation houleuse avec la démographie. Cette discipline s’intéresse en effet à l’avenir, non de l’individu-roi, mais du collectif qu’est une Nation. Thématique rance s’il en est, surtout pour des gens qui détestent leur passé et son homogénéité ethnoculturelle ou lui préfèrent l’éternel présent au détriment du futur. S’ils vénèrent les rapports du GIEC, c’est que le dérèglement climatique fait peu de cas des peuples au profit d’une vision globalisée et indifférenciée de l’humanité – la leur.
À l’image de la sociologie, les études démographiques ont été déléguées à des personnalités sûres, qui trustent les postes à l’Ined, à l’Insee ou à la Sorbonne. Patrick Simon (Ined), Hervé Le Bras (Sorbonne) ou Anne-Sophie Petitfils (Insee), notoirement favorables à l’immigration, sont par ailleurs régulièrement invités à exprimer leurs convictions dans les médias. Leur thèse peut se résumer facilement : le grand remplacement n’existe pas, mais il est indispensable de l’accélérer. Hervé Le Bras a néanmoins fini par admettre qu’il fallait, incidemment, s’attendre à quelques « petits remplacements » (comme en Seine-Saint-Denis sans doute). Parfois, les meilleurs vernis craquent.
Qui s’occupera de nos vieux ?
Les raisons qui nous conduisent à cet hiver démographique font cependant consensus. Il s’agit de la combinaison d’un allongement fulgurant de l’espérance de vie et d’une baisse concomitante de la fécondité. Celle-ci a été permise par ce que l’on appelait dans les années 1960 la « libération de la femme » et correspond aux conquêtes individuelles que furent la contraception et le droit à l’avortement.
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Unanime constat également des « bons » démographes et d’une « mauvaise » comme Michèle Tribalat : il y a déjà beaucoup de vieux Français et ils seront de plus en plus nombreux. Les octogénaires représentaient 2,7 % de la population en 1950, contre 10 % aujourd’hui, et 20 % en 2050. Nous allons donc avoir de plus en plus de fauteuils roulants à pousser ou de couches pour adulte à changer.
On a voulu nous faire croire que nos retraités iraient au Maroc, alors qu’en réalité, ce sont les Marocains qui viennent aux retraités. La réponse à ce défi sociétal ne souffre, en effet, aucune discussion pour les démographes du camp du bien : pour payer nos retraites et torcher nos vioques, il est indispensable de faire venir en masse des jeunes issus d’autres continents (suspens : lesquels ?). Coup de chance incroyable, c’est exactement ce qui se passe depuis trente ans, l’Afrique (ah, c’était lui !) se déverse en Europe et en France à flux continu. 1,2 million d’Africains sont arrivés officiellement dans l’Hexagone lors de la dernière décennie selon l’OFII, chiffre au minimum à doubler pour tenir compte des clandestins – l’OIM estime en effet que pour 100 migrants enregistrés, 117 ne le sont pas. La France compterait donc quelque 2,5 millions d’Africains supplémentaires depuis 2012, et ça devrait continuer si rien ne change – nous voilà sauvés ! La vie est quand même bien faite, champagne pour tout le monde – enfin, à l’Ined en tout cas. Les rabat-joie gardent eux en tête cette phrase de Houellebecq : « Les puissants sont des parasites qui se nourrissent du chaos, faisant semblant d’être les organisateurs de celui-ci faute de pouvoir le contrôler. »
Les conquêtes sociétales soixante-huitardes nous conduisent donc à devoir trouver des remplaçants aux enfants que nous n’avons pas eus. Ce faisant, nous nous voyons sommés d’accueillir des Africains, musulmans pour la plupart, et d’avaler sans nous étouffer l’évidence progressiste selon laquelle il n’y aurait aucune différence entre un Érythréen ou un Breton de 20 ans, à la dilection pour le chouchenprès.
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Face à ce TINA démographique (le fameux « There is no alternative » libéral de Margaret Thatcher), on est prié de remiser par-devers soi les questions non recevables suivantes : est-on vraiment certain que les contingents de Maliens, Sénégalais ou Algériens qui arrivent chez nous partagent bien nos convictions en matière de droit des minorités – notamment juive ou homosexuelle –, ainsi qu’en termes d’écologie ou d’égalité entre les sexes ? D’ailleurs, où sont les femmes dans les bateaux qui traversent la Méditerranée ? Aucun de nos petits Lyssenko de la démographie ne semble voir le déséquilibre patent dans ce ratio d’hommes et de femmes – deux pour une, en étant très optimiste. Personne ne souhaite aborder le sujet délicat de la sexualité de ces mâles, âgés en moyenne de 23 ans, et qui n’auront durablement comme compagne que leur main droite. Il se trouve qu’en Suède, la population étrangère a augmenté de 44 % en dix ans et que le nombre de viols y a progressé de 55 % sur la même période. Une malheureuse coïncidence sans aucun doute et la souligner confine à l’abjection – ce qui n’empêche pas certains nauséabonds de le faire ni les statistiques ethniques disponibles de le confirmer.
Ces fâcheux en viennent même à se demander si une ou plusieurs alternatives n’existeraient pas en lieu et place de l’aporie délétère que l’on nous impose : disparaître sous le poids et au rythme de la mort de nos vieux ou renoncer à la continuité historique en important un peuple de substitution, étranger à notre culture et à nos valeurs judéo-chrétiennes dans lesquelles les droits de l’homme prennent leur source. Curieusement, ce n’est ainsi pas au Mali que ce concept a émergé.
A chacun ses solutions
Observons les États-Unis. Outre une natalité plus vigoureuse liée à une religiosité plus affirmée qu’en Europe, la question migratoire se pose en des termes assez différents. Les States attirent, d’une part, les meilleurs cerveaux du monde à Harvard, Yale ou au MIT. D’autre part, leur géographie confine à la bénédiction. Les candidats à l’immigration qui franchissent le RioGrande arrivent d’Amérique centrale et du Sud. Ils sont catholiques – souvent fervents – et se félicitent sans doute de voir le président local jurer sur la Bible à l’occasion de son investiture. Parallèlement, ils adhèrent au rêve américain et viennent y travailler (dur). S’ils ne le faisaient pas, aucune allocation, aide, prestation sociale, aucune AME, aucune éducation gratuite, aucun logement social, rien d’autre qu’un marche ou crève brutal. Catholiques, productifs et non assistés, tout le portrait de l’immigration en France en somme (où 41,6 % des Algériens de plus de 15 ans étaient chômeurs ou inactifs en 2017). Vu d’Europe, en matière démographique, l’Amérique ne connaît tout simplement pas sa chance et peut se permettre tous les Hervé Le Bras du monde – qui gagnerait à aller s’installer là-bas : une cagnotte en ligne ?
Ailleurs en Asie, la Corée du Sud (0,81 enfant par femme) et le Japon (1,34) figurent deux contrées où sévit un hiver démographique aux allures sibériennes. À ce rythme, leur population va vieillir et diminuer de plus de 20 %, soit une baisse respective de 11 et 27 millions d’habitants d’ici 2050. Qui va donc pousser les fauteuils roulants ? Réponse : des robots. Ils en ont aujourd’hui deux fois plus que nous (390 pour 10 000 employés en Corée, contre 194 en France). Et surtout, déjà leaders mondiaux, ils investissent douze fois plus que nous le faisons dans ce domaine. Entre le Philippin et C-3PO, ils ont choisi le droïde.
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Les Hongrois ont eux choisi le Philippin, faute de droïde certes, mais également en fonction de critères culturels (le catholicisme), de qualification et de capacité d’intégration. En juin dernier, le gouvernement hongrois a annoncé un plan pour faciliter l’immigration en provenance d’Asie. À croire qu’il se défie des migrants musulmans africains, à l’instar de la République tchèque, la Pologne et la Slovaquie qui ont adopté le même type de mesures en 2022.
Tous ces membres du pacte de Visegrad ont par ailleurs mis en œuvre des politiques familiales ouvertement natalistes – un investissement sur vingt ans qui finira peut-être par porter ses fruits en 2040. Essayer de relancer la natalité indigène ne heurte pas grand-monde en Europe de l’Est, ni au Japon ou en Corée, qui tentent eux aussi des aides financières aux familles ou la subvention des crèches.
Avoir des gosses ? Tellement surcôté…
En France, on assiste au contraire à une déconstruction en règle des mesures favorisant la natalité. Fin de l’universalité des allocations familiales, réduction du quotient familial, diminution du nombre de crèches publiques, réduction des aides à la garde d’enfants, etc. La surexposition médiatique des femmes qui refusent toute idée de maternité – les « no kids » –, alors qu’en réalité les couples déclarent souhaiter plus d’enfants qu’ils n’en ont, complète le paysage français d’un hiver démographique sciemment entretenu (au moins en partie) et auquel seule peut répondre bien sûr, l’immigration, bien sûr africaine, bien sûr sans aucun effet sur les mœurs ni sur la sécurité. TINA, on vous dit.
À titre personnel, sans hésitation, je crie « flûte » au TINA. Si on me pousse dans mes retranchements, je suis même prêt à aller jusqu’à « saperlipopette, les canailles que voilà ! ». La proximité lexicale entre démographie et démocratie devrait nous sauter aux yeux et permettre au peuple français d’assister à un débat, non confisqué par l’Ined, au cours duquel on évoquerait le choix de la provenance de l’immigration, les statistiques ethniques, la place des robots en Ehpad, le retour d’une politique familiale ambitieuse excluant l’Afrique subsaharienne de cette manne.
On s’apercevrait ainsi qu’il existe bel et bien des alternatives. Mais y réfléchir est en soi un péché, alors songer à les mettre en œuvre, même pas en rêve !
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