Jean-Claude Leclerc, distingué pour la 20e fois à Clermont-Ferrand : "Une étoile au Michelin, c'est un match de tous les jours"

"Comment je l’ai su ? Par les copains, comme d’habitude?! Les réseaux sociaux et moi ça fait deux." Grand éclat de rire. Jean-Claude Leclerc a le sourire jusqu’aux oreilles, de bon matin, ce mercredi de début mars. Il s’active dans la cuisine de son restaurant clermontois, baigné d’une playlist de variété anglo-saxonne. Ça pulse?! La veille, il a appris la nouvelle par son confrère étoilé puydômois, Rodolphe Regnauld. Le Michelin lui renouvelle l’étoile dans son guide 2024. "Les gens me disent “tu la conserves”. Mais non je ne la conserve pas. Je l’ai gagnée?! lance-t-il soudain plus sérieux. Une étoile, c’est un match de tous les jours." Et cela fait vingt ans qu’il relève le challenge. Avec bonheur. Car cette vie de chef étoilé, Jean-Claude Leclerc en a toujours rêvé.

Dans le petit village de la Tour- Saint-Gelin où il grandit, en Indre-et-Loire, Jean-Claude l’avoue : la vie à la campagne, sa monotonie, l’ennuient à mourir. Il n’aime pas l’école. Il est plein d’énergie. Fêtard. Déconneur. Et gourmand. "A 16 ans, je voulais partir de chez moi. J’avais envie de vivre." La cuisine l’attire. Son père, ouvrier Michelin, et sa maman, femme au foyer, ne sont pas trop d’accord. Mais quitte à devenir cuisinier, autant apprendre dans une belle maison. Ce sera le restaurant Plaisirs gourmands du chef Jean-Claude Rigolet, à Chinon.

"Là, j’ai découvert un nouveau monde. Tout était beau. La salle de restaurant. La clientèle, les belles voitures. Ça me faisait rêver. Pourtant j’avais du mal à me lever le matin, car les journées étaient longues?! Mais il y avait une telle énergie. Et puis je logeais dans un foyer des jeunes, on sortait. Tout cela m’a tout de suite plu." Pendant cet apprentissage, il se passe aussi "un truc" fondateur dans son parcours. Le chef du restaurant où il travaille décroche sa première étoile. "J’ai compris que c’était énorme." Il décide que son objectif, ce sera ça.

Jean-Claude Leclerc a 28 ans quand il s’installe à Clermont-Ferrand avec son épouse, Angélique. Ils n’ont pas encore d’enfant (NDLR, le couple en a trois). Jean-Claude occupe son premier poste de chef cuisinier au restaurant Clavé, à Clermont-Ferrand. Là ou presque, où se trouve son restaurant, à deux pas de la cité judiciaire.

Ces années-là. 1968, naissance à Chinon. 1984, entrée en apprentissage. 1996, premier poste de chef cuisinier au restaurant Clavé, à Clermont-Ferrand.  1998, première étoile décrochée au restaurant Clavé. 2004, première étoile décrochée au restaurant JC Leclerc. 2024, vingt ans d'étoile au guide Michelin.

"J’ai été embauché en 1996 pour regagner l’étoile qui avait été perdue. Je l’ai décrochée en 1998." Deux ans plus tard, Jean-Claude et Angélique rachètent le restaurant Clavé. Dans son guide 2000, le Guide Michelin ne lui attribue pas d’étoile. "On avait vraiment les boules, ça faisait quinze jours qu’on était propriétaires quand le guide est sorti. On a fait plusieurs services avec zéro réservation… On l’a eu amer." Le couple ne baisse pas les bras pour autant. Ouvre sept jours sur sept pour chercher de la trésorerie. Trouve sa clientèle. Met tout en œuvre pour regagner cette étoile. Le guide Michelin la décernera au restaurant Jean-Claude Leclerc en 2004. Et les vingt années suivantes.

Additions astronomiques dans les restaurants 3 étoiles : la faute au guide Michelin ?

"En vingt ans, ma cuisine n’a pas tellement changé, juge le chef. Je fais la cuisine que je sais faire." (rires) Oui, mais encore?? "Il y a des modes, moi je ne les suis pas trop. Alors oui, le design est plus important, la présentation davantage épurée, mais sinon… Ma cuisine correspond à mon parcours." Jean-Claude Leclerc travaille avec des producteurs locaux, mais pas uniquement. "Mes clients apprécient de venir manger de la sole, de la truffe, des saint-jacques. C’est quand même vachement bon?! On ne peut pas tous cuisiner que de la truite." Des produits nobles, un savoir-faire. Ses assiettes sont à l’image de sa générosité. À la carte du restaurant, figure une pièce de bœuf pommes de terre fondantes au cantal et sauce Périgueux. Un plat présent depuis vingt ans. Le chef étoilé n'envisage pas de le retirer. Pourquoi ? Parce que  "le meilleur des guides, ce sont les clients".

Catherine Jutier