Au volant de leur Jeep, ce couple de Haute-Loire était en Normandie pour le 80e anniversaire du Débarquement
Au nord des plages d’Utah Beach, jeudi 6 juin 2024. Le soleil illumine d’une lumière rouge les plages normandes. La brume se dissipe sur les carcasses des Gooseberries, ces bateaux coulés pour former une digue. Il est 6 h 30. 80 ans plus tard, jour pour jour, après le débarquement des Alliés, à la minute même, des dizaines de figurants, en uniformes d’époque, se mettent à l’eau, fusil en main. Le moment est solennel, fort en émotion pour les milliers de personnes qui assistent à la reconstitution.
« Chaque matin du 6 juin ne se lève pas de la même manière »Parmi eux, un couple de Haute-Loire : Amandine Satre et Alan Blondeau. L’espace d’une semaine, ils se sont rendus en Normandie pour vivre ces commémorations du 80e anniversaire du débarquement allié et profiter des nombreux rendez-vous organisés pour l’occasion. Si Amandine est une Beauzacoise pure souche, Alan est Normand. Il y a quatre ans, il a rejoint Beauzac et y a installé son activité dédiée aux boîtes de vitesses de deux chevaux (« La boîte de deux pattes ») puis de restauration des véhicules d’autrefois (le garage « les Anciennes »), en parallèle aux activités de mécanique et de dépannage du garage Satre à Beauzac. Avec un caractère aussi marqué que des cristaux de sel dans une motte de beurre d’Isigny-Sainte-Mer, Alan est avant tout un passionné d’histoire de cette période de la Seconde Guerre mondiale, du débarquement et de toute la bataille de Normandie. Au milieu du bocage normand, il connaît chaque carrefour, chaque chemin. Il sait où se trouvent les traces des combats, allant des impacts de balles sur les murs jusqu’à l’obus qui n’a pas explosé et s’est encastré dans l’église de Saint-Lô, rasée à 95 % et surnommée « la capitale des ruines »… Au bord d’un chemin, il distingue un trou dans une haie.
Ici, c’est un char américain qui est passé…
Rien que dans les départements de la Manche et du Calvados, les innombrables monuments aux morts rappellent le prix fort payé par les alliés pour libérer la France, puis toute l’Europe, du joug Nazi.Mais c’est surtout le jour J, que le couple aspire à vivre à bord de sa Jeep Willys, pour commémorer, sur la plage, le débarquement. « Chaque matin du 6 juin ne se lève pas de la même manière », témoigne Alan. Habité par la guerre depuis son enfance, il a réalisé un énorme travail personnel sur tout ce qu’il s’est passé en Normandie à l’été 1944. Une passion qu’il partage aujourd’hui avec Amandine, sa compagne, mais également à travers les réseaux sociaux. « Le 6 juin devrait être un jour férié en Normandie », glisse-t-il. « C’est impressionnant de voir comment les gens sont attachés à toute cette histoire. Partout, ils mettent des drapeaux à leurs fenêtres », constate Amandine. Même si cela « a été dur » pour son conjoint de quitter sa région natale pour venir en Haute-Loire, sa connaissance du territoire et du déroulement de la bataille de Normandie en font un guide précieux.
« L’histoire dans l’histoire »Plusieurs amis, comme Alan, un autre Beauzacois, et une deuxième Amandine, venue de la Somme, ou encore des membres de la famille, ont été à leurs côtés pendant cette intense semaine. « Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire dans l’histoire, les anecdotes, ce que l’on ne trouve pas sur les panneaux ni sur les dépliants touristiques ». Alors Alan fait découvrir des bunkers enfouis sous la végétation ou des histoires méconnues, tel l’église d’Angoville-au-Plain. Là où deux médecins américains ont soigné sans distinction des soldats blessés des deux camps. 80 ans plus tard, les traces de sang sur les bancs de l’église témoignent toujours de ce qu’il s’est passé et redonne un soupçon d’humanité au milieu des horreurs de la guerre.Spécialiste des questions de logistique, intarissables sur les bidons, fin connaisseur des véhicules anciens de la Seconde Guerre mondiale, Alan Blondeau est aussi très attaché au respect des lieux visités. Aux plages bondées d’Omaha Beach, le couple préfère celles d’Utah, Sword, Gold ou Juno, moins médiatisées. À côté des cimetières américains très connus, ils se rendent aussi sur les cimetières allemands pour ne pas oublier que dans la Wehrmacht : « Il y avait aussi des hommes qui n’ont pas eu le choix… »
Devoir de mémoirePour partager cette passion, Amandine et Alan continuent de participer à des évènements et des reconstitutions en Haute-Loire ou ailleurs. « C’est important de poursuivre ce travail, de ne pas oublier ce qu’il s’est passé pour notre liberté », insiste Amandine. Le week-end de l’Ascension, ils étaient à Coubon. Fin juin, ils seront dans une école à Retournac avec leur Jeep et en costume. Le devoir de mémoire continue.
Lionel Ciochetto
Ampleur. Cette année, l’ensemble des évènements organisés dans le cadre du 80e anniversaire du débarquement a été suivi par un public considérable. À tel point d’ailleurs que beaucoup ont eu un peu de mal à s’y retrouver. Avec tous les chefs d’États présents et les mesures vigipirate, des sites ont été fermés au public, des routes interdites à la circulation… « Le 6 juin, des habitants n’ont même pas pu sortir de chez eux pour aller à Omaha Beach, c’est regrettable », déplore Alan.