A Ussel, "il ne faut surtout pas oublier " les 47 fusillés du 10 juin 1944

Ce lundi 10 juin au soir, elle était place Voltaire. Là même où 80 ans plus tôt, le 10 juin 1944, l’oncle de celui qui allait devenir son époux a été fusillé par les Allemands. Impossible pour l’Usselloise Françoise Farge de ne pas honorer la mémoire des 47 résistants FTR tués ce jour-là.« Depuis que je suis à la retraite, je viens chaque année à la cérémonie, confie-t-elle. Avant, mes beaux-parents y allaient toujours. En tout cas, il y a toujours eu un représentant de la famille… Il ne faut surtout pas oublier… »L’oncle de son époux Gilbert s’appelait René Farge, il avait 17 ans et résidait avec ses parents dans la maison familiale du quartier de la gare. « René était le frère de Laurent, le père de mon mari, raconte Françoise Farge. Le grand-père de son époux avait conduit un taxi de la Marne pendant la première guerre et il ne pouvait plus marcher. Le matin du 10 juin 1944, l’oncle René est entré à la maison et leur a dit qu’il allait récupérer les armes des Allemands dans ce qui est désormais le collège Voltaire. »

Avec un camion des transports Farge

L’historien corrézien Hervé Dupuy rappelle le contexte : « Le 9 juin, les Allemands qui ont signé une reddition imparfaite puisqu’ils ont conservé leurs armes, sont amenés de l’école Jean-Jaurès où ils étaient cantonnés jusqu’à l’École primaire supérieure (EPS) (actuel collège Voltaire) où est installé le 1er régiment de France. » Dans les conditions de leur reddition, les Allemands se placent sous la protection du régiment pétainiste et leur armement est déposé à l’École primaire supérieure. C’est cet armement que les jeunes FPT, une soixantaine, viennent chercher le 10 juin en début d’après-midi. « René a dit à ses parents qu’ils partaient avec trois véhicules, dont un des établissements Montupet, un camion de la scierie de Meymac et le camion des transports Farge. Il avait eu un ordre oral. » Sur la place Voltaire, les soldats du 1er Régiment de France s’affolent en voyant les jeunes s’approcher, ouvrent le feu. Les Allemands qui ont entendu, récupèrent leurs armes et ouvrent le feu. 47 jeunes Résistants pour la plupart venant d’Aix, Ussel, La Tourette… sont fusillés.

"Mon beau-père n'en parlait jamais"

« Les corps ont tous été mis à la salle Giraud, près du presbytère. Je ne sais pas si le corps de l’oncle de mon mari a pu être récupéré de suite par la famille mais en tout cas, il a été enterré à Ussel », précise Françoise Farge qui se souvient du silence de la famille sur cette tragédie.« Mon beau-père n’en parlait jamais, se souvient-elle. C’était une discussion à ne pas attaquer d’emblée, il fallait que l’initiative vienne de lui. Il y avait toujours un voile d’ombre devant ses yeux… »Lundi soir, Françoise Farge qui détient le diplôme d’encadrant FTP de l’oncle de son mari, s’est longuement recueillie. Comme l’ont fait des dizaines d’Ussellois. 

Estelle Bardelot