En Creuse, la librairie Vies minuscules propose désormais des livres de seconde main
Depuis un mois, de nouvelles étagères ont fait leur apparition à la librairie Vies minuscules. Des romans, des classiques, des polars... Ils ont déjà eu une vie et ne demandent qu’à être relus. L’idée de proposer un choix de livres d’occasion s’est présentée assez naturellement à Elodie Soulé, elle-même « très cliente du seconde main » dans d’autres domaines. L’idée qu’un livre puisse avoir plusieurs vies, passant de main en main, ravissant plusieurs lecteurs et plusieurs bibliothèque l’a séduite.
« Je crois qu’en Creuse, cette économie circulaire locale, c’est quelque chose de vraiment apprécié. Les gens ont de plus en plus envie de participer à ça, d’acheter comme ça sans se priver pour autant d’acheter aussi du neuf. Ca peut vraiment être complémentaire »
La libraire s’inscrit dans l’air du temps d’achats plus durables. Mais aussi plus accessibles.
Toucher tous les publics et toutes les boursesLe livre d’occasion permet de toucher un public pour qui le prix peut être un frein, notamment parmi les nouveautés. « Maintenant, elles sont autour de 20 euros, et effectivement, il y a des gens que le prix arrête, qui se retiennent de lire des livres dont ils viennent d’entendre parler et qui les attirent. C’est à prendre en compte particulièrement sur notre territoire », confie Elodie Soulé. La libraire prend soin de proposer dans son rayon d’occasion des titres parus il y a très peu de temps, affichés à 80% du prix neuf. Pour les livres sortis il y a plus longtemps, le prix peut aller jusqu’à 50% moins cher que le neuf.
« Il y a aussi une vraie demande de la part des clients pour remettre dans le circuit leurs propres livres », faire de la place sur leurs étagères pour s’offrir de nouveaux ouvrages, ajoute-t-elle.
« Ils se plaignent souvent de la place qui leur manque pour leurs livres et je trouve ça dommage de se priver de lecture, d’être curieux, sous prétexte qu’on n’a plus de place. »
En revendant certains livres, des doublons, des livres qui ne les ont pas accrochés, ces lecteurs un peu frustrés de ne pas pouvoir repousser les murs s’offrent un peu de place et profitent des fruits de la revente pour repartir avec de nouvelles lectures. « Il y en a qui n’attendaient que ça! Pour eux c’est un plus, c’est quasiment de l’ordre du service, sourit Elodie Soulé. J’ai un grand client d’occasion qui lui, typiquement, les envoyait chez Gibert et qui maintenant me les apporte. »
Un système de dépôt-vente et de bons d'achatLa librairie a choisi la formule du dépôt-vente et sélectionne méticuleusement, comme elle le fait pour le reste de ses rayonnages, les livres qu’elle remet dans le circuit. Elle a pour cela l’aide précieuse d’Emmanuelle Laroche-Firdion. « On choisit les auteurs, les éditeurs, les contenus, on essaie d’en lire un maximum et c’est bien d’être deux pour ça », sourit cette dernière, présente deux jours par semaine aux côtés de la gérante.
« Un travail énorme » puisqu’en France, on est « à plus de 300 parutions par jour, tous livres confondus », rappelle-t-elle. Si bien que depuis quelques mois, pour le neuf, comme pour l’occasion plus récemment, « on a fait le choix de choisir moins de livres, mais mieux, c’est à dire qu’on est plus dans l’offre que dans la demande. »
« En fait, pour l’offre d’occasion, ce sont principalement des livres qu’on vend ici, dans l’esprit de la librairie. On ne va pas vendre des livres auxquels on ne croit pas »
Pour boucler cette bulle d’économie circulaire, elle imagine « que ce soit uniquement nos clients qui ont acheté des livres ici qui viennent les revendre. Ce serait l’idéal! »
Une fois déposé, le livre restera en rayon trois à quatre mois et s’il n’est pas vendu dans ce laps de temps, il reviendra à son propriétaire. « S’il s’est vendu, je leur reverse leur part (environ 50% du prix de revente) en bons d’achat », précise Elodie Soulé. Et la boucle est bouclée, « c’est-à-dire que ce livre vendu permet d’acheter un nouveau livre à la librairie ».
L’initiative semble déjà avoir trouvé son public. « On voit que les clients sont vraiment contents. On a fait pas mal de ventes d’occasion depuis qu’on a mis ça en place. Je ne pensais pas autant », se réjouit Emmanuelle Laroche-Firdion.
Pour cette libraire, c’est une opportunité de plus pour les lecteurs de se laisser aller à la curiosité sans trop de risque.
« J’avais une cliente qui voulait un polar. Et j’avais deux livres d’Olivier Norek en occasion. Je lui ai proposé, c’est un auteur français qui fonctionne bien, qui est plutôt sympa, si ça se trouve, si elle aime, elle achetera les autres. Ca peut déclencher un intérêt pour un auteur, ça multiplie les possibilités de lectures... »
Bientôt une taxte sur le livre de seconde main ?Pour l’instant, lorsqu’on achète un livre d’occasion, ni l’auteur, ni le traducteur, ni la maison d’édition ne sont de nouveau rémunérés mais la donne pourrait changer.« C’est un sujet qui va être abordé aux Rencontres nationales de la librairie les 16 et 17 juin prochains à Strasbourg, explique Élodie Soulé. Vu l’ampleur du marché du livre d’occasion ces trois dernières années, il est question qu’il y ait une taxe sur la vente d’occasion. »
C’est en tout cas une possibilité énoncée en avril par le président de la République au Festival du livre de Paris. Avec l’idée « de permettre à nos auteurs, éditeurs et traducteurs d’être mieux aidés » et d’éviter que le marché du livre d’occasion ne devienne un concurrent déloyal à celui du neuf.
« Il faut toujours veiller vraiment à préserver le neuf mais les deux sont complémentaires »
D’autant qu’il s’agit aussi de protéger le prix de vente unique instauré en 1981 par la loi Lang qui impose que tout livre soit vendu au public à un même prix, fixé par l’éditeur, sur tout le territoire et à tous les détaillants. Seule une réduction de 5 % du prix est autorisée.
À la librairie Vies minuscule, pas de ristourne de 5 % mais un emploi en plus et des petits cadeaux réguliers aux clients fidèles. « J’ai calculé, ces 5 %, ça représente la rémunération d’Emmanuelle. Je pense que ça mérite d’être dit. Si je faisais 5 %, je ne pourrais pas financer ce poste deux jours par semaine », explique Élodie Soulé qui rappelle que derrière le prix d’un livre, « il y a la rémunération de l’auteur, de l’éditeur, de l’imprimeur, du diffuseur, du distributeur, du libraire… »
Librairie Vies minuscules. 2 rue Jules-Sandeau à Guéret, tél. : 05.55.52.75.24
Texte & photos : Julie Ho Hoajulie.hohoa@centrefrance.com