Ce que les familles des victimes du 9 juin 1944 ont raconté à Emmanuel Macron lors de sa venue à Tulle
Ce lundi 10 juin, jour de visite présidentielle, Nicole est au Haut-Lieu de Cueille à Tulle, en famille. Il y a 80 ans, son père, Paul Humbert, a été pendu comme 98 autres jeunes hommes par des soldats de la SS Das Reich aux balcons de Tulle. Il avait 28 ans.
Alors lorsque le président Macron s’est arrêté devant elle pour découvrir son histoire, lui tendre la main, le moment était à l’émotion. « Il m’a dit merci d’être là et je lui ai dit merci d’être venu. Sa visite est une belle reconnaissance. lls sont tout de même morts pour la France ! »
Nicole est née à Tulle et habite à Argentat-sur-Dordogne. Comme dans beaucoup de familles, le drame ne se disait pas. « Ma mère n’en a pas parlé pendant très longtemps. Et tous les ans, ce 9 juin, c’est une plaie qu’on ouvre. »
Quelques larmesEmmanuel Macron, en échangeant, a pris connaissance « de ce tri absurde, sans critères ». À Tulle, Paul Humbert était réfugié, il y a perdu la vie. Aujourd’hui son arrière-petit-fils, Paul, est aussi heureux que la mémoire perdure. « C’est très important car même dans la région, cette histoire n’est pas connue de tous. Et à l’école, on n’en parle pas assez », regrette-t-il. Beaucoup d'émotion lors de la rencontre.À leurs côtés, une dame s’entretient avec le président de la République. Des larmes s’échappent. Emmanuel Macron est tour à tour sombre en écoutant ces drames familiaux, réconfortant lorsqu’il le faut, serrant longuement les mains, tenant amicalement les bras.
Les familles apprécient, comme Gérard Mazeau, petit-fils de Charles Godillon, otage des SS et pendu le 9 juin. Lui aussi est là en famille. « Il nous a fait un petit sourire, nous a dit un mot réconfortant. C’est bien qu’il soit venu, surtout au vu des circonstances, cela aurait pu être annulé », glisse-t-il.Le président a eu un mot et un geste réconfortant pour chacun.
Attristée par le résultat des électionsFille de déporté, Janine Picard, pour la première fois, a agrafé au revers de son chemisier ses rubans de la Légion d’honneur et du Mérite national. « Je ne les ai jamais portés à la boutonnière », glisse-t-elle. Le président l’a remerciée pour le poème qu’elle a lu. « Bernard Combes (maire de Tulle, NDLR) lui a parlé de mon père ; moi des circonstances et de ce que j’ai vécu, dit-elle. Je suis très triste, très perturbée par le résultat des élections. Peut-être y aura-t-il un sursaut national, mais le temps est bref. Les gens sont mécontents, d’accord, mais de là à aller vers les extrêmes… On ne sait pas où ça peut aller. J’ai toujours dit à mon mari qu’un jour ou l’autre, ils (les extrêmes, NDLR) finiront par arriver, mais qu’on sera sans doute morts… Ça va plus vite. Dans cette ville notamment, c’est vraiment triste. »Lundi, à Tulle, l’Histoire a résonné tristement avec l’actualité.
Laetitia Soulier avec Blandine Hutin, photos Agnes Gaudin.