Eric Ciotti, le dirigeant qui a rompu le cordon sanitaire avec le RN
"Il ne faut jamais sous-estimer Eric Ciotti", confiait un ténor de la droite à la fin de l'année dernière, à un moment où LR avait retrouvé des couleurs en parvenant à durcir la loi immigration... avant que le Conseil constitutionnel ne la retoque.
Six mois plus tard, les dirigeants de LR pourraient nourrir les regrets de ne pas s'être suffisamment méfiés du patron du parti qui a, en toute discrétion, rencontré Marine Le Pen et Jordan Bardella, pour sceller son alliance.
Souvent vêtu d'un impeccable costume bleu et d'une cravate assortie, M. Ciotti, 58 ans, s'est toujours positionné sur une ligne très droitière, faisant de la lutte acharnée contre l'immigration clandestine sa marque de fabrique.
Avec 53,7% des voix, le député de Alpes-Maritimes l'avait emporté sur M. Retailleau, déjouant le mot d'ordre du "tout sauf Ciotti" qui l'avait fait échouer une année auparavant au second tour de la primaire de LR pour la présidentielle.
Présenté par ses proches comme un "tempérament bouillant", capable de "coups de sang", il a toujours mis en avant sa fidélité au RPR puis à LR, répétant sans cesse son slogan "ordre, autorité et liberté".
Celui qui n'a jamais été ni ministre ni maire a assumé la présidence d'un parti qui ne comptait plus qu'une soixantaine de députés et qui a sauvé sa peau de justesse dimanche aux Européennes en obtenant 7,2% des voix.
La présidence de LR n'a pas été de tout repos pour le député des Alpes-Maritimes, voire "douloureuse" pour reprendre le terme d'un cadre du parti, à mesure que le parti se rétrécissait et se déchirait sur la ligne à suivre.
Le patron de la puissante fédération des Alpes-Maritimes n'a pas été suivi par une partie importante de ses troupes il y a un an à l'Assemblée nationale sur la réforme des retraites qu'il avait pourtant soutenue.
Contre "l'idéologie wokiste"
"Dans sa décision de s'allier au RN, il y a peut-être une volonté de trancher dans le vif de la pire des manières", déplore-t-on au sein de LR, où on lui a souvent prêté l'intention de briguer un poste de ministre de l'Intérieur.
Ton posé et accent chantant, il a proposé un projet proche de celui de François Fillon en matière économique, avec l'idée d'un "choc fiscal" et des "économies sur l’État social", plaidant pour que LR soit un parti de gouvernement "responsable".
Avec son langage musclé, il fustige tour à tour "l'en-même-temps de Macron, "l'idéologie wokiste" de la gauche ou encore les "islamogauchistes" de la France insoumise.
Opposé à tout accord avec la majorité - "en 2017 ou en 2022, je n'ai jamais voté M. Macron", a-t-il souvent rappelé - le questeur de l'Assemblée a toujours soutenu clairement la candidature de Laurent Wauquiez à l'Elysée en 2027.
"On ne trahit jamais", a rétorqué M. Wauquiez mardi, qui comme tous les dirigeants du parti ont rejeté son alliance avec le RN.
Une mère institutrice, un père agent immobilier, Eric Ciotti, physique austère, front dégarni et lunettes studieuses, est né le 28 septembre 1965. S'il a grandi à Nice, il reste un enfant de l'arrière-pays où il garde ses attaches familiales et a baigné très jeune dans le milieu politique - dans la Vésubie, où son grand-oncle l'emmenait à la chasse.
Diplômé de Sciences Po Paris en 1988, il abandonne les révisions du concours de l'ENA pour être l'attaché parlementaire de Christian Estrosi, alors jeune député, avec qui il finira par se brouiller, le feuilleton de leur rivalité alimentant la chronique niçoise.
Sur le plan judiciaire, M. Ciotti est sous le coup d'une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics, ouverte en mai, autour de soupçons de cumuls d'emplois au conseil départemental des Alpes-Maritimes.