Le cinéaste belge Joachim Lafosse accusé de harcèlement moral et sexuel
À 49 ans, Joachim Lafosse s’est imposé, avec dix longs-métrages au compteur et des sélections dans les festivals les plus prestigieux, comme l’un·e des cinéastes belges les plus prolifiques et les plus influent·es. Si la perversion, la manipulation et l’abus sous-tendent la matière première de son cinéma, une enquête de Libération publiée ce mardi matin révèle que ces traits seraient également au cœur de ses méthodes de travail. Ce ne sont pas moins de dix femmes, scénaristes, actrices et techniciennes, mais aussi des producteur·rices, qui ont collaboré avec l’auteur d’Un silence qui témoignent du climat toxique qui règne sur ses tournages, ainsi que de sa méthode de travail évoquant volontiers un “système d’emprise” et un “schéma de prédation”.
Parmi elles, Virginie Efira, qui a tourné avec le réalisateur dans Continuer, sorti en 2018, évoque des tensions sur le tournage : “Ce fut l’un des pires tournages de ma vie. […] Il m’a poussée à bout, mais tout le monde était contre lui.”
Un déferlement de témoignages
Ces tensions, Lafosse les a imposées dès sa première réalisation, Ça rend heureux (2006). Vania Leturcq, alors âgée de 21 ans, est engagée en tant que première assistante sur le film. Elle décrit des “colères“, des dénigrements et des humiliations : “Tu es transparente ! Tu n’existes pas !” Quant à la deuxième assistante, Valérie Houdart, elle rapporte des faits d’agressions sexuelle – “Nous sommes alors les deux derniers à travailler dans les bureaux, Joachim me plaque dans un coin, entre un mur et une porte, et m’embrasse” – et physique, lorsque pour le dernier jour de tournage, il actionne une bouteille d’air comprimé près de son oreille, lui provoquant un sévère acouphène, qui persistera deux ans après l’incident.
De son côté, l’actrice Louise Chevillotte, qui a remplacé Lisa Debauche sur le tournage d’Un silence, se souvient de “cris” et de “propos tranchants et humiliants”. Après le tournage, elle alertera les producteur·rices belges du film, Stenola Productions, du comportement du réalisateur. “Ils m’ont envoyé paître en me demandant si j’étais pour une uniformisation des réalisateurs”, rapporte-t-elle.
Acculé par ces révélations accablantes, Joachim Lafosse les réfute toutes en bloc.